Ils étaient descendus dans les rues de Cotonou hier, mercredi 10 juin 2015 pour protester et dénoncer une manigance des avocats du barreau de Paris dans l’installation du barreau de l’Ohada en Afrique. Les avocats béninois ont marché du Tribunal de première instance de Cotonou à la place des martyrs pour exprimer leur mécontentement. A en croire le bâtonnier du barreau des avocats du Bénin, Cyrille Djikui, ce qui a motivé cette marche, c’est le comportement des avocats français qui pensent qu’il faille installer dans l’espace Ohada un barreau qui aura l’exclusivité de plaider devant la Cour commune de la justice et de l’Ohada. « C’est inacceptable, les membres des barreaux africains ne peuvent plaider devant cette Cour que lorsqu’ils vont adhérer à ce barreau » a-t-il déploré. En effet, il serait notifié au barreau béninois lundi dernier, dans une lettre de Jacques Houessou que le Président de la Cour commune de justice et de l’Ohada, Séro T. Samba aurait des difficultés de liaison avec les avocats, des barreaux de l’espace Ohada. Pour Me Cyrille Djikui, c’est la raison principale évoquée pour installer de façon unilatérale le barreau de l’Ohada. « Ce président ne s’est pas ouvert, n’a pas manifesté ses difficultés à l’endroit de ces barreaux pour qu’une solution soit trouvée. On veut régir l’espace sans nous mais en comptant sur d’autres professionnels d’autres continents qui ne sont pas impliqués dans nos réalités » s’est-il indigné. A l’en croire, le président de la Cour commune de justice aurait demandé à ces avocats français de mettre en place une structure qui pourrait faciliter la liaison entre les professionnels d’Afrique et la Ccja. Ceci en violation de la déontologie et des règles universelles qui régissent la corporation et qui voudraient que tous les barreaux de l’espace soient concertés, associés à la mission.
Ce qui frustre
En fait, la vraie raison ayant motivé la descente des avocats béninois dans les rues de Cotonou hier est que les avocats du barreau de Paris auraient concocté un projet qu’ils ont présenté devant le Conseil des ministres de l’Ohada et qui serait adopté ce jour jeudi, 11 juin 2015. « Nous marchons parce qu’il s’agit d’abord d’une question de souveraineté. Pourquoi n’ont-ils pas créé un barreau près de l’Union européenne ? Pourquoi n’ont-ils pas créé une Cour près des institutions internationales ? Pourquoi c’est en Afrique qu’il faut le faire ? » Laissa-t-il entendre. Et de poursuivre « La véritable raison se trouve dans un discours que le bâtonnier du barreau français a donné à l’occasion de l’installation d’un procureur de la République. Ils estiment que l’Afrique avec sa croissance abusive est un nouveau marché qu’il faut conquérir et que la justice désormais serait d’ici quelques années dans les mains d’un seul barreau, le barreau de Paris qui sera plus outillé. En terme clair nous ne serons que des porteurs de sacs pour ces avocats européens. » Pour les avocats, le danger n’est pas seulement corporatif mais cela donne un élan de néo-colonialisme, une nouvelle forme de colonisation. « C’est de l’impérialisme qu’il faudra tout de suite arrêter » a martelé le bâtonnier du barreau du Bénin. Reconnaissant que l’Ohada n’est pas une mauvaise chose, les avocats béninois affirment avoir l’impression qu’elle aurait été créé dans l’intérêt des européens. « Nous allons dire non au barreau de Paris, nous avons déjà touché les barreaux de l’espace Uemoa et nous ferons tout pour toucher les 17 barreaux membres de l’Ohada » a-t-il conclu.
Aziz BADAROU