Sans faux-fuyants, malgré les questions qui fâchent, le Ministre des Affaires étrangères, de la Francophonie et des Béninois de l’Extérieur, invité de l’émission Zone Franche hier, a eu la coupe pleine. Toutefois, il est resté serein pour répondre aux questions des journalistes de la 3ème chaîne privée du Bénin. Devant le feu roulant des questions de Léandre DOSSOU et de Jean-Eude MITOKPE, le Chef de la diplomatie béninoise a reprécisé les intentions du Chef de l’Etat, Dr Boni YAYI, plus préoccupé par le développement du Bénin, que des intrigues politiques. Appel à beaucoup plus de tolérance, à l’évitement de l’auto-flagellation, telles sont les invites formulées par le Professeur BAKO-ARIFARI aussi bien à la classe politique, aux acteurs de la société civile, qu’au peuple béninois en général. Au finish, il a plaidé non coupable pour le gouvernement sur un plateau de télévision qui, bien qu’ayant pris l’allure d’un procès, reflétait l’opinion publique du moment.
1 heure 48 minutes de fructueux et francs échanges (de 10 H 30 à 12 H 22). Un tour d’horizon pour aborder la question des 72 heures de dissolution du gouvernement, la justification de ce choix politique, le remaniement ministériel, la lettre de la conférence épiscopale du jeudi 15 août 2013 qui fait état de la crise de confiance entre les mandants et les gouvernants et la question de la liste électorale permanente informatisée (LEPI). Rien n’est passé sous silence. Pendant que son ministre était l’invité de l’émission Zone franche, le Président Boni YAYI lui-même honorait de sa présence la cérémonie de décoration du cardinal Giuseppe Bertello, Président de la cité du gouvernorat du Vatican, qui se tenait à Dassa dans le cadre du pèlerinage annuel des catholiques. Tout un symbole. Sur la question de la dissolution du gouvernement, le Ministre BAKO-ARIFARI a donné un éclairage qui apporte une lueur d’explication à ce moment inédit de la vie politique du Bénin. « Nous n’avons jamais connu ce genre de situation depuis l’ère du renouveau dans l’histoire politique de notre pays. Seules les périodes de coups d’état et d’instabilité politique ont été marquées par ce type de situation. C’est donc le caractère inédit qui a intrigué plus d’un », détaille le spécialiste en sociologie politique. Et de nuancer : « La décision a été prise un vendredi. Le lundi qui a suivi, les passations de charge ont commencé, de sorte que le vendredi a été le seul jour ouvrable concerné par la dissolution ». Pour le ministre BAKO-ARIFARI, le Président Boni YAYI a usé de son pouvoir discrétionnaire pour prendre une telle décision, d’ailleurs courante dans les régimes parlementaires. Le caractère présidentiel de notre régime a peut-être créé la nouveauté. Toutefois, c’est une jurisprudence qui fait désormais partie de notre vie politique, a-t-il relevé. Par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères a expliqué que le président avait sans doute voulu se mettre à l’abri des groupes de pression de tout genre (politique, ethnique religieux, etc), tout en ajoutant que le Président YAYI n’a subi aucune pression de l’extérieur. Le ministre conclut que, puisqu’aucune loi ne l’interdisait, cette situation a permis au Chef de l’Etat de mesurer à quel point son peuple était attaché aux valeurs de la République, à la démocratie. Cela a été un recul pour mieux sauter. La dissolution ne devrait donc pas être interprétée comme un aveu d’échec. L’image du Bénin n’est pas écornée à l’extérieur, selon le Chef de la diplomatie béninoise qui argumente que des pays comme la Belgique ou l’Italie ont connu des dissolutions de gouvernement et sont restés sans gouvernement.
