C’était le Photographe du chef de l’Etat, Yayi Boni depuis son accession au pouvoir en 2006. Yves Trougnin, photojournaliste de renom, est décédé le samedi 30 mai 2015, au Centre national hospitalier et universitaire Hubert C. Maga de Cotonou où il était admis depuis quelques semaines.
Né en 1968 à Allada, une localité du sud du Bénin, Yves Trougnin débuta sa carrière de photographe dans les années 1994 au sein des premiers quotidiens qui furent lancés au lendemain de la Conférence nationale du Bénin. Très vite, il réussit à intégrer le milieu culturel et s’est s’imposé comme l’un des photographes les plus sollicités par le milieu du showbiz. En décembre 2005, il est invité à accompagner Yayi Boni, alors président de la Banque ouest-africaine de développement (Boad) et candidat aux élections présidentielles de mars 2006. Il embarque avec le candidat dans un périple qui le conduira à visiter les hameaux les plus reculés du Bénin. Le 6 avril 2006, il rejoint le président élu au palais de la Marina où il officie en qualité de photographe personnel du chef de l’Etat. Depuis plus de six ans, au gré de ses voyages à travers tous les pays du monde, il photographie d’éminentes personnalités que rencontre le président de la République. Depuis samedi 30 mai 2015, l’homme a définitivement déposé ses appareils photos. A 47 ans, Yves Trougnin aura donc vécu comme un flash.
Au-delà de la famille du disparu, des membres de la présidence de la République et ses collaborateurs, c’est toute la corporation des professionnels de médias du Bénin qui a perdu un de ses membres. Que l’âme du disparu repose en paix.
Des amis de Yves Trougnin se prononcent…
Capo Gratien : Photojournaliste au quotidien La Nation
Vraiment c’est une perte pour la nation. Parce que si vous voyez ici au Bénin les photojournalistes ne sont pas nombreux. Et quelqu’un de ce niveau-là qui vient de nous quitter c’est vraiment une perte. Yves est un photographe professionnel. Quelqu’un chez qui on peut apprendre beaucoup de choses. Parce qu’on a eu à travailler ensemble, j’ai fait le palais. Lui, il a commencé avec le président Boni Yayi depuis 2006. C’est lui qui a couvert la campagne du président Boni Yayi. Et depuis lors il a poursuivi les travaux avec le Président jusqu’à ce jour. Malheureusement j’avais appris qu’il était souffrant et qu’il était à l’hôpital. J’ai tenté par tous les moyens d’aller lui dire au moins mes civilités. Mais ce n’était pas possible. Et c’était hier nuit qu’un autre collègue m’a informé que c’est comme ça qu’il vient de rendre l’âme. C’est un homme sympathique, quelqu’un qui n’aime pas l’à peu près. Chez Yves c’est ça ou ce n’est pas ça. Tu veux faire la photographie ou tu laisses. C’est ce que j’apprécie chez lui. Quand il décide de faire quelque chose il faudrait que ça soit sans erreur. Un perfectionniste de haut niveau. Les derniers moments qu’on a passé ensemble c’était le 26 Décembre passé. Nous avons fait la marche de la mouvance présidentielle ensemble. Le dernier mot qu’il m’a laissé avant son départ et qui m’a touché c’était lors de mon arrivé au palais. Il avait en fait une situation que je ne maitrisais pas. Et il me disait « Capo tu n’as pas fait une demande pour venir ici. Il parait que c’est le boss lui-même qui t’a invité. Occupes-toi de ton travail et fais le correctement, point ».
Jean Paul Aplogan
« Yves est un Homme ouvert et généreux. Nous travaillons beaucoup ensemble. Les derniers moments qu’on a partagé ensemble c’était le jour des élections autour de 19h 30 où il me mettait en garde au sujet d’une question qu’on discutait. Par rapport à son évacuation le Président avait pris toutes les dispositions. Mais il s’est fait qu’il devrait se remettre du mal dont il souffrait ; ce qui n’a pas pu être fait avant son départ. »
Jean-Marie Sèdolo, Directeur de publication
« La Presse du Jour »
«On a coutume de trouver tous les mérites aux défunts. Certains de ces mérites sont justifiés puisque le défunt, lors de sa vie sur terre, les incarnait vraiment. Mais d’autres, ces mérites, ne sont pas justifiés. Ce n’est justement pas le cas de notre désormais très cher regretté Yves Trougnin. Je vous assure qu’Yves va créer un grand vide autour de nous. Nous ses amis. Nous étions collaborateurs au quotidien Le Matinal pendant de nombreuses années. Yves était toujours prêt à nous fournir l’image dont nous avions besoin pour illustrer nos papiers. Quand il ne les avait pas lui-même, il sollicitait ses collègues photojournalistes, juste pour rehausser la qualité de notre production. Amis, nous étions. Yves était toujours à l’écoute, sur le plan professionnel ou pas. Vaille que vaille, avec des fortunes diverses, nous avons mené le combat de l’information jusqu’à la veille de la présidentielle de 2006 où une importante opportunité s’était présentée à lui. Nous étions tous heureux que le candidat Yayi Boni l’ait pris dans son équipe, bien sûr grâce au coup de pouce de notre patron du moment, Charles Toko. Pour nous, les talents de photojournalistes d’Yves méritaient bien qu’il intégre un tel niveau. Il aura convaincu Yayi Boni pendant la campagne présidentielle. Et bien naturellement, une fois élu, le président de la République l’a gardé à ses côtés depuis 2006. Yves a été à la hauteur de la mission. Evidemment, cela ne peut en être autrement. C’était la fierté de nous ses amis mais du Matinal, sa première grande rédaction, si je ne me trompe. Malgré son ascension (ce n’est pas n’importe qui travaille au quotidien avec le président de la République), Yves n’a jamais perdu de vue ses amis. Son numéro (le même) sonne toujours quand on avait besoin de lui. Dans l’impossibilité de décrocher sur le champ, il rappelait plus tard. Je me rappelle, notre dernière rencontre était au stade de l’Amitié. Cela faisait un bail qu’on ne s’était plus vu. Nous étions tous contents de nous retrouver. Mais malheureusement, ce sera la dernière. Son collègue Ange Gnacadja m’a annoncé, il y a quelques semaines, sa maladie. Il en est mort finalement. Que c’est cruel la mort. Je passe par ces lignes pour dire mes condoléances à ses proches. Que la terre lui soit légère.»
