Le Président Adrien Houngbédji mesure l’ampleur de la mission qui lui a été confiée par ses collègues le 19 mai 2015. Dans le discours qu’il a prononcé hier 15 juin 2015 lors de la cérémonie qui a consacré son investiture (voir l’intégralité ci-dessous), le tout nouveau Président de l’Assemblée Nationale du Bénin a levé un coin de voile sur ses ambitions.
Pour le nouveau Président de l’Assemblée Nationale du Bénin, il sera utile de procéder à une réécriture du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale et de son règlement financier en se penchant très rapidement sur l’étude du rapport du Comité de Réforme Juridique et Institutionnel Interne à l’Assemblée Nationale (Coreji).
Conscient de ce que la seule réforme des textes ne sera jamais suffisante si elle ne s’accompagne de quelques actions volontaristes, le Président Adrien Houngbédji a exhorté ses collègues à donner une autre image de l’Assemblée Nationale autre qu’une succession d’invectives parfois trop vives et des bancs souvent trop vides. « Le travail parlementaire vaut par la qualité des lois que nous votons. Comment permettre aux députés d’assurer vraiment leur fonction de législateur et de contrôleur, sur des sujets très complexes ? Comment rendre plus fonctionnels les cabinets des députés ? Le recours à des expertises externes auprès de chaque commission, en fonction de la nature du dossier à l’étude, n’est-elle pas une approche de solution ? Pourquoi ne pas exploiter aussi l’expérience, la compétence et la sagesse de nos Anciens Présidents de l’Assemblée Nationale, redevenus députés, en les intégrant par exemple à la Conférence des Présidents ? Comment rendre plus efficace notre contrôle de l’action gouvernementale ?
Les commissions d’enquête parlementaire suscitent des interrogations, car les suites réservées à leurs conclusions ont été rarement à la hauteur de leurs travaux et rarement à la hauteur des attentes de l’opinion. Faut-il y associer davantage la société civile ? ». Ce sont là les réflexions qu’entend engager dans l’immédiat le Président Houngbédji qui a appelé ses collègues à montrer leur disponibilité à accompagner les initiatives du gouvernement, dans le cadre de la diplomatie interparlementaire.
Défis économiques et politiques
« La législature achèvera sa course en mai 2019. Les défis que notre Pays doit relever à terme sont connus : juguler la crise économique et sociale ; fournir davantage d’efforts dans les domaines de l’éducation, de la formation, de l’emploi des jeunes, de la promotion des femmes, de la santé et des infrastructures. Mais dans le court terme, notre principal défi est politique : il s’agit pour nous de contribuer à l’instauration, d’une transition douce, qui permettra au Bénin de passer sans coup férir, mais sans heurts, d’un régime à un autre le 6 avril prochain dans la plus pure des traditions démocratiques ». Tel est le message fort lancé par le Président Houngbédji à ses collègues députés en termes de défis à relever. Pour Me Houngbédji, il est impérieux d’engager une réforme approfondie de notre système partisan pour aboutir à un nombre très réduit de partis politiques au lieu des deux cents actuellement dénombrés. « Les construire autour d’un projet de société. Instaurer en leur sein des règles efficaces d’alternance. Assurer un financement public conséquent de leurs activités assorti d’un contrôle non moins public. Interdire la transhumance. Le tout pour permettre aux partis d’être de vrais socles qui jouent efficacement leur rôle dans l’animation de la vie politique et dans la conquête du pouvoir d’Etat. Voilà les défis qu’ensemble nous devons travailler à relever », a dit Me Houngbédji pour qui, sans une réforme d’envergure, le risque est grand de voir notre classe politique disparaitre progressivement et à jamais.
Une cérémonie qui défie les textes de la République (L’urgence de donner un caractère légal !!)
La cérémonie a eu lieu. Elle a été très belle et surtout riche en couleurs. Comme ses prédécesseurs Antoine Idji Kolawolé et Mathurin Koffi Nago, Me Adrien Houngbédji a accepté d’être solennellement investi Président de l’Assemblée Nationale du Bénin. Cet événement qui a rassemblé un parterre d’invités au nombre desquels on peut reconnaitre des Présidents d’institutions parlementaires sœurs d’Afrique n’a tout de même pas manqué de susciter la polémique quant à son caractère règlementaire, voire onéreux.
Si sous d’autres cieux, une cérémonie du genre est autorisée, au Bénin, il faut tout simplement reconnaitre que l’investiture du Président de l’Assemblée Nationale défie les textes de la République. Elle n’est inscrite nulle part. Ni le règlement intérieur de l’Assemblée Nationale ni la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 n’autorise une telle cérémonie. D’où la divagation dans l’utilisation des terminologies. A la limite, on peut juste parler d’une passation de charges entre le Président sortant et le Président entrant. Mais lorsqu’on parle d’investiture dans le cas du Président de l’Assemblée Nationale, on provoque la loi car seul le Président de la République est investi. Et dans le cas d’espèce, il prête serment. Son serment dont le texte est contenu dans l’article 53 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990 est reçu par le Président de la Cour Constitutionnelle devant l’Assemblée Nationale et la Cour Suprême. Dans ce serment, il jure, la main droite levée, de respecter et de défendre la Constitution que le peuple s’est librement donnée ; de remplir loyalement les hautes fonctions que la Nation lui a confiées ; de se laisser guider que par l’intérêt général et le respect des droits de la personne humaine, de consacrer toutes les forces à la recherche et à la promotion du bien commun, de la paix et de l’unité nationale ; de préserver l’intégrité du territoire national ; de se conduire partout en fidèle et loyal serviteur du peuple. Il jure aussi qu’en cas de parjure, qu’il subisse les rigueurs de la loi. Malheureusement, les cérémonies dites d’investiture du Président de l’Assemblée Nationale auxquelles on a commencé par habitué le peuple béninois n’intègrent pas ce côté sacré de la chose. Le Président de l’Assemblée Nationale ne prête aucun serment. Il prononce juste une allocution devant ses invités. Et lorsqu’on considère le cas actuel où cette cérémonie d’investiture vient après un certain nombre d’activités parlementaires déjà menées par le nouveau Président, on se demande s’il était encore nécessaire d’investir avec autant de solennité le Président Adrien Houngbédji qui pour nous constitue l’homme de la rupture. En acceptant cette investiture, le Président Houngbédji est en porte à faux avec la dictature des textes qu’il entend appliquer. Et pour éviter les polémiques, une correction s’impose. Dans le contexte actuel où la révision de la Constitution est une chimère, on peut rapidement recourir à une relecture efficiente du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale pour donner un caractère légal à la cérémonie d’investiture du Président de l’Institution parlementaire. Cela s’impose d’ailleurs. Car, dans un pays démocratique qui se respecte, tout doit suivre la norme. Ce n’est pas normal qu’un pays pauvre comme le nôtre se paie ce luxe qui du reste, n’est soutenu par aucun texte. Et ce n’est pas non plus normal que la 7è législature démarre avec des dettes. La qualité de la dépense doit être le combat à mener à tous les niveaux, surtout lorsqu’on est à la tête de l’Assemblée Nationale et surtout lorsqu’on est de l’opposition. Qui aime bien, châtie bien !
