« Ce sont les politiques qui produisent le développement, non pas l’argent », a lancé Donald Kaberuka, président du Groupe de la Banque africaine de développement (BAD), dans une déclaration choc lors de la cérémonie d’ouverture des Assemblées annuelles 2015 de la Banque. Cette année est une année jalon pour la BAD, celle de son 50e anniversaire, et les propos de Donald Kaberuka ont mis pleinement en lumière le thème de ces rencontres : « L’Afrique et le nouveau paysage mondial ».
Cecilia Akintomide, vice-présidente et secrétaire générale de la Banque, était chargée d’orchestrer la cérémonie, entourée sur l’estrade de chefs d’Etat – dont ceux du Libéria, de Côte d’Ivoire, du Mozambique, du Ghana, du Cap-Vert, de République du Congo, de Tanzanie et du Gabon –, accompagnés de certains des hauts responsables de la BAD.
La salle du Palais des Congrès de l’hôtel Sofitel Ivoire était à ce point bondée pour l’occasion, que nombreux sont ceux qui ont dû rester debout. Des centaines de personnes étaient venues écouter ces hauts responsables évoquer l’évolution de la Banque au fil des 50 dernières années, entendre l’hommage rendu aux accomplissements de Donald Kaberuka pendant ses 10 ans de mandat, et prendre connaissance des défis auxquels devra répondre le prochain président de la BAD.
Le président du Conseil des gouverneurs de la BAD, Albert Mabri Toikeusse, a dit combien l’institution était reconnaissante de à l’endroit de la Tunisie pour avoir accueilli le siège de la Banque à Tunis pendant plus de dix ans, et facilité sa réinstallation à Abidjan à la fin 2014. M. Toikeusse a souligné que la confiance qu’avait également inspirée le président ivoirien, Alassane Dramane Ouattara, avait facilité le retour sans heurts de la Banque à Abidjan, ville dans laquelle elle avait été fondée. « Au nom de tous les gouverneurs et des États qui les ont délégués, nous vous disons merci », a déclaré M. Toikeusse.
Saluant ce retour de la Banque, le président Ouattara a fait l’éloge des qualités d’énergie et d’engagement de ses quelque 1 600 collaborateurs. Et d’ajouter : la BAD est une « institution mondiale aux réalisations financières probantes, qui ont amélioré la vie des Africains ».
Intervenant à son tour et s’exprimant sans fard, M. Kaberuka a évoqué les défis auxquels il a dû faire face à la tête de la Banque pour la faire évoluer jusqu’à son niveau actuel : « Lorsque j’ai pris mes fonctions, j’ai pensé que cinq actions appelaient à une attention urgente » a-t-il dit. « Un effort conséquent sur les infrastructures, l’incitation du secteur privé, l’intégration économique, le souci des États fragiles et la mise en valeur du pouvoir, de la connaissance et de la voix de l’Afrique ».
Pour aider à minimiser les contraintes qui se présentaient, M. Kaberuka a mentionné qu’au cours des dix dernières années la Banque avait investi 28 milliards de dollars EU dans les infrastructures, dont 11 milliards dans le secteur de l’énergie ; elle a consenti des aides conséquentes en matière de transport, d’eau, de technologie de l’information et de communications. Mais, a-t’il souligné, « au regard des besoins de l’Afrique, les lacunes à combler restent énormes ».
Dans la perspective des 50 prochaines années d’activités de la Banque, il a assuré que le continent africain serait toujours confronté à des défis d’ampleur. Pour tracer la voie de l’avenir de la Banque, il s’agira de réexaminer constamment son modèle d’affaires, de maintenir une position financière solide et de prêter attention aux faiblesses institutionnelles qui pourraient compromettre les succès financiers futurs.
S’agissant de solidité financière, il a indiqué que la Banque, « gérant un portefeuille qui a doublé en l’espace de dix ans, doit obligatoirement être très présente sur le terrain ». Et de préciser qu’à ce jour, la Banque est engagée dans 38 pays et la moitié de son portefeuille gérée à partir du terrain. « Le développement télécommandé n’est tout simplement pas possible ».
S’agissant de la capacité à reconnaître d’éventuelles faiblesses, M. Kaberuka a rappelé qu’il avait été nécessaire d’améliorer l’inclusion des femmes, raison pour laquelle il avait procédé à un changement : « J’ai décidé de nommer une envoyé spécial sur les questions de genre afin de défendre cette cause à la fois au sein de la Banque et à travers l’Afrique ».
En cette année 2015, considérée comme un tournant dans l’histoire du développement, Donald Kaberuka passe le relais au prochain président de la Banque. Auquel il a adressé par avance ses « meilleurs vœux ». Et d’ajouter : « dix ans passent très rapidement. C’est un emploi complexe et impitoyable, mais tout à fait passionnant. En fait, ce n’est pas un emploi, mais une mission, ce qui rend ce travail encore plus gratifiant ».
Après une salve d’applaudissements d’un public debout, après les éloges, les félicitations et les nombreuses marques de reconnaissance que lui ont témoignés dirigeants d’institutions financières, chefs d’Etat et chefs d’entreprises, Donald Kaberuka a déclaré, dans un discours : « À vous tous, Excellences, gouverneurs, chers amis, sachez que, où que je sois, vous pourrez compter sur moi pour être un combattant de la transformation économique de l’Afrique ».