Village à vue panoramique niché au cœur de la chaîne de l’Atacora, Koussoucoingou tire des subsides de l’hospitalité offerte aux visiteurs. Le développement de cette bourgade de la commune de Boukombé, à 31 km de Natitingou, repose donc sur l’hébergement du touriste dans les tatas Otammari.
Réception ce dimanche 24 mai, jour de Pentecôte, de nouveaux fidèles dans l’église catholique par le baptême et la communion des uns et des autres. Un moment fort solennel pour la petite communauté de Koussoucoingou ou Koussou, porte d’entrée des touristes dans la commune de Boukombé, à 54 km de Natitingou. « Notre communauté s’agrandit avec de nouvelles naissances. Un acte éternel qui mérite toute sa solennité car votre vie va s’affermir dans la foi », se convainc Jean-Noël N’tcha, curé de la paroisse Ste Marie-Reine. Evoquant le symbolisme de la descente de l’Esprit Saint sur les apôtres, il saluera le multiculturalisme qui caractérise cette bourgade de 3589 habitants (INSAE, RGPH3).
Koussou, riche de sa tradition, de sa culture, de sa diversité linguistique, reste une terre d’accueil de milliers de touristes à la découverte de son patrimoine multiséculaire. Un privilège dont tirent profit ses habitants.
Depuis quelques années le village de Koussou à travers l’association communautaire d’écotourisme ‘’La perle de l’Atacora’’ avec le soutien de l’ONG Eco Bénin œuvre à l’amélioration des conditions de vie de la population en valorisant le tata Otammari. D’où le concept de l’hébergement chez l’habitant promu et dont une partie des recettes sert à la mise en œuvre de projets communautaires et à la protection des tatas Otammari désignés hier sous le nom péjoratif de Tatas Somba. L’hébergement chez l’habitant est une forme d’hospitalité offerte au touriste lors de son séjour dans le village par des propriétaires de tata Otammari. Quelques commodités telles qu’un matelas d’épaisseur 5 cm, une moustiquaire et des toilettes sèches sont mises à sa disposition pour lui faciliter ce séjour au cours duquel il découvre le riche patrimoine architectural Otammari.
Sauvegarde du tata Otammari
Au-delà des subsides issus du concept et redistribués à la communauté et à l’association pour son fonctionnement et à la réalisation de projets sociocommunautaires, cette forme d’hébergement vise également à booster la sauvegarde du patrimoine tata Somba aujourd’hui en voie de disparition, selon Parfait Porimaté, président de l’association ‘’La perle de l’Atacora’’. « L’entretien du tata est bien difficile surtout que nos parents à leur époque se faisaient aider par la communauté mais les jeunes aujourd’hui ont perdu tout sens de l’entraide. Il leur fallait une source de revenus pour l’entretien de ces tatas très prisés sur le plan touristique car n’existant nulle part ailleurs au Bénin que dans le nord », confie-t-il. Inscrits comme patrimoine mondial de l’UNESCO au Togo, ces tatas au Bénin résistent à l’air du temps. « Les tatas sont abandonnés au profit de cases rectangulaires en tôle qui se révèlent de véritables chaudières pour les populations d’autant plus que les normes de construction ne sont guère respectées. En dépit de ces aléas le modernisme a pris le pas sur les habitations traditionnelles », soutient-il.
Hier objet de réussite sociale pour son propriétaire, le tata Somba fait face à divers aléas qui ne favorisent guère sa pérennisation par les jeunes générations. « En saison pluvieuse, les murs de nos tatas s’effondrent et il faut pouvoir les reconstruire en saison sèche. Ce qui demande beaucoup de moyens », relève Patron Natta N’tcha, propriétaire de tata Otammari. L’hébergement du touriste dans les tatas constitue donc une opportunité pour l’habitant de faire face à la restauration de son habitat et de le préserver des intempéries.
« Au départ quand les touristes venaient visiter nos tatas ils nous tendaient un billet de 500 F CFA. Mais à l’avènement de l’association communautaire d’écotourisme nos tatas ont été intégrés aux circuits touristiques de découverte du pays Otammari et les recettes issues des services d’hébergement, de restauration, de guidage lors des visites sont redistribuées aux communautés », défend-il. Outre la savane atypique faite de rôniers, de baobabs et la chaîne de l’Atacora qui lui confèrent un beau panorama, le village de Koussoucoingou tient son originalité de ces petites cases fortifiées qui constituent l’habitat ingénieux des Bétammaribés, peuple de bâtisseurs hors-pair. Une richesse qu’elle vend si bien au monde.
De décembre 2011 à septembre 2013, la petite communauté a accueilli 1959 visiteurs dont 1256 ont été hébergés pour un chiffre d’affaires total de 27.467.365 F CFA tous services confondus. Des recettes qui lui ont permis avec l’appui d’autres partenaires de réaliser des infrastructures parmi lesquelles la cuisine du centre de santé du village d’un montant de 5.576.000 F CFA, le forage d’un puits à 7.490.000 F CFA, le captage d’une source d’eau à Koubirigou à 6.000.000 F CFA, l’installation d’un moulin à fonio à 4.000.000 F CFA, l’électrification de l’internat de l’école primaire publique et de la salle d’alphabétisation. A tout ceci il faut ajouter les dons de matériel médical et de médicaments au centre de santé de l’arrondissement, de fournitures scolaires et un projet d’adduction d’eau villageoise de plus de 156.000.000 F CFA en cours de réalisation.
Un hôtel Otammari
Si les touristes apprécient leur hébergement dans les tatas en dépit de la sobriété qui les caractérise, ils n’arrivent toutefois pas à combler leur désir d’y vivre en groupe lors de leur odyssée. La capacité d’accueil des tatas Somba reste un handicap à l’esprit convivial recherché parfois par les visiteurs. Un tata ne peut accueillir que six personnes au maximum. Face à l’impossibilité de les satisfaire et la perte de recettes, l’association ‘’La perle de l’Atacora’’ a initié le projet de construction d’un hôtel à la forme d’un tata Otammari. Ce qui s’est concrétisé avec l’implantation et l’exploitation de ‘’Otammari Lodge’’ à l’entrée de Koussou, d’un coût global de 97.188.755 F CFA, avec le financement de l’USDAF, un partenaire américain. «C’est le reflux du trop plein de touristes désirant rester en groupe qui justifie l’érection de ce complexe hôtelier. Il s’inscrit dans notre vision de dynamiser et de professionnaliser les activités de l’association afin d’augmenter ses revenus», note Parfait Porimaté.
Son exploitation n’a toutefois pas estompé la curiosité des visiteurs et leur envie de dormir à la belle étoile en haut des tatas traditionnels. «Ils préfèrent encore plus les tatas Somba que de dormir dans le Lodge sous ventilateur. C’est insolite, à leur avis», témoigne Mathias M’Po, guide touristique qui reconnaît bien vivre de sa profession dans le village. « Avec mon travail je n’ai rien à envier à un fonctionnaire de l’Etat. Et en saison pluvieuse j’alterne mes activités avec les travaux champêtres ». Aussi bien les artisans, les danseurs, les restaurateurs, chacun tire une quelconque prébende de l’hébergement chez l’habitant.
Ce que confirme Alphonse Nata Trahinta, chef de l’arrondissement de Koussoucoingou.
Une embellie à laquelle un coup a été porté avec la survenue dans la sous-région ouest-africaine des maladies à virus hémorragique telles que Ebola et Lassa qui ont réduit sensiblement cette année le nombre de visiteurs dans le village.