Agrégé des Facultés de droit, vice doyen de la Faculté de droit et de sciences politiques de l’Université d’Abomey-Calavi, Directeur du Master « Marchés publics et partenariats publics-privés» et Avocat au Barreau du Bénin, le Professeur Ibrahim David Salami décortique la polémique relative à la suppression de la session de rattrapage à l’Uac.
(Lire son analyse de la situation qui fait objet d’affrontements sur le campus)
« Le campus est paralysé par un mouvement de grève des organisations syndicales étudiantes. Il semble que le point qui cristallise la discorde est la suppression de la seconde session à la Flash. C’est un grave problème académique qui mérite d’être analysé avec une grande attention. Les professeurs n’ont pas vocation à détruire l’avenir des étudiants. Un professeur n’est rien sans les apprenants. C’est malheureux de constater la méfiance et la défiance entre apprenants et enseignants. Le système Lmd est accusé de tous les maux. C’est vrai que nous mettons en œuvre le système Lmd par mimétisme et dans des conditions catastrophiques. Nous n’avons pas les moyens humains et matériels pour mettre en œuvre cette grande réforme qui est pourtant nécessaire pour ne pas être isolés sur le plan international. Je donne deux exemples. D’abord, le gouvernement a déclaré la gratuité des inscriptions universitaires. C’est son droit de faire ce choix politique. Mais alors il doit assumer en compensant ce manque à percevoir pour les universités. Les compensations de l’année dernière ne sont pas encore faites totalement. Du coup, les universités et partant les facultés connaissent de graves difficultés financières. Elles vivent dans le dénuement total. Ensuite, le ratio enseignants-apprenants est trop bas. Or, il faut davantage d’enseignants pour encadrer les apprenants. Ces deux lacunes expliquent la décision de suppression de la seconde session à la Flash. Que nous nous entendons bien. Il n’y a pas de système sans possibilité de rattrapage. Et aucun système Lmd ou pas ne peut exclure de façon absolue le rattrapage. Mais que se passe-t-il à la Flash? Plus de 40 mille étudiants à gérer. Une session d’examens finit à peine qu’il faut en lancer une autre. Les collègues passent plus de temps à évaluer qu’à enseigner. C’est devenu intenable. C’est d’autant plus intenable qu’avec le semestriellement exigé par le système Lmd, on organise trois fois les examens par année au lieu de deux dans l’ancien système, avec moins de moyens humains et matériels. Face à un vrai problème, la solution n’est évidemment pas la suppression systématique de la seconde session. Mais la Flash semble être dos au mur. A la Faculté de droit et de sciences politiques, la discussion sur la suppression de la seconde session a eu lieu mais le conseil pédagogique a jugé nécessaire de trouver d’autres solutions plutôt que de supprimer la seconde session. C’est à la seconde session que les résultats des examens sont à peu près acceptables. Je comprends la désolation des apprenants à l’annonce de cette réforme. Mais apprenants et enseignants doivent se retourner vers le ministère et le gouvernement pour que ceux-ci assument leur responsabilité. Comme solutions, il faut d’’abord un vrai plan de développement de nos universités. Ensuite, il faut des moyens humains, matériels et financiers conséquents. Pour la Flash, il faudra peut-être en faire une université à part entière et l’accompagner comme cela se doit. Mais est ce que l’université est une priorité pour le Bénin? Moi j’en doute fortement. En tout état de cause, la violence aveugle d’où qu’elle vienne est condamnable. Mais aucune franchise universitaire ne justifie les violences. Des professeurs et des étudiants subissent des violences du fait des grévistes. Comment les forces de sécurité peuvent distinguer entre étudiants innocents et casseurs? Et Dieu sait que de nombreux étudiants sont manipulés. N’oublions pas non plus que des étudiants et au moins un élément des forces de sécurité, ont déjà trouvé la mort dans ces échanges violents. Personne n’est gagnant. Une revendication même légitime ne justifie le recours à la violence. Le ministre de l’enseignement supérieur ne doit pas laisser la situation pourrir avant de réagir. Le gouvernement doit prendre ses responsabilités.»