Les 7 sages par décision Dcc 15-113 du 26 mai 2015 ont tranché suite au recours de l’ancien député Orou Sé Guéné par lequel, il dénonce la violation des droits de la défense dans une affaire de flagrant délit qui l’oppose au juge des libertés et de la détention du tribunal de première instance de Parakou. D’après la Cour constitutionnelle, il n’y a pas eu violation de la Constitution dans le jugement de cette affaire.
Décision Dcc 15-113 du 26 mai 2015
La Cour constitutionnelle,
Saisie d’une requête du 29 décembre 2014 enregistrée à son secrétariat le 31 décembre 2014 sous le numéro 2703/206/Rec, par laquelle Monsieur Guéné Orou Sé, député à l’Assemblée nationale, forme un recours pour violation des droits de la défense dans la procédure judiciaire n°Para/2014/Rp/01392 et le jugement n°378/1Fd/ 14 du 02 décembre 2014 qui en est résulté, prononcé par le Tribunal de première Instance de Parakou ;
Ouï Monsieur Zimé Yérima Kora-Yarou en son rapport ;
Après en avoir délibéré,
Contenu du recours
Considérant que le requérant expose :
« 1- Rappel des faits
Le point de départ de toute cette histoire est l’épouvantable drame qui a frappé ma famille dans la nuit du samedi 1er au dimanche 02 novembre de cette année.
En effet, l’une de mes nièces a été froidement abattue laissant un nourrisson de 10 jours ; cet évènement a ému tous les habitants de Gnel-Sinaferi (Kalalé). Très rapidement, le commandant de la brigade de Gendarmerie de Kalalé, accompagné de quelques gendarmes, a mis la main sur le suspect et a alerté imprudemment toute la population. Cette erreur grossière du chef de la brigade, quelques heures seulement après la commission de cet atroce crime, a entraîné un soulèvement de la population que les agents de gendarmerie n’ont pas réussi à maîtriser. L’impuissance des gendarmes à contenir la manifestation a conduit l’un des gendarmes à tirer dans la foule, blessant mortellement un parent de la victime. Les mêmes gendarmes ont par ailleurs effectué de nombreuses interpellations parmi les manifestants dont trois des beaux-frères de la victime du crime initial. C’est dans ce contexte extrêmement tendu dans ma commune, que je suis intervenu, en tant qu’élu de la Nation, auprès des autorités en charge de l’enquête aux fins de les inciter à faire le maximum pour ramener le calme et la quiétude au sein de la population, bref que l’ordre républicain soit entièrement rétabli dans la cité.
Je me suis d’abord adressé au juge du 1er cabinet d’instruction du tribunal de première Instance de Parakou sur la situation des manifestants incarcérés, puis déférés, situation qui attise davantage les tensions au sein de la population.
J’ai ensuite été orienté vers Madame le Juge des libertés et de la détention dudit tribunal à qui j’ai expliqué la situation et demandé de faire en sorte que le traitement des individus incarcérés n’accentue pas la colère de la population.
Mais, à ma grande surprise, la juge des libertés et de la détention, Madame Gouda Baco Aleyya s’est emportée, considérant que ma demande caractériserait le délit d’immixtion dans le jugement d’une affaire.
La plaignante a aussitôt fait appel au 1er substitut du procureur de la République de Parakou aux fins de me poursuivre, malgré que j’aie présenté mes sincères excuses à la plaignante qui, manifestement, n’a absolument pas compris ma démarche visant à apaiser la population. Le 1er substitut du procureur a aussitôt ouvert une enquête de flagrance pour immixtion dans le jugement d’une affaire, ce qui m’a valu d’être interrogé sous le régime de la garde à vue.
Pendant mon intervention auprès de la juge des libertés et de la détention, celle-ci m’a vertement reproché ma prise de position, en tant que député, en faveur de la proposition de loi portant abrogation du droit de grève des magistrats et m’a juré de me la faire payer.
Qui plus est, les magistrats avaient placardé une liste de noms de députés ayant soutenu la proposition de loi sus-citée, dont le mien, dans tous les tribunaux, avec la mention : "afin que nul n’en ignore".
