Pour les dix prochains mois, le Bénin sera mieux dirigé que par le passé. L’élection de Me Adrien Houngbédji à la tête du Parlement béninois, s’apparente à la promotion d’un lieutenant, pétri d’expériences, au grade de capitaine dans un régiment. Il épaule dans le même grade l’autre capitaine qui conduisait, seul, le navire. Le président Yayi Boni a désormais un interlocuteur de taille pour l’équilibre du fonctionnement des Institutions de la République.
Le bref discours prononcé, à la suite de son élection, plante le décor. Adrien Houngbédji, pour la troisième fois président de l’Assemblée nationale, s’est positionné comme un véritable médiateur de la République. Il s’est placé au-dessus de la mêlée pour marquer la rupture avec la cacophonie au sommet de l’Etat. Il fait ainsi transparaître sa personnalité forgée au fil d’une longue expérience professionnelle et politique, aussi bien au Bénin qu’à l’étranger. Me Adrien Houngbédji, président de l’Assemblée nationale, représente, au regard de la Constitution du 11 décembre 1990, la deuxième personnalité de l’Etat. Né le 05 mars 1942 à Aplahoué, Adrien Houngbédji devance de 10 ans le président Yayi Boni né en 1952 à Tchaourou. La forte personnalité du président de l’Assemblée nationale le différencie nettement de beaucoup d’autres présidents d’Institution qui se sont comportés comme des valets du capitaine Yayi Boni. Dans la hiérarchie des Institutions de la République, l’Assemblée nationale arrive en première position derrière l’Exécutif. Les attributions dévolues au Parlement sont telles que, Yayi Boni est obligé de collaborer, de façon permanente, avec Adrien Houngbédji. Déjà, le chef de l’Exécutif sera amené, les jours à venir, à consulter le bureau de l’Assemblée nationale en vue de la recomposition du nouveau gouvernement. Car, la démission du ministre en charge de l’Eau et de l’énergie, Barthélémy Kassa ainsi que l’option en faveur du mandat parlementaire de certains ministres élus députés, contraignent Yayi Boni à cette réalité. Le 31 juillet 2015, le président Yayi Boni sera devant le Parlement pour livrer son dernier discours traditionnel sur l’état de la Nation béninoise. Il sera face à son aîné Adrien Houngbédji. Le lendemain 1er août, jour de l’accession du Bénin à la souveraineté internationale, le président de l’Assemblée nationale, Adrien Houngbédji sera invité à occuper le fauteuil qui lui est réservé à proximité du président de la République. Le dernier grand rendez-vous sera celui de décembre 2015 avant les adieux de Yayi Boni au peuple béninois en tant que président de la République. Car, l’homme du changement, pour compter du 06 avril 2016, ne sera plus amener à occuper le douillet fauteuil de la Marina. Il regagnera tranquillement le rang privilégié des anciens présidents de la République pour former la coalition avec les patriarches Dr Emile Derlin-Zinsou, le général Mathieu Tchaa Kérékou et le président-maire, Nicéphore Dieudonné Soglo. C’est seulement dans 10 mois.
Carte de visite de Adrien Houngbédji
Docteur d’Etat en droit de la faculté de droit de Paris en 1961, major de l’Ecole nationale de la magistrature française la même année. Il s’inscrit au barreau de Cotonou en 1968 où il dirige un important cabinet d’avocats. Me Adrien Houngbédji est un homme politique béninois, président du Parti du renouveau démocratique (Prd), il fut Premier ministre de 1996 à 1998, sous la présidence de Mathieu Kérékou. Son parcours politique, professionnel et social fait de lui un homme pétri d’expériences. En 1976, il est condamné à mort pour avoir défendu un opposant au régime Kérékou. Il s’exile au Gabon où il exerce de nouveau sa profession. Rentré au pays à l’occasion de la Conférence nationale de février 1990, il entre en politique en se faisant élire député, puis occupe, à deux reprises, les fonctions de président de l’Assemblée nationale de 1991 à 1995 et de 1999 à 2003. Il est élu coprésident du Parlement Afrique Caraïbes Pacifique et Union européenne (Acp-Ue) en 2001. Il a participé à des gouvernements, notamment celui de Mathieu Kérékou en 1996, où il a été Premier ministre, chargé de la coordination de l’action gouvernementale. Membre de l’académie des sciences d’outre-mer, il publie en octobre 2005 un livre exposant sa vision politique du Bénin et de l’Afrique intitulé « Il n’y a de richesse que d’hommes », paru aux éditions de l’Archipel 2. Adrien Houngbédji est grand-croix de l’Ordre national du Bénin. Le président de la 7ème législature de l’Assemblée nationale, marié et père de 7 enfants, il admire bien les caprices de ses petits-fils qu’il adore. A l’opposé, Yayi Boni est docteur en économie de l’université Paris-Dauphine 3. Ses expériences se limitent essentiellement à 3 postes. Yayi Boni a été Conseiller technique aux affaires monétaires et bancaires, du président Nicéphore Soglo, de 1991 à 1996. Ensuite, il a été nommé président de la Banque ouest-africaine de développement (Boad) en décembre 1994, fonction qu’il conserve jusqu’en février 2006 quand il démissionne pour se présenter à l’élection présidentielle qui s’est tenue le mois suivant. Il est marié et père de cinq enfants. Ses occupations et interminables voyages ne l’empêchent pas de mener une vie de famille et d’admirer ses petits enfants. Pour le peu de temps qui lui reste à passer à la présidence de la République, il croisera le fer face avec son aîné et doyen dans la politique, Adrien Houngbédji. C’est une partie du cours de l’histoire du pays. C’est tant mieux pour la démocratie béninoise éprouver par plus de 9 ans de caporalisation du Pouvoir.
Jean-Claude Kouagou