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Lettre ouverte à Patrice Talon
Publié le mercredi 10 juin 2015  |  Autre presse
L’affaire
© Autre presse par DR
L’affaire Patrice Talon devant le Congrès américain




La presse béninoise évoque de plus en plus la candidature éventuelle du milliardaire béninois et magnat du coton, Patrice Talon, à la présidentielle de mars 2016 au Bénin. Au-delà du fait qu'il en a le strict droit, serait-elle vraiment opportune le cas échéant ?
Cher compatriote,

Je me permets de vous adresser cette lettre ouverte, car l’information ou la rumeur qui m’est arrivée, dès le début de sa diffusion, par certains de mes confrères, est devenue on ne peut plus persistante, je dirais même vivace ! À telle enseigne que, faute de l’avoir démentie vous-même, chacun de nous, Béninoises et Béninois sommes en droit de nous poser moult questions. Les rumeurs au Bénin finissant souvent par s’avérer. En fin de compte, en deux mots comme en mille, je veux parler de celle qui ferait de vous un éventuel candidat à la présidentielle de mars 2016 et qui revient comme un leitmotiv dans les colonnes et sur les ondes de différents médias, béninois notamment.

Je me réjouis de ne vous avoir jamais connu ni d’Adam ni d’Ève ou ni d’Ève ni d’Adam. Sauf par ouï-dire. On ne saurait alors penser que je cherche à vous régler quelques comptes que je n’ai point avec vous. Je peux donc vous dire, selon mon habitude, ce que je pense non pas de vous – ce n’est ni le mobile de ma lettre ni le plus important – mais de cette éventuelle candidature, au cas où elle serait venue à effleurer votre esprit. C’est mon avis et je le partage avec vous et l’ensemble des Béninois : ce serait une bien mauvaise idée ! Et je vais vous dire pourquoi.

Primo : que vous le veuillez ou non, vous êtes comptable quelque part du bilan désastreux du président Boni Yayi. D’autant plus que vous avez vous-même personnellement reconnu avoir FINANCÉ ses différentes campagnes électorales…Vous ne pouvez donc pas vous en tirer à si bon compte, en vous dédouanant de ce qu’il a pu faire par la suite ; même si le responsable au premier chef demeure Boni Yayi en personne. Tout comme j’insiste et persiste à dire que ses différents ministres et autres collaborateurs, à divers niveaux, le sont tout autant, et qu’il serait vraiment trop facile qu’en fin de mandature tout ce monde, en quête d’une nouvelle virginité politique, retourne subrepticement sa veste et dit aux Béninois : « nous n’avons rien fait, c’est Boni Yayi et lui seul, tout seul » !

Secondo : si votre éventuelle candidature venait à être confirmée, vous donneriez ipso facto raison au président Boni Yayi : lequel, il faut oser le dire, a tenté par tous les moyens de vous mener la vie dure. Ce n’est que pur euphémisme de ma part, j’en conviens. La sulfureuse affaire dans laquelle vous avez été accusé d’avoir voulu l’empoisonner ou d’avoir voulu fomenter un coup d’Etat, les démêlées de vos sociétés avec l’Etat béninois sont autant d’exemples pour nous le rappeler avec fracas. Sans compter que vous êtes actuellement contraint à l’exil à Paris en France, en dépit du semblant de réconciliation annoncée entre Boni Yayi et vous. Par votre candidature, vous donneriez l’impression que vous accordez bien peu d’intérêt pour votre pays au profit de vos propres affaires.

Tertio : Un homme, en compte trois (3) dans nos anciennes traditions africaines et je m’arrêterai là. Et de trois, j’ai l’intime et profonde conviction qu’une éventuelle candidature de votre part rallierait davantage de Béninois qu’il n’y en a, à l’heure actuelle, dans le camp de Boni Yayi, y compris ceux même qui lui sont aujourd’hui encore particulièrement hostiles. Il lui serait, par voie de conséquence, plus loisible de dire aux Béninois que la preuve est bien là, tangible et réelle, qu’il avait raison d’user de tous les moyens pour leur prouver que vous n’aimez pas votre pays. Et la conséquence, aux élections, se traduirait par le rejet massif de votre candidature si on ne vous accusait pas de vouloir provoquer le chaos dans le pays. Car, ne vous y méprenez pas, cher concitoyen : si vous continuez à bénéficier d’une quelconque empathie du fait du comportement du régime Boni Yayi à votre égard – comportement qui a pu certes sembler, à un moment, relever de la persécution – il n’en sera plus de même si vous étiez candidat. Vous comprendrez bien, à mots couverts, où je veux en venir.

Aucun Béninois n’est plus Béninois qu’un autre, le dernier des paysans du dernier hameau du pays tout comme le premier des Béninois (le chef de l’État) tout autant. Vous avez le droit le plus strict de vous présenter comme candidat à la présidentielle de mars 2016 mais vous avez également le devoir d’un choix judicieux, tendant vers le mieux de tout un peuple. Je voulais partager avec vous et l’ensemble des Béninois mes inquiétudes par rapport à la gravité d’une telle décision, avec l’espoir que vous saurez écouter votre conscience et vous élever au-dessus de toutes considérations égoïstement humaines. Vous êtes comme un poisson dans l’eau dans le milieu qui est aujourd’hui le vôtre : les affaires ; ne devriez-vous pas y rester ? ! Voilà ma modeste appréciation quant aux conséquences qui pourraient découler de votre éventuelle candidature à l’élection présidentielle au Bénin. Et je vous remercie d’avance de l’attention que vous voudrez bien lui accorder.

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