J’ai donc demandé, afin de bénéficier d’une justice impartiale, la récusation de tous les magistrats ayant publiquement pris part à la fronde contre les députés favorables à la suppression de leur droit de grève, mais ma requête a été simplement rejetée par la cour d’Appel de Parakou.
Par suite, j’ai été convoqué à comparaître devant le tribunal de Parakou pour y être jugé ; malgré des certificats médicaux établissant mon faible état de santé que j’ai fait parvenir au président du tribunal et au procureur par le biais de mes avocats, ainsi que des excuses, j’ai été condamné par le jugement, par défaut réputé contradictoire, n°378/Ifd/14 du 02 décembre 2014, à 6 mois d’emprisonnement ferme et à cinq cent mille (500.000) francs Cfa d’amende ferme, pour pression sur un juge avec mandat d’arrêt à l’audience.
Ainsi qu’il sera démontré, toute cette procédure viole gravement les droits de la défense garantis par notre Loi fondamentale » ;
Considérant qu’il développe : « II- La violation des droits de la défense
La procédure n°094/2014 et, plus encore, le jugement n°378/Ifd/14 du 02 décembre 2014 caractérisent, à plus d’un titre, la transgression des droits de la défense et doivent ainsi être déclarés inconstitutionnels. Cette procédure viole principalement trois dispositions essentielles de notre code de procédure pénale :
1- L’article 429 du Code de procédure pénale
Cette disposition établit clairement que "si la citation n’a pas été délivrée à la personne du prévenu, la décision, en cas de non comparution, est rendue par défaut". En l’occurrence, dans le cadre de cette procédure aucune citation ne m’a jamais été délivrée en personne par les autorités chargées de l’enquête ; la seule convocation que le procureur a envoyée à mon domicile a été signifiée à ma femme, Bio Kana Bérou, le 28 novembre 2014. Or, le jugement n°378/Ifd/14 du 02 décembre 2014 me condamnant à six mois d’emprisonnement ferme et à cinq cent mille (500.000) francs Cfa d’amende ferme est rendu par défaut réputé contradictoire.
Il s’agit donc d’une insoumission grave et délibérée du tribunal de Parakou à la disposition sus-visée, et par ricochet aux droits de la défense protégés par la Constitution.
2- L’article 427 du code de procédure pénale
En vertu de cet article, le prévenu qui produit une excuse valable doit pouvoir bénéficier d’une nouvelle date d’audience, afin de pouvoir s’expliquer devant le tribunal. En l’espèce, j’ai fait parvenir, le 1er décembre, par le truchement de mes avocats, au président du tribunal de première Instance de Parakou ainsi qu’au procureur de la République, un certificat médical établissant mon inaptitude à assister à l’audience du 02 décembre, ainsi que des excuses. En dépit de tous ces éléments, le tribunal m’a condamné, sans jamais tenir compte de mes nombreuses diligences, ainsi que celles de mes avocats. Il est évident que ces juges du Tribunal de première instance de Parakou étaient décidés à violer cet article et plus généralement les dispositions constitutionnelles visant à protéger les droits de la défense dans le cadre d’un procès. » ; qu’il poursuit :
« 3-L’absence d’inculpation
Un des principes cardinaux de la procédure pénale est qu’un prévenu qui n’a jamais été inculpé devant un tribunal, ne peut pas être jugé par défaut réputé contradictoire par ce tribunal. D’ailleurs, l’article 423 de notre code de procédure pénale énonce qu’au commencement de l’audience, le président constate l’identité du prévenu et donne connaissance du contenu de l’acte qui a saisi le tribunal.
Dans le cas d’espèce, je n’ai jamais été inculpé dans cette affaire. Par ailleurs, initialement poursuivi pour immixtion dans le jugement d’une affaire, j’ai finalement été condamné par le tribunal pour pression sur un juge, sans jamais avoir été inculpé pour aucune des deux infractions. Cette entorse grossière aux principes les plus élémentaires de notre procédure pénale a empêché mes avocats de me défendre valablement.
