Elle s’enlisait dans un sommeil long et profond, engourdie par les
effets d’un séisme politico-économique dont les ravages furent
implacablement dévastateurs, et devant l’ampleur duquel reculèrent les
gens censés résister et tenter de sauver les victimes. Elle n’avait
point de choix, mais était réduite à subir ce sort, condamnée qu’elle
était à mourir de sa belle mort, laquelle semblait s’approcher à
grands pas comme si elle brûlait d’impatience de l’achever et de la
faire entrer dans l’oubli. La ‘’vielle dame’’ n’avait plus que
quelques mois pour prendre pied au panthéon des affaires classées qui,
sous nos cieux, sont légion et diverses. La ‘’vielle dame’’, c’est
l’affaire dite ICC-Services, un scandale économique et financier ayant
pris des allures fort polémiques et qui, depuis des années qu’elle a
éclaté, n’a jamais pu connaître l’issue que lui promirent les
autorités gouvernementales béninoises ; d’où la polémique politique
qui l’entoure. Ce n’est pourtant pas faute d’initiatives et de
tentatives que la situation a viré au statu quo. L’on a glosé,***sur
fond de professions de foi et avec force facondes, afin de calmer la
tension sociale générée par cette affaire rocambolesque, et alterné
rhétorique politique et assurance de solutions, en vue de signifier et
démontrer aux victimes la bonne foi du gouvernement à œuvrer pour une
solution qui, à défaut de résoudre entièrement le problème,
s’attèlera, à tout le moins, à s’en occuper partiellement. Hélas ! Le
gouffre provoqué par ce scandale se révéla d’une telle profondeur
qu’aucune main -même celle d’un docteur rompu à la gestion d’une
grande banque -ne réussît à le combler. Conséquence : au fil des
années, la ‘’vielle dame’’, abandonnée à son triste sort et reléguée
aux oubliettes car nul ne se sentait plus en mesure de traiter
efficacement son cas, prit des rides, preuves manifestes de sa
vieillesse et, par conséquent, de sa mort imminente. Mais Janvier
Yahouédéhou était à l’affût, et, comme s’il mourait d’impatience de
reprendre son siège à l’Assemblée nationale pour ressusciter la
moribonde ‘’vielle dame’’, le voilà, après ce que l’on appela en son
temps le « scandale des machines agricoles », qui sort de sa besace
l’affaire ICC-Services. Aussi, tel un rayon de lumière soudain au sein
des ténèbres, la nouvelle emplit-elle l’hémicycle et, comme une
traînée de poudre, le pays tout entier ; d’autant que les victimes de
la nébuleuse ICC-Services se comptent par milliers et à l’échelle
nationale. Janvier Yahouédéhou revient à l’Assemblée nationale, avec
son goût prononcé et son appétit vorace pour les affaires aux relents
de scandale. Il est d’évidence que la ‘’vielle dame’’, ainsi
ressuscitée, suscitera des remous. Car le député s’est montré si sûr
de son dossier, que l’on peut être tenté de penser qu’au sein des
banques où sont logés les fonds issus de la vente aux enchères des
biens des responsables de ICC-Services, et les sommes glanées et
récupérées de différentes manières, il ait pu, grâce à son génie
renifleur, se frayer quelque parcelle de chemin débouchant sur des
vérités qu’il pourrait détenir jalousement.
Sébastien DOSSA