Houdé toujours remonté contre Yayi
L’Alliance nationale pour la démocratie et le développement a permis à l’honorable Valentin Aditi Houdé de marquer la rupture avec le régime en place, notamment avec le président Yayi. Le député de Zè ne se retrouvait plus dans la manière dont le pays est géré et a préféré prendre ses distances vis-à-vis du régime du changement. Durant toute la campagne pour les législatives du 26 avril dernier, l’honorable Houdé a combattu l’idée de la révision de la constitution et les velléités de fouler au pied les principes démocratiques chèrement acquis avec la Conférence nationale des forces de la Nation de février 1990. Le député Houdé, dans cet élan, a résisté à toutes les sollicitations devant le dévier de ses idéaux à l’occasion des tractations pour l’élection des membres du bureau de l’Assemblée nationale. On dira qu’il fait partie des députés qui ont sauvé la démocratie au Bénin. Dans son discours d’hier, en tant que président du comité d’organisation de l’investiture du bureau de l’Assemblée nationale, 7è législature dont il est le 1er Questeur, Houdé s’est réjoui du virage politique qui s’est opéré à l’hémicycle. « (…) Il est aujourd’hui établi que la voie du développement des nations modernes est aussi celle de la pratique démocratique, du respect des droits humains et de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Cette construction politique commande que la majorité dirige dans le sens de l’intérêt général, mais sans heurter ou humilier la minorité dans ses sensibilités et dans ses positions. Il découle aussi de cet état de choses que la majorité puisse changer de camp, sans anicroche. (…) Nous savons que nous devons vivre nos succès d’aujourd’hui avec fierté car le dénouement du scrutin des élections législatives du 26 avril 2015 constitue, à n’en point douter, une réponse apaisante à certaines inquiétudes qui s’amplifiaient exagérément pour ne pas dire dangereusement chez nous au Bénin où l’action publique a été sérieusement balafrée par une illisibilité manifestement inquiétante de certaines options politiques en ce qui concerne les présupposés basiques de la démocratie au sens libéral et moderne relativement à notre cadre constitutionnel. Je me réjouis du nouveau rapport de force qui s’est établi au niveau du pouvoir législatif en formulant l’ardent souhait qu’il soit un gage de l’amélioration des conditions de vie de nos valeureuses populations et des arguments pour un plus grand rayonnement de notre Pays ». Un signal fort à ses anciens amis politiques.
Le double tacle de Houngbédji à Yayi
Le discours du président de l’Assemblée nationale, 7è législature, à l’occasion de l’investiture du bureau qu’il préside était très attendu. Président élu par l’opposition, seul opposant déclaré au régime en place depuis 2006, adversaire malheureux à deux reprises aux élections présidentielles contre Boni Yayi, Me Adrien Houngbédji n’a pas raté le Chef de l’Etat dans son discours d’hier, lundi 15 juin 2015, au palais des gouverneurs. Il fallait quand même lire entre les lignes.
C’est deux tacles en douce que Me Adrien Houngbédji a placés à Boni Yayi dans son discours d’hier au palais des gouverneurs. Le passage de son discours sur l’avant, pendant et après la tenue des élections législatives du 26 avril 2015 est un désaveu pour le gouvernement en place et son Chef. Une gestion de cette période que le pouvoir en place n’a pu maitriser. Il y a d’abord eu l’incertitude sur la tenue de ces élections pour manque de financement des activités du Cos-Lépi, organe chargé de toiletter la liste électorale permanente informatisée (Lépi) sans laquelle cette élection ne pouvait avoir lieu. L’opinion avait vu cela comme un complot contre la démocratie. Ensuite, il y a eu les invectives entre un candidat aux législatives et le président de la République. Après le scrutin, il y a eu une tentative d’enlèvement du député Candide Azannaï qui a failli faire tout basculer dans le chaos. Cotonou a été secouée. La tension était à fleur de peau. Et c’est dans cette atmosphère tendue qu’a eu lieu l’élection des membres du bureau de l’Assemblée nationale avec d’abord son lot de présumés achats de députés. Selon les propos du président de l’Assemblée nationale, le Bénin a frôlé le pire et n’a retrouvé confiance que dans la longue nuit du mardi du 19 au 20 mai 2015 consacrant l’élection du président de l’Assemblée nationale et les membres du bureau. «Notre Pays vient de confirmer, une fois encore, son attachement à l’alternance démocratique. Et il l’a fait de belle manière, en réalisant l’alternance des majorités dans son Parlement. Cet exploit mérite d’être salué (…) Comment pourrions-nous en effet oublier que deux semaines auparavant, le débat politique était dans la rue. Comment pourrions-nous oublier que l’insurrection couvait jusqu’à nos portes, et que notre pays était à deux doigts de basculer dans la violence. Comment pourrions-nous l’oublier ? Jamais de mémoire d’homme au Bénin, l’élection du Bureau de l’Assemblée Nationale et de son Président, n’a suscité dans l’opinion pareille mobilisation, dans les vons, dans les maisons, dans les bureaux, sur les marchés, jusque sur les réseaux sociaux… », a souligné le président de l’Assemblée nationale.