En effet, n’ayant jamais été inculpé par le tribunal, mes avocats ne pouvaient me représenter de façon régulière devant cette instance. Qui plus est, le tribunal après avoir adressé à mes avocats une convocation à l’audience du 25 novembre, leur a adressé, le 27 novembre, une nouvelle convocation pour le 02 décembre à 8 heures, dans le cabinet du procureur de la République près le tribunal de première Instance de première classe de Parakou. A aucun moment mes avocats n’ont été mis au courant de l’audience du 02 décembre au cours de laquelle le tribunal m’a condamné. C’est d’autant plus grave que le 1 er décembre, soit la veille de l’audience, mes avocats ont adressé au président du tribunal ainsi qu’au procureur de la République, un certificat médical attestant de mon indisponibilité ainsi que des mots d’excuses ; le tribunal ne leur a jamais répondu et n’en a jamais tenu compte pour rendre sa décision » ; qu’il conclut : « Le tribunal a bafoué les droits de la défense et porté une atteinte substantielle à la Constitution » ; qu’il demande à la Cour : « de déclarer contraires à la Constitution, la procédure n°094/2014 et le jugement n°378/Ifd/14 du 02 décembre 2014 pour violation des droits de la défense » ;
Instruction du recours
Considérant qu’en réponse à la mesure d’instruction diligentée par la Cour, le président du Tribunal de première instance de Parakou, Monsieur Aboudou Ramanou Ali, écrit : « Le nommé Orou Sé Guéné a été poursuivi pour avoir, à Parakou, le jeudi 06 novembre 2014, fait pression sur un juge, infraction prévue et punie par l’article 3 de la loi n° 2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire en République du Bénin.
L’analyse des faits découlant du procès-verbal d’enquête de police ... révèle que le jeudi 06 novembre 2014, le nommé Orou Sé Guéné s’est rendu au Tribunal de première instance de première classe de Parakou où étant, il s’est introduit dans le bureau de Madame le Juge des libertés et de la détention (Jld), pendant que celle-ci était en audience en son cabinet, en présence de son greffier. Après s’être présenté à Madame le Jld comme étant le député de la commune de Kalalé, il lui a demandé, avec insistance, de ne pas placer sous mandat de dépôt ses protégés Guinnin Djobo, Guinnin Bani, Gouda Gnomma et Guinnin Mamoudou, tous poursuivis dans un dossier d’assassinat et de coups et blessures volontaires, procédure alors pendante devant elle. Bien que le Juge des libertés et de la détention (Jld) lui ait demandé de se retirer, il a persisté jusqu’à ce que celle-ci fasse appel au troisième substitut du procureur, lequel a constaté les faits en présence de deux Officiers de police judiciaire (Opj) avant de rendre compte à sa hiérarchie. Le parquet a alors initié contre lui la procédure objet du dossier Para/2014/Rp/01392 et sa traduction, le 07 novembre 2014 devant la première chambre des flagrants délits du tribunal de céans du chef de pression sur un juge et ce, sans aucun mandat de dépôt avec une convocation remise à sa personne pour comparaître à l’audience de ladite chambre le Il novembre 2014. A cette date, la cause n’a pas pu être entendue en raison de ce que neuf (09) juges sur un total de dix (10) du tribunal de Parakou dont le titulaire de la chambre, ont fait l’objet d’une récusation de la part du sieur Orou Sé Guéné. Le dossier a été évoqué à cette date par le président du tribunal qui est seul à n’avoir pas été récusé ; celui-ci a simplement renvoyé le dossier au 18 novembre 2014 en attendant la décision de Madame le premier Président de la cour d’Appel de Parakou, sur la requête aux fins de récusation formulée par les avocats du prévenu.
A l’audience du 18 novembre 2014, le sieur Orou Sé Guéné n’a pas comparu et n’a pas adressé une lettre d’excuse au tribunal ; cependant que l’un de ses avocats, en l’occurrence Maître Sadikou Alao, a adressé une correspondance au président du tribunal, non pas pour excuser son client, mais pour solliciter une remise de cause, motif pris de ce qu’il (lui-même) n’a pas encore pu se remettre de la fatigue du précédent voyage effectué de Cotonou à Parakou. Le tribunal a constaté l’absence du prévenu et de ses conseils à l’audience, a examiné la demande de remise de cause puis a renvoyé le dossier au 25 novembre 2014 pour comparution du prévenu à la diligence du ministère public.
