La débâcle de la mouvance, lors de l’élection du président et du bureau de l’Assemblée nationale, n’est ni plus, ni moins, la résultante du mauvais coaching de la majorité présidentielle par le Chef de l’Etat. Frustrations, déceptions, guerre d’intérêts personnels et autres dérives au sein de la mouvance ont contribué à l’échec des Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) et leurs alliés face à une opposition en position de revanche sur le régime en place.
Ce mardi 19 mai 2015, à l’Assemblée nationale, les Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe) et leurs alliés (transfuges de l’opposition) se croyaient en position de force, lors de l’élection du bureau de l’Assemblée nationale. Mais, ils ont été surpris par l’élection de Me Adrien Houngbédji, candidat de l’opposition, contre Komi Koutché, joker de la majorité présidentielle, au poste de président du Parlement béninois. Tout d’abord, la mauvaise interprétation du paysage politique national par le Président Boni Yayi est l’une des causes de la débâcle de la mouvance au Parlement. En principe, il devrait comprendre qu’à moins de 11 mois de la fin de son deuxième et dernier mandat à la tête du pays, il n’avait plus toutes les cartes en main. En 2007, il avait brillamment réussi à imposer le Professeur Mathurin Nago, parce qu’il était à quatre ans de la fin de son premier mandat.
La plupart des acteurs politiques, composant le G 13, tels que Issa Salifou, Rachidi Gbadamassi, Basile Léon Ahossi, Nassirou Bako, qui avaient peur de rester dans l’opposition, avaient fait son jeu. On se rappelle du triste spectacle du Plm Alejo où des députés, transfuges de l’opposition, main levée, disaient chacun : « Je le jure » pour signer le fameux accord de législature. Grâce au clientélisme, sur fond de chantage, le Président Boni Yayi avait réussi à imposer son homme aux acteurs politiques, même si certains d’entre eux ont rejoint l’opposition par la suite. En 2011, c’était encore le même scénario. Le natif de Tchaourou venait de reconquérir le Pouvoir d’Etat par un K.O historique à l’élection présidentielle contre son éternel challenger, Me Adrien Houngbédji, président du Parti du renouveau démocratique (Prd). Il avait encore au moins quatre ans pour gérer les intérêts des uns et des autres.
Certains députés, étant des opérateurs économiques, à tort ou à raison, avaient peur des représailles fiscales. Ils sont conscients que le harcèlement fiscal est le côté star du régime du Président Boni Yayi. Pour se mettre à l’abri de la foudre du Pouvoir, ils acceptent de subir le diktat du natif de Tchaourou. Maintenant, à moins de 11 mois de son départ du Pouvoir, il est évident que le Chef de l’Etat n’ait plus les marges de manœuvres de 2006 et de 2011 pour imposer son candidat à la présidence de l’Assemblée nationale, comme il l’avait fait pour le Professeur Mathurin Nago. C’est surtout à ce niveau que s’est trouvée la difficulté du ministre des Finances, Komi Koutché, élu député, candidat au perchoir. Pour mettre en déroute le plan de la mouvance, l’opposition a également fait usage de procurations pour limiter les cornes de la trahison. Ce qui serait difficile pour le camp-Houngbédji, si le Président Boni Yayi avait encore au moins quatre années à passer au Pouvoir. La fin des choses, s’annonçant de l’autre côté, a rendu difficiles les négociations.
Mauvaise stratégie
Le Chef de l’Etat devrait tenir compte de cette réalité dans les tractations. La preuve est que les procurations arrachées à certaines grosses de la majorité présidentielle font couler beaucoup d’ancre et de salive. Selon les informations, certains ministres en sont frustrés. L’arrivée surprise du ministre du Plan, Marcel de Souza, à l’hémicycle, à quelques minutes du démarrage du vote du bureau de l’Assemblée nationale, en dit long. Pourrait-il agir de la sorte, si le Président Boni Yayi avait encore au moins trois ou quatre ans à passer à la tête du pays ? Certainement non. Quelle que soit la situation, il sait qu’il a moins quatre ans à passer à l’Assemblée nationale, pendant qu’il ne reste que moins de 11 mois pour son mentor à la tête du pays. Que fallait-il faire ? Face au contexte politique actuel, les Fcbe devraient avoir un candidat qui a une forte capacité de négociations. C’est là où beaucoup soutiennent que le ministre d’Etat chargé de l’Enseignement supérieur, François Abiola, avait les marges de manœuvres pour conquérir le perchoir au grand dam de Me Adrien Houngbédji. Son expérience politique, sa maîtrise des rouages de l’Assemblée nationale, ses relations antérieures avec la classe politique et surtout son charisme d’homme d’Etat auraient pu profiter aux Fcbe. En plus, l’équilibre régional était en sa faveur. Sous le Général Mathieu (originaire du Nord), le président de l’Assemblée nationale est toujours sorti du Sud du pays. Au total, il faut dire que le Chef de l’Etat a mal joué la carte Koutché. Il doit se sentir responsable de l’échec de ses poulains au Parlement. Comme quoi, lentement mais sûrement, le régime Yayi amorce sa descente aux enfers.
Jocelyn Kouton