On se demandait si l’opposition existe encore au Bénin. Presque invisible et réduite à quelque poignée de personnalités, elle s’organise de plus en plus, s’arme et accueille de nouveaux adhérents. Les atteintes du chef de l’Etat et de son gouvernement aux libertés fondamentales et aux acquis de la Conférence nationale de février 1990 ont servi de terreau à cette renaissance des forces anti-Yayi.
De plus en plus, on se dirige vers l’unité retrouvée des forces opposées au président de la République, Yayi Boni. L’opposition formelle qu’on croyait en panne et paralysée cède sa place à une nouvelle dynamique sur le terrain politique. En effet, sous l’égide du Front citoyen pour la sauvegarde des acquis démocratiques, une grande coalition se met progressivement en place pour renforcer les actions insignifiantes d’une opposition diminuée et malmenée par le régime en place. Après avoir vu ses couleurs pâlir avec de nombreux départs à savoir la Renaissance du Bénin de Léhady Soglo, le Parti du Renouveau démocratique (Prd) de Adrien Houngbédji, sans oublier certains leaders dont Cyriaque Domingo, Edmond Agoua, Issa Salifou, André Dassoundo, l’opposition se renforce désormais. Il s’agit d’une reconstitution des forces qui sont mécontentes du chef de l’Etat. Personne ne sait jusqu’où elles iront et les moyens dont elle dispose. Ce qu’on sait, c’est qu’il y a un grand ensemble qui se draine et dont la locomotive s’appelle Front citoyen pour la sauvegarde des acquis démocratiques. Regroupant déjà des personnalités provenant de diverses forces politiques, le Front négocie désormais avec de grands groupes reconnus pour leur influence et leur expérience. Il a rencontré le mercredi 14 août 2013 Me Adrien Houngbédji, leader du Prd, au lendemain du refus de ce parti de faire partie du nouveau gouvernement de Yayi Boni. Une démarche qui a tout son sens. Mais il s’agissait avant tout de faire les yeux doux à Adrien Houngbédji sans le concours et le soutien de qui la marche vers un grand ensemble serait une fiction. Au cours de cette rencontre, le Front a rappelé au leader politique la nécessité de travailler en synergie pour sauver le Bénin et susciter un nouvel espoir dans les esprits. Après avoir partagé ses idéaux avec le président du Prd, le Front citoyen a été reçu par Abdoulaye Bio Tchané, (Abt) lui aussi à la tête d’une grande coalition et candidat malheureux à la présidentielle de 2011. Conduite par Antoine Détchénou, la délégation du Front a eu des discussions avec les membres du groupe Abt. Ces discussions ont débouché sur un accord : Abt adhère à un front commun pour combattre les dérives de Yayi Boni. Egalement sans le concours de Abt, tout espoir à un front commun pour ébranler le régime serait vain. Malgré ces adhésions, il manque toujours des alliés de taille, dont l’Union fait la Nation, seule grande coalition de l’opposition ayant des représentants à l’Assemblée nationale. Antoine Détchénou et ses compagnons y ont pensé. Ils rencontrent ce jour Bruno Amoussou, président de l’Un. La principale préoccupation portera sur l’initiative d’un Front commun. La dynamique ne devrait pas rencontrer un obstacle à l’Union fait la Nation quand on sait que les ténors de cette coalition ne voient pas d’un bon œil les actes que pose le régime en place. Réduite à sa portion congrue à l’Assemblée nationale et se contentant de communiqués de presse pour exprimer sa position sur les sujets brûlants de la Nation, l’Un ne manquera pas de s’intéresser à l’appel du Front citoyen pour faire Front commun. Abdoulaye Bio Tchané, Adrien Houngbédji, Bruno Amoussou et d’autres figures politiques ou non qui sont restées pendant longtemps sur la touche du débat actuel, ont l’occasion de se montrer à travers différentes actions. Leur présence au sein de ce Front commun motivera sans doute d’autres citoyens à accompagner l’initiative.
Une forte opposition
Si malgré le désastre actuel auquel le pays fait face, Yayi Boni ne s’en émeut pas, c’est du fait de l’absence d’une opposition forte, capable d’ébranler son pouvoir. Le peuple lui-même semble résigné. Il faut enfin une réaction. Mais on se demande du coup, ce que peut faire le Front commun, vu l’expérience du G4, du G13 et du Front pour la défense de la démocratie (Fdd), une coquille vide formée par les partis de l’opposition et les syndicats. Tout cela n’a pas pu combler les attentes. Bien au contraire, ils ont rendu un énorme service au président Yayi Boni. Rappelons toutes les défections enregistrées en leur sein. N’oublions pas aussi que c’est dans leurs rangs que Yayi Boni réussit à pêcher des alliés qui ont facilement mordu à l’appât. C’est craignant tout cela qu’on se demande ce que peut le Front commun. Déjà, il y a deux éléments qui pourraient contribuer à ce qu’il réussisse là où les autres ont échoué. D’abord, il y a le personnage de Antoine Détchénou, qui n’est pas un homme dont on peut douter de la solidité militante et dont l’honneur et la dignité passent avant tout. Si la tête ne pourrit pas, il serait difficile au reste du corps de l’être. Ensuite, il y a le fait que Yayi Boni dont la gestion se révèle catastrophique est à deux ans et demi de la fin de son mandat. Un bilan qui devient un argument de rassemblement pour les opposants. Ainsi, tous les ingrédients sont disponibles pour avoir une forte opposition. Celle-là difficile à manipuler et militant pour la juste cause. Inflexible quand il s’agit de l’intérêt général. Le peuple tout le temps résigné rêve aujourd’hui d’une force capable d’ébranler le Pouvoir en place et de susciter une vraie et saine colère. Il faut nous épargner d’un Front qui va se remettre difficile de ses propres contradictions et qui sera incapable d’agir.