Par lettre en date à Parakou du 19 novembre 2014, le représentant du ministère public a avisé Maître Jean de Dieu Houssou, second conseil du nommé Orou Sé Guéné, de la date de renvoi. Par exploit de signification de convocation avec sommation de comparaître en date du 21 novembre 2014, le ministère public a signifié au prévenu et à son conseil, Maître Sadikou Alao, la nouvelle date d’audience du 25 novembre 2014 (Cf pièce jointe n°07, exploit de signification de convocation). Nonobstant cette notification de convocation par voie d’huissier, le prévenu et ses conseils n’ont pas comparu à cette audience.
Par correspondance du 21 novembre 2014, enregistrée au secrétariat du président du tribunal le 24 novembre 2014, Maître Sadikou Alao, conseil du prévenu a sollicité à nouveau une remise de cause en raison cette fois-ci, de la nécessité pour lui d’être présent aux activités inhérentes à la rentrée solennelle du barreau du Bénin. (Cf. pièce jointe n08 correspondance de Maître Sadikou Alao). Le tribunal, après avoir constaté une fois encore l’absence à l’audience du prévenu et de ses conseils a renvoyé la cause au 02 décembre 2014, toujours pour la comparution du prévenu et pour ses conseils.
Par exploit du 28 novembre 2014, le ministère public a, une seconde fois, fait délaisser au prévenu, une signification de convocation avec sommation de comparaître à l’audience du 02 décembre 2014 (Cf. pièce jointe n09 signification de convocation du 28 novembre 2014). Malgré cette signification faite à son domicile, le prévenu n’a pas comparu à l’audience du 02 décembre 2014, ses conseils non plus. Mais, son conseil Sadikou Alao a fait parvenir au tribunal une lettre datée du 1er décembre 2014 et portant transmission de certificats médicaux concernant l’état de santé du prévenu Orou Sé Guéné (Cf. pièces jointes n010, lettre de Maître Sadikou Alao du 1er décembre 2014). Le tribunal après avoir constaté une troisième fois l’absence du prévenu et de ses conseils, a noté qu’en fait de certificats médicaux, il s’agissait plutôt de deux arrêts de travail délivrés par le Docteur Raphaël Goudjinou et qui mentionnent simplement que l’état de santé du nommé Orou Sé Guéné nécessite un arrêt de travail de huit (8) jours sans autres précisions. Sur cette base, le tribunal siégeant en formation collégiale a pris le dossier au fond. Après examen des faits et les réquisitions du ministère public, le tribunal a déclaré le prévenu Orou Sé Guéné coupable des faits de pression sur un juge mis à sa charge puis l’a condamné à six (6) mois d’emprisonnement ferme, à cinq cent mille (500.000) francs Cfa d’amende ferme et décerné mandat d’arrêt contre lui. (Cf pièce jointe n° Il jugement correctionnel n°378/1- FD/14 du 02 décembre 2014). » ;
Considérant qu’il développe : « Discussion
Le nommé Orou Sé Guéné soutient que la procédure n°094/2014 ainsi que le jugement n° 378/ 1-Fd/ 14 du 02 décembre 2014 caractérisent la transgression des droits de la défense et demande qu’ils soient déclarés inconstitutionnels en ce que la procédure violerait trois principes de notre code de procédure pénale, à savoir les articles 429, 427 et 423 du code de procédure pénale.
a- Sur l’inconstitutionnalité tirée de la violation de l’article 429 du code de procédure pénale.
