Qui a réveillé le félin qui dormait d’un œil, pour en faire cette
espèce d’épouvantail, politiquement parlant, qu’il tend à devenir au
Bénin ? A cette interrogation, les Béninois vont devoir répondre avec
précision, et sans nuance aucune, afin que soient situées les
responsabilités quant à l’immixtion, dans la chose politique, de cet
homme d’affaires emmuré, depuis des lustres, dans sa tour d’ivoire qui
lui convenait tel des gants. La politique ne semblait pas être son
faible, même s’il la côtoyait de très près, se satisfaisant plutôt des
avantages matériels et financiers que lui conférait sa proximité
d’avec les tenants du pouvoir. D’une discrétion et d’une habilité
félines en affaires, il a su parcourir des chemins parsemés d’embûches
de taille, relevé des défis énormes, résisté à des vents d’une extrême
violence sans rompre, quoiqu’à des moments donnés il ait dû plier
avant de rebondir. Puis, de rebondissement en rebondissement, et grâce
à la protection et le soutien constant et indéfectible des milieux
politiques qui lui permirent de bâtir l’empire financier sur lequel il
règne dorénavant, il est devenu une figure incontournable dans le
gotha des opérateurs économiques béninois. Magnat du coton avant ses
déconvenues politico-financiers avec le pouvoir actuel du Bénin,
Patrice Talon -car c’est bien de lui qu’il s’agit- a en effet tout eu,
pratiquement, dans le milieu des affaires, avec différents régimes de
son pays. Aussi cette proximité d’avec des gouvernements successifs,
depuis le début du renouveau démocratique au Bénin il y a un quart de
siècle, l’a-t-elle propulsé aujourd’hui à un tel rang qu’il pèse d’un
poids indéniable dans le débat politique national. Parlant de
déconvenues, l’on pourrait même penser, avec peu de risques de se
tromper, qu’elles ont été pour lui une sorte de publicité qui lui a
permis de sortir de l’anonymat volontaire dans lequel il préférait se
réfugier afin de mieux conduire son empire financier. A quelque chose
malheur est bon, dit-on. Car, bien que les déboires de l’homme, qui a
eu véritablement maille à partir avec les autorités gouvernementales
de son pays, aient considérablement rogné son pouvoir financier, il
n’en demeure pas moins qu’il garde la tête bien en place, et sur des
épaules encore assez larges, pour faire entendre sa voix dans le
concert des hommes politiques influents béninois, si telle est
réellement sa volonté. Une volonté qu’il ne cacherait plus et qui
l’aurait même amené à poser, en sous-main et depuis son exil parisien,
des actes politiques dont dame rumeur lui prête la paternité. Talon
dans la sphère politique au Bénin ? Ce sera, à n’en point douter, une
nouveauté qui ne manquera pas de provoquer des remous. Mais, en tant
que citoyen, et en attendant que ses droits civiques lui soient
restitués en intégralité, ceux qui lui ont gracieusement offert la
puissance dont il peut se prévaloir, en bombant le torse aujourd’hui,
doivent savoir qu’en voulant émousser les griffes du félin, ils n’ont
fait que les acérer davantage. Ils auront ainsi fait de lui l’«
épouvantail » politique pour lequel il passe dans la perspective de la
présidentielle de 2016, qu’il soit candidat ou pas.
Sébastien DOSSA