Francine Tanifeani Chabi, Ortb
« Il s’appelait Yves Trougnin, photographe émérite, précédemment en service à la Présidence de la République. Parti dans la fleur de l’âge. A présent, tes souffrances de la vie ici-bas sont terminées. Que Dieu protège les tiens ! Repose en paix cher frère et ami ! »
Arimi Choubadé, Directeur de publication
« Le Nokoué »
«Lui, c’était Yves Trougnin, photojournaliste tout simplement... Il ne revendiquait rien d’autre que d’être Yves Trougnin, photojournaliste. Depuis 2006, certains lui attribuent le titre de photographe du président de la République. Mais lui-même n’avait rien de présidentiel. Le seul qui a gardé le même numéro de téléphone, les mêmes amis, le même train de vie et la même passion, celle de lire l’actualité à travers l’œil dans le viseur d’un appareil photo après 9 années passées à la Marina. Il était presque hors d’atteinte de la course à la mondanité très prisée dans les cercles présidentiels. Lui, il était photographe ; pas chasseur de maîtresses, de voitures, de marchés publics gré à gré, de scandales, de villas ou d’excentricité. On se demandait s’il faisait la différence entre les lambris dorés des palaces présidentiels où il exerçait de plus en plus souvent et les cabarets vétustes où il aimait retrouver la chaleur de ses amis. Ne vivant que pour sa profession, Yves ne pouvait pas se confondre à tous les parvenus hantant les couloirs de la Marina à la recherche de promotion et de légitimité extra professionnelle. C’est vrai qu’il n’appartenait plus vraiment à la presse béninoise qu’il a servie des années durant. Sa légendaire fidélité ne lui permettait pas le moindre flirt. Personnellement je ne lui connais qu’un seul patron, Charles Toko qu’il servait à ‘‘Le Matinal’’ avant que ce dernier ne l’embarque pour l’aventure aux côtés de Yayi Boni devenu son deuxième patron depuis 2006 jusqu’à sa mort le 30 mai 2015. Un parcours qui résume le caractère de l’homme, sans sulfure, frasque, aspérité et presque sans histoire. Du moins, c’est l’image qu’il laisse auprès des confrères qui l’ont côtoyé au cours de sa courte existence commencée en 1968. 47 ans n’est pas l’âge où on peut imaginer voir partir quelqu’un comme Yves Trougnin qui semblait avoir encore de l’amitié à partager, il y a peu. S’il est d’ailleurs resté aussi longtemps auprès du locataire de la Marina,c’est que le monsieur savait dompter les cœurs. Peut-être que cette fois-ci, à l’occasion de ce décès, il y aurait, au sein de l’opinion, moins de conjectures sur les conditions de vie et de travail des hommes des médias. Yves ne trainait certainement pas des ordonnances médicales impayées ou ne courait pas après une prise en charge médicale improbable à l’instar de certains de ces collègues décédés dans un dénuement exceptionnel. Mon confrère Léonce Houngbadji se fait d’ailleurs le devoir de rappeler à qui veut l’entendre que le chef de l’Etat aurait déjà «personnellement» payé pour l’évacuation de son brillant photographe sur l’Afrique du Sud dès le lundi 1er juin 2015. Il lui suffisait de résister à la maladie encore quelques jours pour obtenir de meilleures chances de vaincre ce mal dont les dessous demeurent une énigme pour le grand public. Rien à voir cependant avec ses anciens collègues qu’il a quittés dans la presse privée et qui continuent de «tirer le diable par la queue» à chaque fièvre ou quinte de toux.
Malgré sa parfaite connaissance du milieu journalistique et ses amitiés solides au sein des rédactions, Yves ne s’est jamais mué en propagandiste en quête de titres ronflants à la gloire du prince. Il ne rechignait pas à filer une photo d’un événement à un confrère qui le demande dans un simple esprit de collaboration. On peut donc logiquement lui dire merci d’avoir honoré sa profession d’origine, de ne pas l’avoir souillée sur l’autel de l’émergence ou de la refondation contre prébendes et promesses une fois passé dans ce monde d’affairisme, de corruption, de passes-droits et de combines. Il se sent peut-être en phase avec les cauris dont il chasse les images depuis 9 ans mais on ne lui reconnaît pas de déviances opportunistes. L’essentiel est que Yves Trougnin photojournaliste de ‘‘Le Matinal’’ soit resté le même Yves Trougnin même devenu photographe du chef de l’Etat. Merci d’avoir fait honneur à ton origine, la presse... »