L’article 429 du code de procédure pénale dispose : "Sous réserve des dispositions des articles 411 dernier alinéa, 427 alinéa 2, 428 alinéas 2 et 3, 432 alinéas 3 et 4 du présent code, si la citation n’a pas été délivrée à la personne du prévenu, la décision, en cas de non comparution, est rendue par défaut". L’article 411 traite des cas de contraventions. L’article 427 alinéa 2 prévoit que "Si le prévenu ne comparaît pas à cette audience (nouvelle audience à laquelle il est cité), le jugement rendu par le tribunal est, dans tous les cas, réputé contradictoire". L’article 428 alinéas 2 et 3 du même code dispose que le "jugement rendu par le tribunal est réputé contradictoire si le prévenu nia pas été représenté. Toutefois, si le tribunal estime nécessaire la comparution en personne du prévenu, celui-ci est de nouveau cité, à la diligence du ministère public, pour une audience dont la date est fixée par le tribunal. Si le prévenu ne comparaît pas à cette audience, le jugement rendu par le tribunal est, dans tous les cas, réputé contradictoire". Quant à l’article 432 alinéas 3 et 4, il prévoit que "le prévenu qui ne comparaît pas peut se faire représenter par un défenseur. Il est alors jugé contradictoirement. Le débat est réputé contradictoire si le prévenu ne comparaît pas et n’est pas représenté".
A la lumière des dispositions légales sous réserve desquelles il est dit à l’article 429 que si la citation nia pas été délivrée à la personne du prévenu, la décision, en cas de non comparution, est rendue par défaut, il ressort que :
1- le prévenu régulièrement cité à personne doit comparaître devant le tribunal ;
2-le prévenu qui ne comparaît pas peut être de nouveau cité à la diligence du ministère public pour une audience dont la date est fixée par le tribunal, s’il ne comparaît à cette audience, le jugement rendu par le tribunal est, dans tous les cas, réputé contradictoire ;
3- si le prévenu qui ne comparaît pas se fait représenter par un défenseur, il est alors jugé contradictoirement,
4-le débat est réputé contradictoire si le prévenu ne comparaît pas et n’est pas représenté » ; qu’il poursuit :
« b- Sur la violation de l’article 427 du code de procédure pénale
Le prévenu Orou Sé Guéné estime qu’en vertu de cet article, le prévenu qui produit une excuse valable doit pouvoir bénéficier d’une nouvelle date d’audience afin de pouvoir s’expliquer devant le tribunal. Il dit qu’en l’espèce il a fait parvenir le 1er décembre 2014, par le truchement de ses avocats, au président du tribunal de première Instance de première classe de Parakou ainsi qu’au procureur de la République un certificat médical établissant son inaptitude à assister à l’audience du 02 décembre 2014 ainsi que des excuses.
L’article 427 en son alinéa 1er dispose : "... le prévenu régulièrement cité à personne doit comparaître devant le tribunal. S’il ne comparaît pas, il est passé outre aux débats qui sont réputés contradictoires à moins que le prévenu ne produise une excuse valable pour le tribunal, auquel cas il est de nouveau cité à la diligence du ministère public pour une audience dont la date est fixée par le tribunal". Le prévenu Orou Sé Guéné qui s’est vu notifier la prévention de pression sur un juge par le procureur de la République le 07 novembre 2014 et qui a reçu convocation pour se présenter à l’audience du 11 novembre 2014 n’a pas comparu à cette audience, mais a constitué pour ladite audience deux avocats qui ont adressé au premier président de la cour d’Appel de Parakou une lettre de récusation de neuf (09) juges sur les dix (10) que compte le tribunal de Parakou. A cette audience du 11 novembre 2014, le président du tribunal (seul juge à ne pas être récusé) a pris l’audience et procédé à un renvoi à la date du 18 novembre 2014 en attendant la suite qui sera donnée à la demande de récusation par le premier président de la Cour d’appel.
A l’audience du 18 novembre 2014, le prévenu Orou Sé Guéné n’a pas comparu et n’a pas adressé une lettre d’excuses au tribunal ; cependant que l’un de ses avocats, en l’occurrence Maître Sadikou Alao, a adressé une correspondance au président du tribunal non pas pour excuser son client, mais pour solliciter une remise de cause, motif pris de ce que lui-même l’avocat n’a pas encore pu se remettre de la fatigue du précédent voyage effectué de Cotonou à Parakou. Encore une fois, le tribunal a constaté l’absence du prévenu et de ses conseils à l’audience, a examiné la demande de remise de cause, puis a renvoyé au 25 novembre 2014, pour la comparution du prévenu à la diligence du ministère public. Si le tribunal avait statué ce 25 novembre 2014, la décision qui aurait pu être rendue serait encore une décision réputée contradictoire en ce que le prévenu avait connaissance de la date d’audience, mais a choisi délibérément de ne pas comparaître. La preuve en est que l’un de ses avocats a écrit au tribunal pour justifier l’absence non pas du client, mais de l’avocat lui-même. Pourtant, le dossier a été renvoyé au 02 décembre 2014.