A force de perdre du terrain…
Cette situation et bien d’autres qui avaient prévalu sous le régime du changement ont sans doute porté un sérieux coup à la démocratie béninoise, au point où le président de l’Assemblée nationale parle de son modèle au passé. «Nous étions un modèle. A force de perdre du terrain, le label a disparu ». Me Houngbédji a alors dénoncé les mains invisibles qui agissent dans la mise en place du bureau de l’Assemblée nationale. «(…) Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur les élections du 26 avril qui ont donné naissance à notre législature, et à son Bureau. L’allégorie des deux télécommandes a été fréquemment invoquée. Ni l’une ni l’autre ne sont vertueuses ». Autrement, sous Yayi, la démocratie béninoise, instituée par la Conférence nationale des forces vives de la Nation de février 1990, a été ébranlée et ne retrouve ses couleurs qu’avec la mise en place du nouveau parlement. «…Comme si de nos choix dépendait la destinée du pays, comme si de nos choix dépendaient la bonne gouvernance, l’eau, l’électricité, l’éducation, les soins de santé et j’en passe. Nous avons fait, dans la plus stricte tradition démocratique, les choix que notre Pays attendait. Dieu soit loué ! (…) Depuis lors, nos contradictions politiques qui n’auraient jamais dû gagner la rue, sont retournées dans le sanctuaire qui leur est réservé, je veux dire l’Assemblée Nationale. Et le Bénin, en nous investissant d’une mission qui dépasse de loin le cadre de nos capacités et de nos attributions, a retrouvé le chemin de la paix. (…) C’est notre honneur. Ailleurs on se bat d’abord, on s’entretue d’abord et on discute ensuite. Ici, on s’assoit tout de suite, on discute et les solutions jaillissent du débat ; c’est ce que les observateurs appellent l’exception politique Béninoise», a souligné le président investi hier. Et lorsqu’il parle de la bonne gouvernance, de la disponibilité de l’eau, de l’électricité, des soins de santé…qui font défaut aujourd’hui aux populations, ce n’est pas le régime en place qui s’en réjouirait ! Les attaques de Me Houngbédji n’ont pas été aussi directes, frontales envers la gestion du Chef de l’Etat, comme l‘avaient été des propos de la doyenne d’âge le samedi 6 mai, première rencontre des nouveaux députés à l’hémicycle. Mais les mots du président de l’Assemblée nationale sont évocateurs. Ils parlent à qui de droit.
Valentin Houdé salue la perspicacité du comité d’organisation
La cérémonie d’investiture du Président Adrien Houngbédji a connu un grand succès. Ceci grâce à la touche particulière du comité d’organisation dirigé par l’honorable Valentin Aditi Houdé, 1er Questeur de l’Assemblée Nationale. Son discours (voir ci-dessous) plein d’humilité retrace tout ce qui a été fait par les membres de son comité pour offrir une belle fête à tous les invités et faire de cette rencontre une nouvelle manifestation de cohésion sociale et de solidarité internationale.
Mot de bienvenue de M. Valentin Aditi HOUDE, Président du Comité d’organisation
C’est pour moi un honneur à la fois particulier et éminemment saisissant de prendre la parole devant cette auguste Assemblée, au double sens du terme, pour souhaiter la bienvenue ,non seulement à nos invités, mais aussi à nos illustres hôtes venus de divers horizons pour conférer à la présente cérémonie d’investiture toute sa splendeur et sa forte signification politique .
Qu’il me soit donc permis, au nom du comité d’organisation que je préside, de souhaiter aux uns et aux autres la bienvenue à Porto-Novo, ville emblématique, cité des AINONVI, et capitale de notre pays ,qui abrite si bien notre Assemblée nationale dans des locaux à l’architecture majestueuse, évocatrice de notre passé, et dont la seule vue rappelle des souvenirs de la rencontre de notre pays avec le monde. Mais cela est une autre histoire !
Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale du Bénin, Maître Adrien HOUNGBEDJI ;
Je voudrais du fond du cœur, vous remercier pour la confiance et l’honneur que vous avez faits à ma personne, en me confiant la présidence du comité d’organisation de la cérémonie de votre investiture qui ouvre résolument la voie à cette législature que vous conduirez pour les quatre prochaines années. Tout ce comité, avec qui j’ai eu un énorme plaisir à travailler, se joint à moi pour vous dire nos vives félicitations à la suite de votre élection et pour vous souhaiter une brillante et fructueuse législature. Nous savons que vous avez d’énormes ressources qui nous donnent des raisons supplémentaires de croire fermement à la réussite de votre mission. Ce sera pour le grand bien de la nation béninoise tout entière. Que nos vœux vous accompagnent !
- Monsieur le Président de l’Assemblée Nationale,
- Illustres hôtes,
- Mesdames et Messieurs,
Il est aujourd’hui établi que la voie du développement des nations modernes est aussi celle de la pratique démocratique, du respect des droits humains et de la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Cette construction politique commande que la majorité dirige dans le sens de l’intérêt général, mais sans heurter ou humilier la minorité dans ses sensibilités et dans ses positions. Il découle aussi de cet état de choses que la majorité puisse changer de camp, sans anicroche. C’est donc à la célébration d’un tel exemple de réussite que vous êtes conviés en ce jour lundi 15 Juin 2015 qui sera gravé dans l’histoire de notre parlement. Nous savons que nous devons vivre nos succès d’aujourd’hui avec fierté car le dénouement du scrutin des élections législatives du 26 avril 2015 constitue, à n’en point douter, une réponse apaisante à certaines inquiétudes qui s’amplifiaient exagérément pour ne pas dire dangereusement chez nous au BENIN où l’action publique a été sérieusement balafrée par une illisibilité manifestement inquiétante de certaines options politiques en ce qui concerne les présupposés basiques de la démocratie au sens libéral et moderne relativement à notre cadre constitutionnel.
Je me réjouis du nouveau rapport de force qui s’est établi au niveau du pouvoir législatif en formulant l’ardent souhait qu’il soit un gage de l’amélioration des conditions de vie de nos valeureuses populations et des arguments pour un plus grand rayonnement de notre Pays.
Au nom de cette démocratie dont nous célébrons une des manifestations aujourd’hui, le peuple béninois a confié au Président de l’Assemblée nationale, Maître Adrien HOUNGBEDJI, et à l’ensemble des Députés élus pour cette septième (7ème) Législature l’exaltante mission de légiférer et de contrôler l’action du Gouvernement pour les quatre (04) prochaines années en vue de faire triompher l’intérêt général au détriment de toutes autres considérations.
Mesdames et Messieurs,
La cérémonie d’investiture d’aujourd’hui est simplement une fête de la démocratie et je voudrais vous dire notre grande satisfaction de vous avoir à nos côtés.
Mesdames et Messieurs ;
Honorables invités ;
Illustres hôtes ;
Chers Amis journalistes et communicateurs ;
Notre souci, pendant le bref moment de préparation de cette cérémonie, est d’offrir une belle fête à tous nos invités et faire de cette rencontre une nouvelle manifestation de cohésion sociale et de solidarité internationale. Nous y avons mis le cœur mais nous ne savons pas si nous y sommes parvenus. C’est pourquoi je voudrais, d’ores et déjà, présenter nos sincères excuses à tous ceux et à toutes celles qui, à un moment ou à un autre ; avant, pendant et éventuellement après cette manifestation, auraient essuyé quelque frustration, de bien vouloir nous en excuser. Je remercie d’avance les uns et les autres pour leur compréhension et je leur dis, par avance, la reconnaissance de tout le comité d’organisation.
Qu’il me soit permis de m’adresser tout particulièrement à vous, Mesdames et Messieurs les membres des différentes délégations des pays frères et amis.