Un remaniement ministériel qui allie expérience, compétence et équilibre interrégional
50% de l’équipe gouvernementale a été renouvelé. A l’arrivée, il n’y a plus de poste de premier ministre. Il y a un certain nombre de décisions que tout le monde ne comprend pas forcément. Mais, selon BAKO-ARIFARI, le Président YAYI est le Chef de l’Exécutif et le fait qu’il écoute le peuple et décide de se remettre en cause est une démarche conséquente. « Dès qu’il a senti qu’il y a des attentes venant du peuple, il s’y est plié. Cela est l’expression de l’humilité. (…) Le Président, Dr Boni YAYI, veut respecter ce que veut le peuple et ce que le bon sens permet de faire », martèle le Professeur BAKO-ARIFARI. C’est tout le sens du remaniement ministériel. Certains peuvent y voir un gouvernement politique, une présence d’acteurs politiques qui ont des fiefs électoraux. D’autres ont même dit « on a pris les mêmes et on recommence ». Mais à la vérité, « il y a eu l’option de la continuité mais aussi l’option de renouvellement. C’est un très bon jeu d’équilibre », apprécie l’ancien député de la liste Amana qui détaille : « dans le précédent gouvernement, il y avait sept (7) députés. Ils ont tous été reconduits. Il faut y ajouter maintenant deux députés du nouveau gouvernement. C’est une volonté de se rapprocher du peuple et de faire remonter ses aspirations et les traduire en actions. Ce ne sont pas des députés pris au hasard, il y a aussi de la compétence. Le Chef de l’Etat a réaffirmé sa volonté de faire participer toutes les filles et tous les fils du pays à la gestion du pouvoir. Ils sont représentatifs de l’ensemble de la nation béninoise », rassure le Ministre BAKO-ARIFARI. Un doublon avec l’Assemblée nationale dans ce rôle de représentativité ? Absolument pas, d’autant qu’il s’agit d’un changement en profondeur à travers lequel le Chef de l’Etat a voulu s’entourer des gens qui peuvent l’aider à dérouler son programme d’action et à poursuivre les réformes engagées. « Le dosage entre politique et technique est équilibré. Ce sont les 2 dimensions qu’il faut prendre en compte dans l’appréciation de ce gouvernement. Etudions les statistiques : 9 députés, un conseiller communal sur les 26. Le politique n’est donc pas prégnant », analyse le ministre BAKO-ARIFARI. Pour le choix des personnalités, il y a une appréciation libre laissée à la discrétion du Chef de l’Etat. Quant à la mission de ce nouveau gouvernement, c’est de relever les grands défis de l’heure : accélérer les réformes engagées, faire face aux besoins des Béninois (en termes de maîtrise de l’énergie, meilleure politique agricole, l’atteinte des OMD, la lutte contre la pauvreté,…). Pas de changement dans le nombre de portefeuilles ministériels, quid de la période de crise ? « On doit se réjouir que le nombre de portefeuilles n’ait pas augmenté. Actuellement, il y a plus de ministres au Togo qu’au Bénin. C’est pareil au Niger. En voulant maintenir une équipe solide et large, le président YAYI souhaite que les différents secteurs puissent être bien managés », rétorque le ministre des Affaires étrangères.
Le cas Koupaki, certains remaniements difficiles à cerner, la non représentativité des femmes, quid du PRD ?