Par exploit d’huissier du 27 novembre 2014, la convocation l’invitant à ladite audience lui a été signifiée en l’étude de son avocat, Maître Sadikou Alao, puis par un autre exploit d’huissier du 28 novembre 2014, la même convocation lui a été signifiée à son domicile entre les mains de son épouse Bio Kana Berou. Advenue l’audience du 02 décembre 2014, le prévenu Orou Sé Guéné n’a pas comparu de même que ses avocats. Mais son conseil, Maître Sadikou Alao, a fait parvenir une lettre datée du 1er décembre 2014 et portant transmission de certificats médicaux concernant l’état de santé du prévenu Orou Sé Guéné. A la lecture desdites pièces, le tribunal a constaté qu’en fait de certificats médicaux, il s’agissait plutôt de deux arrêts de travail délivrés par Docteur Raphaël Goudjinou et qui mentionnent simplement que "l’état de santé du nommé Orou SE Guéné nécessite un arrêt de travail de huit (08) jours" sans autres précisions. (Cf pièce jointe n° 10).
Sur le fondement de l’article 427, le tribunal ne renvoie que si le prévenu produit une excuse reconnue valable par le tribunal. Or, à la lecture de ce document intitulé arrêt de travail, le médecin s’est borné à indiquer que son état de santé nécessite un arrêt de travail sans autre justificatif. Dans tous les cas, la décision doit être rendue par défaut réputé contradictoire. C’est ce que le tribunal a fait » ; qu’il ajoute :
« c- Sur l’absence d’inculpation
Le prévenu Orou Sé Guéné... écrit qu’un des principes cardinaux de la procédure pénale est qu’un prévenu qui n’a jamais été inculpé devant un tribunal ne peut pas être jugé par défaut réputé contradictoire par ledit tribunal.
Il se fait fort de l’article 423 du code de procédure pénale qui énonce, selon lui, au commencement de l’audience, le président constate l’identité du prévenu et donne connaissance du contenu de l’acte qui a saisi le tribunal. Il en déduit qu’il n’a jamais été inculpé dans cette affaire. Mieux, il prétend avoir été initialement poursuivi pour immixtion dans le jugement d’une affaire pour enfin être condamné par le tribunal pour pression sur un juge, sans jamais avoir été inculpé pour aucune des deux infractions. Je précise bien ici que Orou Sé Guéné a été bel et bien informé de ce qu’il est prévenu d’avoir à Parakou le 06 novembre 2014, par des menaces, des actes d’intimidation ou autres, en vue d’influer sa décision, exercé des pressions sur Madame Gouda Aleyya épouse Baco, juge des libertés et de la détention au tribunal de première Instance de première classe de Parakou chargée de juger l’affaire Cab1/2014/00025, Para/2014/Rp/ 01392. La réponse du prévenu Orou Sé Guéné à la question de savoir si oui ou non il reconnaît les faits qui lui sont reprochés est : je ne reconnais pas les faits. (Cf. pièce n° 2 : Pv d’interrogatoire en cas de flagrant délit du 07 novembre 2014).
C’est après cette formalité qu’il lui a été notifié qu’il est traduit devant le tribunal des flagrants délits à son audience du Il novembre 2014 (Cf. pièce n° 3 : récépissé de la convocation délivrée à Orou Sé Guéné le 07 novembre 2014). En partant du parquet ce vendredi 07 novembre 2014, il savait déjà qu’il était poursuivi pour pressions sur un juge et qu’il devait être jugé à l’audience du Il novembre 2014.