Je sais que notre grande détermination à rendre votre séjour agréable et mémorable reste en deçà des réalités que nous vous offrons.
Je demeure cependant convaincu de votre généreuse indulgence sur laquelle je voudrais d’ailleurs m’appuyer pour vous réitérer mes vœux sincères d’un bon séjour en terre libre et hospitalière du BENIN.
Mesdames et Messieurs,
Honorables invités,
Illustres hôtes,
J’ai bonne conscience qu’en un moment de grande solennité comme celui-ci, les mots de bienvenue d’un président de comité d’organisation sont comme les préfaces, les avertissements ou les avant propos des livres. Tout le monde est pressé d’aller vers le livre lui-même. Et Dieu sait si nous avons des livres en attente, aussi riches les uns que les autres en raison de la qualité des éminentes personnalités ici réunies.
Je voudrais m’éclipser avant que ce merveilleux public ne montre de l’impatience à les écouter.
Vive la démocratie !
Vive la coopération interparlementaire !
Je vous remercie.
L’Allocution de Guillaume SORO
(…) Mesdames, Messieurs.
C’est au Peuple Béninois, vibrant de vie et dont l’exubérante vitalité est une leçon d’optimisme et de gaieté que je tiens, en tout premier lieu, à remercier, de façon aussi sincère que chaleureuse, pour l’accueil exceptionnel qui a été réservé à moi-même et à ma délégation.
En second lieu, permettez-moi de féliciter particulièrement, celui-là même qui est l’ancien mais le tout nouveau Président de votre Parlement, Maître Adrien Houngbedji, ainsi que tous les députés de cette nouvelle législature.
Merci à tous denous avoir permis de participer à cette cérémonie d’investiture. Sachez que, chacun des Députés qui m’accompagnent se fera un devoir de répercuter fidèlement auprès des siens, le généreux message de solidarité fraternelle que vous nous avez ainsi livré.
Monsieur, le Président Houngbédji et cher frère,
Je lisais tantôt dans la presse qu’un triple saut remarquable avait été réalisé par un Béninois : de là à penser qu’il s’agissait de l’élection d’Adrien Houngbedji au Perchoir pour la troisième fois, il n’y avait qu’un pas que j’ai franchi allègrement…
Pour m’apercevoir rapidement qu’il était en fait question de son neveu, Marc Houngbedji, brillant spécialiste du triple saut!
Cet esprit de compétition, est comme une marque de fabrique du Peuple Béninois car ce Peuple est de ceux qui considèrent que rien d’heureux ne naît du hasard et que les nations, comme les personnes, sont ce qu’elles se font : ceux qui les servent avec conscience et avec grandeur, comme s’efforcent de le faire tous les représentants de la nation que nous sommes, sont ceux qui parviennent à développer les forces profondes des peuples, qui ne demandent qu’à être révélées au grand jour.
Monsieur le Président,
Honorables Députés,
C’est un plaisir et un devoir dont je suis fier de me charger, que de vous adresser également les salutations du Président de la République de Côte d’Ivoire, Son Excellence Monsieur Alassane OUATTARA, qui se félicite chaque jour des relations cordiales qu’il entretient avec le Peuple Béninois.
J’ai le grand honneur d’être porteur de son message personnel de salutations très fraternelles à son Homologue, Son Excellence Monsieur Yayi BONI, Président de la République sœur du Benin.
Dès mon élection, j’ai accordé la priorité à ces visites de proximité qui m’ont permis de sillonner notre sous-région et de partir à la rencontre de ces grands bâtisseurs que furent les Pères Fondateurs de nos États, Félix Houphouët-Boigny, Maurice Yaméogo, Hamani Diori et Hubert Maga, initiateurs inspirés du Conseil de l’Entente et, à travers ce modèle institutionnel, piliers symboliques d’une unité africaine en émergence, car malgré les turbulences économiques et les errances politiques, notre grand Conseil a survécu et il a su se réformer et s’adapter.
En arrivant à Cotonou, j’ai eu le sentiment d’avoir accompli un long périple initiatique, aux cœurs battants de notre sous-région, et qu’aujourd’hui, la boucle est bouclée et le pèlerinage de reconnaissance achevé.
Mais comme chaque point d’un cercle en est en même temps le début et la fin, je sais bien que cette belle aventure de l’entente cordiale entre les nations jumelles de l’Afrique de l’Ouest ne fait que commencer et je me réjouis du fait qu’elles soient, encore et encore plus aujourd’hui, enclines à œuvrer de concert pour un mariage réussi entre développement et démocratie.
Honorables Députés,
Chers Collègues,
Notre aventure ne fait que commencer, car c’est au cadran solaire de cet axe Abidjan Cotonou que se mesurent les heures de notre Entente et les minutes de notre coopération : au cours de ce long périple, il m’a été donné de refermer le cercle de notre famille et de reconstruire la parabole de nos fidèles amitiés.
Ce cercle, cette parabole, sont parvenus, malgré les épreuves et les crises, à résister à l’érosion du temps et à la corrosion des illusions.
Nos illustres prédécesseurs ne sont plus, mais les brillantes leçons que nous avons reçues de ces Instituteurs de la République sont toujours présentes en notre âme, comme demeurent les Institutions qu’ils ont créées et dont il nous revient de rallumer sans cesse la généreuse flamme.
Je vois à plusieurs signes qui ne trompent pas, que tel était le dessein du Tout Puissant que de nous voir ainsi dessiner notre destin :
Il y a un premier signe, c’est celui de l’environnement géo-climatique particulièrement favorable dont bénéficie notre sous-région : n’y a-t-il pas en effet, dans cet immense cercle de terres fertiles et abondamment irriguées que renferme et protège le bassin du Niger, une véritable harmonie préétablie entre tous les pays qui en bénéficient, et tous les peuples de la région, si privilégiés par la nature, n’étaient-ils pas par là même invités à la mettre en valeur et à en partager équitablement les fruits ?
Nous sommes tous des enfants du Niger et nous pouvons nous réjouir d’avoir à notre disposition tant de ressources encore inexploitées que, par anticipation et par précaution, Dame Nature a bien voulu déposer dans le berceau de nos sociétés.
Je vais vous faire une confidence et, ça ne vous surprendra pas, elle s’inspire de la mythologie du peuple Sénoufo :
quand j’embrasse d’un regard panoramique cette vaste région de l’ouest de l’Afrique, protégée comme un cocon par l’arc majestueux du fleuve Niger, une image me traverse l’esprit, celle de Kolotiolo, le Dieu le plus puissant de notre Panthéon, dont la rotondité du ventre bombé symbolise la fécondité et la fertilité.