Le ministre BAKO-ARIFARI pense que le Premier ministre KOUPAKI et le Chef de l’Etat ont dû certainement échanger avant que ce dernier ne prenne la décision de se séparer de lui. Le ministre des Affaires étrangères penche pour l’hypothèse de la concertation. D’ailleurs, une partie de ces compétences ont été confiées à son ancien directeur de cabinet en la personne d’Antonin DOSSOU. Altercations entre KOUPAKI et le Chef de l’Etat ? « La manière, l’élégance du Premier ministre, et son éducation, ne me permettent pas de croire à une telle éventualité », affirme le ministre BAKO-ARIFARI. Et de rappeler ce que la presse a rapporté ces derniers temps : KOUPAKI n’était pas là à la fête du 1er août, à plusieurs manifestations, il a été absent ces derniers temps…Mais en réalité, il est allé en Afrique du Sud pour un bilan de santé », tranche le Chef de la diplomatie béninoise. Conclusion : c’est un départ négocié entre les deux hommes. Comment interpréter la déclaration « Je pars, la conscience tranquille » du Premier ministre au cours de sa passation de service ? Le ministre BAKO-ARIFARI pense qu’il faut éviter la surinterprétation : ces propos ne sont pas une incrimination du Chef de l’Etat. Tout ministre, pour diverses raisons, peut être accusé, à la fin de son mandat, de tel ou de tel. C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la déclaration du premier ministre. Il y a eu aussi des départs du gouvernement qui étonnent. A l’appui de leur argumentation, les journalistes de Canal 3 ont donné les exemples des ministres Sabaï KATE, Lambert KOTY, Sofiath ONIFADE, pourtant appréciés par leurs collaborateurs ? Quelle cohérence ? Selon le ministre BAKO-ARIFARI, le Chef de l’Etat a jugé qu’il fallait injecter du sang neuf au gouvernement. La crise du secteur cotonnier avait été jugée par un comité interministériel auquel faisait partie Fatouma AMADOU DJIBRIL. Il serait donc injuste de dire qu’elle ne maîtrise pas le domaine. Pour le cas KOTY, c’est AGONLI qui gagne à la sortie et à l’arrivée puisque le ministre Aké NATONDE est de la même région. En ce qui concerne les femmes, certains estiment que le président YAYI n’a pas tenu ses promesses. Pourtant cette promesse a été faite à un sommet de l’Union africaine. Crise de confiance ? Sans langue de bois, le ministre BAKO-ARIFARI répond : « Dans la sous région le Président YAYI a nommé beaucoup plus de femmes que ses pairs. 33% dans le précédent gouvernement. Dans l’actuel, 2 femmes en moins. Ce n’est pas l’expression d’un manque de confiance. Une femme a été nommée préfet de département (NDLR : BORGOU-ALIBORI). C’est une première. Il y a d’autres positions aussi importantes que le post de ministre. C’est une donnée à prendre en compte », commente le ministre BAKO-ARIFARI
L’épineuse question de la révision de la constitution
Quel lien entre le nouveau gouvernement et la révision e la constitution ? Selon le Ministre des Affaires étrangères, ce n’est pas un projet nouveau. Il date de 2009. Pourquoi en 2013, il fait tant de bruit, s’interroge BAKO-ARIFARI. Pourquoi tant de suspicions ? « Le peuple béninois est attaché à certaines valeurs: la démocratie, l’état de droit, l’alternance au pouvoir », rappelle l’invité de Zone franche. C’est l’article 155 de la constitution qui prévoit la révision. L’article suivant (Article 146) précise les points qui ne peuvent pas être l’objet d’une révision : Nature républicaine de l’Etat, le Principe de laïcité et l’Intégrité territoriale. « Dans la vie d’un citoyen béninois, il ne peut exercer plus de deux mandats, soit pas plus de 10 ans », rassure BAKO-ARIFARI. En plus, dans la loi référendaire, aucun article ne peut porter sur la limitation des mandats. Enfin, devant de très hautes personnalités, le Président YAYI a donné des garanties : devant Obama, Ban Ki MOON, Secrétaire général des nations unies, ses pairs à l’UA, Sarkozy, Hollande, le Pape Bénoît XVI, …. Ce sont des garanties suffisantes pour rassurer tous les Béninois. Et de lancer un appel : « Il faut accorder un minimum de crédit et de bonne foi au Chef de l’Etat. Il s’agit d’une modernisation de notre système de démocratie. Nous suivons la procédure. Si l’Assemblée nationale venait à décider autre chose, nous nous plierons, en tant que démocrates à sa décision », tranche BAKO-ARIFARI, tout en mettant en gage sa démission au cas où l’hypothèse d’école de mauvaise foi du Chef de l’Etat s’avérait. Le gouvernement formé le 11 août s’attèlera à des questions prioritaires : Renforcement du secteur de l’agriculture, le problème de l’énergie, la poursuite des actions pour atteindre les OMD, l’Education, la Santé maternelle et infantile, le RAMU, etc…/.