La Cour constatera que toutes les diligences aux fins de permettre au prévenu de comparaître ont été accomplies.
La Cour constatera que les principes cardinaux du procès pénal énumérés au livre préliminaire du code de procédure pénale ont été respectés.
La haute juridiction se rendra également compte qu’en l’espèce, les droits de la défense ont été respectés et ce, à toutes les étapes de la procédure :
A la phase de l’enquête préliminaire, le mis en cause Orou Sé Guéné n’a pas été mis en garde à vue, mais mis sous convocation.
A la phase de poursuite, il n’a pas été mis sous mandat de dépôt, mais mis sous convocation. Il a constitué deux avocats pour assurer sa défense.
A la phase de jugement, toutes les diligences ont été entreprises aux fins de sa comparution et, pour une meilleure garantie d’impartialité, le président du tribunal a pris une ordonnance pour constituer une formation collégiale, présidée par lui-même, chargée uniquement de l’examen de ce seul dossier ... La Cour constatera enfin le dilatoire auquel le prévenu Orou Sé Guéné s’est livré ; il n’a pas comparu une seule fois, mais s’est contenté de récuser tous les juges du tribunal ; qu’ayant échoué, il a tout mis en œuvre pour que le dossier ne soit pas pris au fond... La Cour ne trouvera aucune peine à dire que les droits de la défense ont pleinement été respectés et par extension que la procédure et le jugement qui l’a sanctionnée sont conformes à la Constitution » ;
Considérant qu’à ses observations, il a joint les pièces suivantes : le procès-verbal d’enquête de police n00094/14 du 06 novembre 2014 de la brigade territoriale de Kpébié-Parakou, le procès-verbal d’interrogatoire en cas de flagrant délit, le récépissé de la convocation délivrée à Orou Sé Guéné le 07/11/2014, la requête aux fins de récusation des juges du tribunal de Parakou, l’ordonnance du premier président de la cour d’Appel de Parakou, portant rejet de la demande de récusation, la copie de l’ordonnance n° 032/Pt-Pa du 18 novembre 2014 du président du Tpi de Parakou portant composition d’une formation collégiale, la signification de convocation du 21/ 11/2014, la correspondance de Maître Sadikou Alao du 21/ 11/2014, la signification de convocation du 28/11/2014, la correspondance de Maître Sadikou Alao du 1er/12/2014, le jugement correctionnel n°378/ 1-Fd/14 du 02 décembre 2014 ;
Analyse du recours
Considérant que selon l’article 3 alinéa 3 de la Constitution,
« Toute loi, tout texte réglementaire et tout acte administratif contraires à ces dispositions sont nuls et non avenus. En conséquence, tout citoyen a le droit de se pourvoir devant la Cour constitutionnelle contre les lois, textes et actes présumés inconstitutionnels » ; que l’article 7 .l.c) de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples stipule : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue. Ce droit comprend... le droit à la défense, y compris celui de se faire assister par un défenseur de son choix » ;
Considérant qu’il ressort du dossier et des pièces sous examen que Monsieur Guéné Orou Sé, a fait l’objet de la procédure judiciaire de flagrant délit n°Para/20l4/Rp/01392 devant le tribunal de première Instance de Parakou ; que dans le cadre de ladite procédure, il a été entendu sur procès-verbal n0094j2014 le 06 novembre 2014 par la brigade territoriale de Kpébié-Parakou et traduit par convocation remise à sa personne le 07 novembre 2014, pour comparaître le Il novembre 2014 devant la première chambre des flagrants délits dudit tribunal ; qu’advenue cette audience, Monsieur Guéné Orou Sé a récusé neuf (09) juges et la cause a été renvoyée au 18 novembre 2014 ; qu’à cette seconde audience, Monsieur Guéné Orou Sé s’est fait représenter par Maître Sadikou Alao, avocat, qui a sollicité et obtenu une première remise de cause pour le 25 novembre 2014 ; que le procureur de la République près le Tribunal de première instance de Parakou a, par exploit d’huissier du 21 novembre 2014, fait délaisser au domicile de