Honorables Collègues Députés,
Dans l’existence du Conseil de l’Entente, je vois un deuxième signe,et c’est pourquoi nous devons nous investir pour que cette alliance institutionnelle et politique soit pérenniser et de renforcer : sachons donner à la pionnière de nos organisations sous-régionales, une nouvelle vie.
Ces derniers temps, elle était tombée dans une profonde léthargie et il a fallu les volontés conjuguées des Chefs d’État concernés, réunis à Niamey en décembre 2012, pour lui donner un second souffle, après qu’ait été ouvert dès 2011 à Cotonou, le vaste chantier de sa rénovation.
Les Présidents Boni Yayi et Alassane Ouattara étaient évidemment présents lors de ces importants rendez-vous de la relance du Conseil de l’Entente, au sein duquel nos Chefs d’État respectifs assument un rôle majeur, reprenant ainsi fidèlement le flambeau brandi par nos Pères fondateurs.
Ce qui me conforte dans ma détermination à faire en sorte que le Parlement que je préside puisse apporter une contribution significative à ce renouveau, c’est le fait que les plus hauts responsables politiques aient spontanément adhéré à l’idée que les dépositaires du pouvoir législatif doivent être étroitement associés à ce processus de redynamisation de notre Institution.
C’est d’ailleurs ici même, à Cotonou, que cette exigence a été exprimée pour la première fois, les Présidents des Assemblées des pays membres ayant, dès 2004, engagé une réflexion sur la promotion de la coopération inter parlementaire, en tant que vecteur privilégié pour une meilleure intégration entre nos pays.
Dans ce contexte, permettez-moi de mettre l’accent sur deux points qui me paraissent particulièrement importants :
Premier point : il s’agit pour notre Conseil, de ne pas se contenter de belles déclarations et de brillantes exhortations, mais de s’orienter vers des solutions qui changent effectivement les choses pour nos populations, ce qui veut dire que c’est pour nous tous une ardente obligation que de nous concentrer sur des projets concrets de développement intégré.
Une lecture superficielle de la situation pourrait nous donner à penser que les problèmes économiques importants sont du ressort d’Institutions telles que la CEDEAO, dont les moyens et le champ d’action sont sans commune mesure avec ceux du Conseil de l’Entente, qui ne devrait se consacrer qu’à de micro-projets de type ‘‘communautaire’’.
Mais, voyez-vous, j’ai l’impression que c’est exactement le contraire et voici pourquoi : quand il s’agit de grands chantiers qui marquent l’histoire et dont les réalisations perdurent indéfiniment dans nos mémoires, c’est d’un engouement et d’un engagement populaires sans précédent qu’il s’agit, c’est de forces rassemblées dont il est besoin, c’est d’enthousiasmes partagés dont il est question : construire les pyramides, la muraille de Chine, le Canal de Suez et celui de Panama, la Tour Eiffel, que sais-je encore…
Toutes les sociétés humaines ont besoin, pour s’inscrire sur le registre des merveilles de la civilisation planétaire, de concevoir et de construire ensemble une grande œuvre en laquelle elles reconnaissent leur propre génie et par lesquelles elles sont reconnues comme telles.
Et ce n’est donc plus, à ce moment là, de studieux cabinets d’architectes et de savants business plans dont il s’agit, mais bien d’une force populaire qui se projette vers un horizon qui n’appartient qu’à elle et qui donne un sens à sa propre histoire, telle qu’elle s’écrit comme un chapitre enluminé dans le grand livre de l’humanité.
Il en est ainsi, selon moi, de ce vaste projet de construction d’un arc ferroviaire, qui relierait, (je préfère dire « qui reliera ») Abidjan à Lomé, en passant par Bouaké, Ferké, Ouaga, Niamey et Cotonou.
Tel est le troisième signe, annonciateur de dynamisme et de modernité, comme le seront les valeureux ouvriers spécialisés qui gagneront cette nouvelle bataille du rail !
Ne faudra-t-il pas, Chers Collègues, une entente cordiale aussi étroite que confiante entre nos Présidents de la République et entre nos Présidents d’Assemblées nationales respectifs, pour que le ‘‘Train de l’Entente’’ puisse rouler un jour !
Ceci, en mon sens, permettra d’améliorer considérablement notre capacité de gestion intégrée de nos ressources, d’assurer notre indépendance énergétique et céréalière et d’apporter à nos populations des facilités de transport des personnes et des biens qui ont pour elles un nom sacré : liberté !
J’en arrive maintenant au second point :
Il consiste à mettre l’accent sur l’importance de notre capacité collective d’adaptation et sur nos aptitudes individuelles d’innovation.
Le monde change et de plus en plus vite, et c’est pourquoi toutes les ressources de notre imagination doivent être mobilisées, si l’on veut rester maître de la situation.
En voici une tragique illustration :
Qui aurait pu imaginer, il y a peu, que la priorité de nos préoccupations communautaires porterait aujourd’hui sur des questions d’ordre sécuritaire !
Je ne fais pas ici allusion à ces troubles politiques qui perturbent nos États en période électorale et qui semblent faire partie des maladies infantiles de la démocratie, mais à cette menace généralisée qui pèse aujourd’hui sur la stabilité régionale, depuis que des hordes de barbares massacrent les populations innocentes, avec une malsaine prédilection pour choisir leurs victimes parmi les plus faibles et les plus démunis : coupeurs de route devenus prophètes d’un jour, exécuteurs des volontés sanguinaires de serviteurs zélés et autoproclamés d’une hiérarchie de l’horreur et de la terreur !
Et nous voici arrivés au quatrième signe qui, pour notre plus grand malheur, ne nous interpelle que par la violence aveugle qu’il nous faut combattre.
Avec beaucoup d’amertume, nous en sommes réduits à faire la guerre à la guerre, à user de la violence pour lutter contre la violence, car le recours à la force est une extrémité à laquelle il faut bien se résoudre, quand on a pour adversaires d’irréductibles et incorrigibles ennemis de la justice et de la paix, et qui se sont spécialisés dans le rapt de jeunes filles et les supplices sacrificiels et médiatisés.
Cette riposte concertée qu’il nous faut préparer, je l’appellerai le bouclier sécuritaire, pour reprendre notre métaphore empruntée à la sphère.
Bien malgré lui, le Conseil de l’Entente s’est transformé en Conseil de guerre, mais ce n’est pas de notre fait et il a bien fallu s’y résoudre, car il n’y a pas de liberté pour les ennemis de la liberté !
En notre qualité de Parlementaires, notre travail ne consiste pas, cela va de soi, à donner des ordres aux responsables de nos forces de défense et de sécurité, mais à contribuer à analyser les situations et à faire des propositions qui aillent dans le sens de la protection des populations.
Notre responsabilité d’élus de proximité nous invite également, dans nos circonscriptions respectives, à sensibiliser nos concitoyens, à travers une communication transparente et ciblée, qui nous permette d’attirer l’attention des personnes les plus influençables, sur l’insidieuse propagande des extrémistes et des fondamentalistes.
Elle nous recommande enfin de ne pas considérer qu’il puisse exister des pays qui soient épargnés : le virus Boko Haram se propagepartout, même dans les paysdont la tradition pacifiste est pourtant connue et appréciée.
La folie meurtrière de l’obscurantisme n’a ni barrières ni frontières et ce n’est qu’ensemble que nous parviendrons à l’éradiquer.
Soyons donc tous prêts, nous les membres du Conseil de l’Entente, pour donner l’exemple et nous préparer à une éventuelle confrontation courageuse avec cette nébuleuse qui nous menace mais qui, soyez-en persuadés, ne nous effraie pas suffisamment pour que nous cédions à la tentation de l’abdication et du renoncement.
En d’autres circonstances tout aussi tragiques, bien que plus circonscrites, les forces vives de la nation ivoirienne ont su apporter la preuve de leur détermination à entrer en résistance et à se rebeller contre tous ceux qui poursuivent le noir dessein de nous priver de notre dignité et de bafouer les fondements multiséculaires de notre fraternité.
Très honorable Président,
Très Chers Collègues Députés,
Le cinquième et dernier signe concerne la place qu’il convient d’assigner à l’être humain, au cœur de cette aventure fatale ou providentielle que lui assigne son destin.
Je ne vous cache pas qu’à certains moments, j’ai comme le sentiment que l’homme a quelques difficultés à assumer son humanité : au lieu de se prendre en charge et de relever avec courage et détermination les défis qui se présentent devant eux, nombreux sont ceux qui s’en prennent au monde entier.
Nous avons des difficultés, entend-t-on ici ou là, car la nature ne s’est pas montrée très clémente et très bienveillante à notre égard : ‘‘trop humide’’, dit l’Ivoirien, ‘‘trop aride’’, répond le Burkinabé ; ‘‘trop éloigné’’, se désole le Nigérien, ‘‘trop exposé’’, rétorque le Béninois !
En un mot, personne n’est satisfait et ces lamentations servent de prétexte pour ne rien faire et pour se dispenser de l’effort nécessaire pour nous tirer d’affaire.
Ce qui me frappe, Chers Collègues, quand je fais retour sur ces différents signes que j’ai évoqués, c’est que, finalement, beaucoup de choses dépendent de nous, ce qui revient à dire que nous ne dépendons pas tant des choses que de nous-mêmes!
- Cultiver notre jardin, sur les terres propices du bassin du Niger, cela dépend de nous !
- Faire du Conseil de l’Entente, le maillon fort de la coopération interafricaine, cela dépend de nous !
- Construire jusqu’à son terminus le train de l’entente et rapprocher tous ces peuples qui s’assemblent parce qu’ils se ressemblent, cela dépend de nous !
- Créer une structure bilatérale paritaire qui réunisse les Commissions Sécurité Défense de nos deux Assemblées, qui puisse par la suite servir de matrice à la constitution d’une entité parlementaire sous régionale, résolument engagée dans la lutte contre le fanatisme et le fondamentalisme, cela dépend de nous!
Alors, cessons de nous en prendre à la nature, prétendument violente et inhospitalière : nous qui ne connaissons ni tsunami ni tremblements de terre !
Alors, cessons de nous cacher derrière le masque hideux des religions de la violence et du mensonge, nous qui pouvons-nous enorgueillir d’appartenir à une tradition de tolérance et d’œcuménisme : nous n’avons jamais eu à souffrir de l’extrémisme et des guerres de religions !
De plus en plus, une idée force s’impose donc à nous et la voici : l’homme est, ou plus exactement il doit être au cœur de notre projet de redynamisation de notre Conseil et de notre coopération.
Je veux conclure :
Comme le dit Oscar Wilde, « Le poids du monde est trop lourd pour qu’un seul homme le porte et la souffrance de l’univers trop cruelle pour un seul cœur » : soyons donc tous ensemble au rendez-vous glorieux de l’histoire nouvelle de notre continent et de notre sous-région.
Le bassin du Niger ? Ce sera le bel ouvrage patrimonial de l’aménagement harmonieux de nos territoires !
Le train de l’entente ? Je l’entends déjà siffler, et plus de 3 fois!
Le bouclier de sécurité ? Nos forgerons sont en train de le ciseler !
Et le Conseil de l’Entente enfin ? Pour le faire croître et prospérer dans sa plénitude, il nous suffit de nous entendre : à bon entendeur, salut !
Tout en vous remerciant de votre patience et de votre aimable attention, je formule le vœu que votre mandature soit à la hauteur de vos attentes et à la dimension de vos ambitions.
Porto Novo, le 15 juin 2015
Guillaume Kigbafori SORO,
Président de l’Assemblée nationale de la République de Côte d’Ivoire
INTEGRALITE DU DISCOURS DU PRESIDENT ADRIEN HOUNGBEDJI A L’OCCASION DE L’INVESTITURE DU BUREAU DE LA 7ème LEGISLATURE
(Porto-Novo, le 15 juin 2015)
- Mesdames et Messieurs,
Pour la septième fois et selon le rythme constitutionnellement établi, le Bénin sacrifie à la tradition de l’investiture du Président de l’Assemblée Nationale.
En cet instant précis, permettez-moi de vous dire merci à tous pour votre présence massive à cette cérémonie. J’y vois une volonté manifeste de soutien à la démocratie Béninoise.
Merci surtout à vous, chers collègues Présidents des Assemblées Nationales, chers collègues Présidents de délégations et Honorables Députés, venus de différents pays frères et amis, pour nous soutenir,
Pour porter témoignage de votre sympathie au peuple Béninois. Votre présence parmi nous, croyez-moi, nous émeut particulièrement et donne un éclat particulier à cette cérémonie. Nous y voyons un signe de solidarité entre nos Parlements, et d’amitié entre nos peuples. Les gouvernements de nos pays respectifs ayant clairement exprimé leur volonté politique de réaliser l’intégration régionale et sous régionale, la diplomatie parlementaire et la coopération interparlementaire sont très naturellement appelées à être les instruments de cette politique. Nous vous remercions d’être venus partager notre foi.
Je voudrais remercier très particulièrement nos Rois, leurs Majestés, les têtes couronnées, les chefs de culte et autres dignitaires pour l’honneur qu’ils nous font de leur présence, ainsi que pour leurs prières quotidiennes, leurs actions de grâce et leurs bénédictions.
J’associe à mes remerciements les nombreuses personnalités, les invités de marque ici présents en leurs qualités respectives.