Monsieur Guéné Orou Sé, entre les mains du secrétaire exécutif du parlement, son lieu de fonction, et entre les mains de ses avocats-conseils, une convocation avec sommation d’avoir à comparaître le 25 novembre 2014 ; qu’à la suite de cette sommation, Maître Sadikou Alao a, une deuxième fois, sollicité et obtenu une troisième remise de cause pour le 02 décembre 2014 ; que par un autre exploit d’huissier, le procureur de la République a, à nouveau, fait délaisser convocation avec sommation d’avoir à comparaître au domicile de Monsieur Guéné Orou Sé, entre les mains du secrétaire exécutif du parlement et entre les mains de ses avocats ; que le 1er décembre 2014, veille de la date prévue pour l’audience, Maître Sadikou Alao a fait déposer au tribunal deux arrêts de travail de huit (08) jours chacun, délivrés à Monsieur Guéné Orou Sé respectivement les 24 novembre 2014 et 01 décembre 2014 ; qu’advenue le 02 décembre 2014, ni Monsieur Guéné Orou Sé ni ses avocats n’ont comparu et le tribunal a rendu par défaut réputé contradictoire, le jugement n°378/1Fd/14 incriminé ;
Considérant qu’à l’analyse, il découle qu’au cours de la procédure des flagrants délits incriminée, dès le procès-verbal d’enquête préliminaire, Monsieur Guéné Orou Sé a été informé des faits pour lesquels il était poursuivi ; qu’en outre, le procès-verbal d’interrogatoire en cas de flagrants délits que le requérant a signé ensemble avec le premier substitut du procureur de la République près le tribunal de première Instance de Parakou renseigne qu’il a été informé d’être « inculpé d’avoir à Parakou le 06 novembre 2014, par des menaces, des actes d’intimidation ou autres, en vue d’influer sa décision, exercé des pressions sur Madame Gouda Aleyya épouse Baco, juge des libertés et de la détention ... , faits prévus et punis par l’article 3 alinéa 3 de la loi n °2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire » ; qu’il sied ainsi de constater que par ledit procès-verbal, une infraction pénalement sanctionnée lui a été imputée et portée à sa connaissance et qu’à partir de cet instant, il se sait mis en examen ; que dès lors, le moyen tiré de « l’absence d’inculpation » dont se prévaut Monsieur Guéné Orou Sé pour conclure à la violation de ses droits à la défense n’est pas fondé ;
Considérant que par ailleurs, il ressort de la procédure incriminée que Monsieur Guéné Orou Sé a constitué deux avocats dont le rôle, dans une procédure judiciaire, est non seulement d’assister, mais aussi d’assurer la défense de leur client et de le représenter en son absence ; que les avocats constitués par Monsieur Guéné Orou Sé au cours de la procédure incriminée, ont sollicité et obtenu plusieurs remises de cause soit trois (03), en dépit de la célérité qu’exige la procédure des flagrants délits et de l’obligation particulière qu’elle fait au juge de rendre sa décision dans un délai raisonnable ; qu’il convient alors de constater que les avocats de Monsieur Guéné Orou Sé ont eu suffisamment de temps pour préparer et présenter leurs moyens de défense même en l’absence de leur client ; que dès lors, il sied de juger que le moyen tiré de « l’absence de bénéfice d’une nouvelle date d’audience » dont se prévaut en outre Monsieur Guéné Orou Sé pour conclure à la violation des droits à la défense n’est pas fondé ; qu’en conséquence, et sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens, il y a lieu de dire et juger qu’il n’y a pas violation de la Constitution ;
Décide
Article 1er : Il n’y a pas violation de la Constitution.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Monsieur Guéné Orou Sé, à Monsieur le Président du tribunal de première Instance de Parakou, et publiée au Journal officiel.
Ont siégé à Cotonou, le vingt-six mai deux mille quinze,
Messieurs Théodore Holo Président
Zimé Yérima Kora-Yarou Vice-président
Simplice Dato Membre
Bernard D. Degboé Membre
Madame Marcelline-C. Gbèha Afouda Membre
Monsieur Akibou Ibrahim G. Membre
Madame Lamatou Nassirou Membre