Merci également à vous tous, chers compatriotes et chers Invités qui avez accepté de prendre une partie de votre précieux temps pour apporter votre soutien à la démocratie en marche.
Mes chers collègues,
Mesdames et Messieurs,
Notre Pays vient de confirmer, une fois encore, son attachement à l’alternance démocratique. Et il l’a fait de belle manière, en réalisant l’alternance des majorités dans son Parlement. Cet exploit mérite d’être salué. C’est en se déclarant souveraine, alors qu’elle n’avait été convoquée que pour trouver une solution à la crise économique et sociale qui secouait notre Pays, que les membres de la Conférence des Forces Vives de la Nation, avec une audace et une lucidité sans précédent, ont placé notre pays sur les rails de la Démocratie.
Très chers Collègues, vous êtes les héritiers de la Conférence Nationale. Vous êtes l’Assemblée Nationale, et c’est donc notre honneur d’être les représentants de cette souveraineté conquise au prix de durs sacrifices. C’est à vous qu’il revient d’exprimer la volonté de la Nation Béninoise.
Votre tout premier acte, après les séances remarquablement conduites par notre doyenne d’âge Madame Rosine Vieyra Soglo à qui je rends hommage pour son endurance et sa détermination, votre tout premier acte, disais-je, a été de me porter à la Présidence de notre institution, présidence où se sont illustrées des personnalités prestigieuses de très grande qualité, je veux nommer mon prédécesseur direct, le Président Mathurin Coffi NAGO, le Président Bruno Amoussou, le Président Antoine IDJI Kolawolé, sans oublier notre cher et regretté Monseigneur Isidore de SOUZA de très glorieuse mémoire.
Ce que j’ai ressenti au prime abord, aux termes de cette nuit du 19 au 20 mai, c’est un sentiment d’humilité, car en me choisissant pour des motifs que je sais essentiellement politiques, dans cette Assemblée qui compte tant de talents, anciens comme nouveaux, vous avez dû faire abstraction de mes défauts si évidents, étalés au grand jour pendant 25 années passées sur le devant de la scène, dont 8 du haut de ce perchoir ; défauts si connus de tous, et dont j’ai du mal à me défaire malgré mes efforts, comme vous le constatez déjà moins de 3 semaines après cette nuit mémorable.
Sentiment d’humilité donc et volonté de faire mieux ; c’est dire combien votre indulgence me sera précieuse.
Humilité ! Mais en même temps sentiment de fierté, car cette élection ne doit rien à quelque reniement ou compromis sur les valeurs et les principes auxquels vous me savez attachés de longue date, et auxquels vous savez tous, que je resterai fidèle. C’est fort de cela que j’adresse mes remerciements les plus sincères et les plus émus à ceux et celles d’entre vous qui m’ont accordé leurs suffrages. Cette nuit-là, au fil du dépouillement des bulletins, j’ai ressenti les battements de vos cœurs au plus intime de mon propre cœur.
Et pourtant, ce n’était jamais que la 3ème fois que je subissais pareille épreuve.
J’ai compris cette nuit-là, plus que les autres fois, que l’honneur que vous me faites, est moins une faveur qu’une charge ; et que la confiance qui m’est accordée est une invitation à la mériter sans cesse et sans faiblesse.
A tous mes Collègues, de quelque bord qu’ils soient, je veux donner l’assurance de mon impartialité et de ma détermination à œuvrer pour l’expression de toutes les opinions, convaincu que chacun usera de sa liberté dans le respect de celle des autres.
‘’Je serai le Président de tous’’: sur mes lèvres, il ne s’agira pas d’une simple formule.
Les circonstances ne me laissent pas d’autres choix que d’être effectivement le Président de tous : je l’ai déjà dit.
Comment pourrions-nous en effet oublier que deux semaines auparavant, le débat politique était dans la rue. Comment pourrions-nous oublier que l’insurrection couvait jusqu’à nos portes, et que notre pays était à deux doigts de basculer dans la violence.
Comment pourrions-nous l’oublier ?
Jamais de mémoire d’homme au Bénin, l’élection du Bureau de l’Assemblée Nationale et de son Président, n’a suscité dans l’opinion pareille mobilisation, dans les vons, dans les maisons, dans les bureaux, sur les marchés, pareil déchainement de passion, jusque sur les réseaux sociaux, comme si de nos choix dépendait la destinée du pays, comme si de nos choix dépendaient la bonne gouvernance, l’eau, l’électricité, l’éducation, les soins de santé et j’en passe.
Nous avons fait, dans la plus stricte tradition démocratique, les choix que notre Pays attendait. Dieu soit loué !
Depuis lors, nos contradictions politiques qui n’auraient jamais dû gagner la rue, sont retournées dans le sanctuaire qui leur est réservé, je veux dire l’Assemblée Nationale.
Et le Bénin, en nous investissant d’une mission qui dépasse de loin le cadre de nos capacités et de nos attributions, a retrouvé le chemin de la paix. C’est désormais d’un Bénin apaisé que nous héritons ; un Bénin confiant mais vigilant.
Et c’est notre honneur à nous tous, d’avoir capté le message émis par notre peuple : dialoguant entre nous et dans la paix, nous gagnerons la seule bataille qui vaille, la bataille de la Démocratie et du Développement, dans la libre expression de notre diversité.
Oui, à voir l’ambiance qui règne désormais dans l’hémicycle, la tolérance qui prévaut désormais, le souci partagé du respect de l’autre, le consensus qui a présidé à la composition de nos commissions permanentes, et la quasi-unanimité des suffrages recueillis par les candidats aux différentes postes au sein de ces commissions, à quelque bord qu’ils appartiennent; à voir un tel dénouement, qui eût cru que c’est cette même Assemblée, qui, trois semaines auparavant, dans un climat glacial et d’exclusion réciproque, ne s’est donné un Président, que par une voix d’écart, avec son rival d’un jour, l’honorable KOMI KOUTCHE dont je salue ici la performance.
C’est notre honneur. Ailleurs on se bat d’abord, on s’entretue d’abord et on discute ensuite. Ici, on s’assoit tout de suite, on discute et les solutions jaillissent du débat ; c’est ce que les observateurs appellent l’exception politique Béninoise.
J’en suis extrêmement reconnaissant à chacun et chacune d’entre vous. Je sais d’expérience que nous aurons encore des débats houleux, des séances chaudes ; ainsi le veut la démocratie parlementaire. Mais j’ai la ferme conviction que nous garderons le même cap jusqu’à la fin, car l’exception politique que nous constituons n’est pas une fin en soi. Elle n’a de sens que lorsqu’elle permet des avancées démocratiques.
Nous étions un modèle. A force de perdre du terrain, le label a disparu.
Beaucoup de choses ont été dites et écrites sur les élections du 26 avril qui ont donné naissance à notre législature, et à son Bureau. L’allégorie des deux télécommandes a été fréquemment invoquée. Ni l’une ni l’autre ne sont vertueuses
Ce que je veux dire ici avec force, c’est qu’une élection n’est juste et équitable que si les moyens disponibles sont eux-mêmes justes et équitablement alloués.
Ce que je veux dire ici avec force, c’est qu’il faut condamner les méthodes qui dénaturent la démocratie. Je veux proclamer ici l’impérieuse nécessité d’une réforme approfondie de notre système partisan. Aboutir à un nombre très réduit de partis politiques au lieu des deux cents actuellement dénombrés. Les construire autour d’un projet de société. Instaurer en leur sein des règles efficaces d’alternance. Assurer un financement public conséquent de leurs activités assorti d’un contrôle non moins public. Interdire la transhumance.
Le tout pour permettre aux partis d’être de vrais socles qui jouent efficacement leur rôle dans l’animation de la vie politique et dans la conquête du pouvoir d’Etat.
Sans une réforme d’envergure, le risque est grand de voir notre classe politique disparaitre progressivement et à jamais.
En attendant cette réforme, les règles du jeu étant ce qu’elles sont, cette Assemblée est bien telle que l’a voulue le peuple Béninois.
Dès lors que nous sommes légitimes à légiférer, à contrôler et à administrer, c’est d’abord en chacun de nous que se trouvent les réponses aux critiques formulées à l’encontre de notre fonctionnement.
Il sera certainement utile de procéder à une réécriture de notre règlement intérieur et de notre règlement financier. Et donc de procéder sans retard à l’étude du rapport du Comité de Réforme Juridique et Institutionnel Interne à l’Assemblée Nationale (COREJI).
Mais ma conviction est que la seule réforme des textes ne sera jamais suffisante si elle ne s’accompagne de quelques actions volontaristes.
Par exemple la volonté de maitriser le temps pour que disparaissent les retards inutiles, la dispersion, le sentiment d’inutilité qui gagne l’opinion et qui nous gagne nous-mêmes.
Par exemple encore, offrir aux Béninois une image de notre Parlement autre qu’une succession d’invectives parfois trop vives et des bancs souvent trop vides.
Par exemple encore, nous organiser pour légiférer, je ne dis pas plus vite, car l’inflation législative porte le germe de l’impuissance, mais légiférer mieux dans les meilleurs temps possibles.
Le travail parlementaire vaut par la qualité des lois que nous votons.
Comment permettre aux députés d’assurer vraiment leur fonction de législateur et de contrôleur, sur des sujets très complexes ?
Comment rendre plus fonctionnels les cabinets des députés ? Le recours à des expertises externes auprès de chaque commission, en fonction de la nature du dossier à l’étude, n’est-elle pas une approche de solution ?
Pourquoi ne pas exploiter aussi l’expérience, la compétence et la sagesse de nos Anciens Présidents de l’Assemblée Nationale, redevenus députés, en les intégrant par exemple à la Conférence des Présidents ?
Comment rendre plus efficace notre contrôle de l’action gouvernementale ?
Les commissions d’enquête parlementaire suscitent des interrogations, car les suites réservées à leurs conclusions ont été rarement à la hauteur de leurs travaux et rarement à la hauteur des attentes de l’opinion.
Faut-il y associer davantage la société civile ? Quelle couverture médiatique ?
Suggérer une meilleure médiatisation, c’est vouloir redéfinir les programmes et les émissions de radio hémicycle pour qu’elle soit l’instrument d’une meilleure connaissance de nos travaux par nos citoyens, et c’est ouvrir davantage l’Assemblée Nationale aux Béninois pour contribuer à l’instruction civique des populations.
Pour améliorer notre connaissance des mécanismes budgétaire et économiques, nous avons créé l’Unité d’Analyse et de Contrôle de l’Exécution du Budget (UNACEB) et la Cellule d’Analyse des Politiques de Développement de l’Assemblée Nationale (CAPAN). Elles sont devenues inopérantes malgré l’appui déterminant de nos partenaires au développement, notamment le PNUD et l’ACBF que je remercie très sincèrement pour leurs contributions. Quelle réforme engager pour que ces institutions reprennent vie ?
Enfin, l’Assemblée Nationale, c’est aussi des hommes et des femmes, permanents ou contractuels qui constituent son administration et qui consacrent leurs temps à rendre possible et efficace la mission que nous avons reçue du Peuple.
Je salue le personnel parlementaire toutes catégories confondues. Il constitue la première ressource d’appui, et mérite à notre avis une attention particulière. Il sait qu’il a ma confiance.
Nous devons sécuriser l’emploi des uns et des autres, adopter le plan de carrière en cours d’élaboration, promouvoir ceux qui par des efforts personnels ont atteint des niveaux de connaissance et de compétence plus élevées.
Honorables invités
Chers Collègues,
Notre législature débute dans un contexte où partout dans le monde, la paix et la sécurité sont menacées. Nous assistons impuissants à la montée des fondamentalismes religieux. L’intégrisme gagne du terrain avec pour corollaires la violence, les attentats ciblés, les enlèvements et de lourdes pertes de vies humaines.
Cette situation nous interpelle. Il est de notre devoir de nous engager pour la paix.
Les activités de BOKO HARAM au Nigéria, au Niger, au Tchad et au Mali constituent de grands sujets de préoccupation. De concert avec la communauté internationale, le Bénin joue sa partition.
Nous devons montrer notre disponibilité à accompagner les initiatives du gouvernement, dans le cadre de la diplomatie interparlementaire.
J’en appelle en effet à une intense coopération interparlementaire.
Je salue une fois encore les éminents Présidents d’Assemblée Nationale, les chefs de délégation et nos collègues des parlements Africains venus nous honorer ; leur présence ici peut être le point de départ d’une dynamique nouvelle.
Mers chers collègues
La législature achèvera sa course en mai 2019.
Les défis que notre Pays doit relever à terme sont connus : juguler la crise économique et sociale ; fournir davantage d’efforts dans les domaines de l’éducation, de la formation, de l’emploi des jeunes, de la promotion des femmes, de la santé et des infrastructures.
Mais dans le court terme, notre principal défi est politique : il s’agit pour nous de contribuer à l’instauration, d’une transition douce, qui permettra au Bénin de passer sans coup férir, mais sans heurts, d’un régime à un autre le 6 avril prochain dans la plus pure des traditions démocratiques.
Comme vous le voyez, les tâches qui nous attendent sont exaltantes.
J’ai l’intime conviction qu’elles ne sont pas au-dessus de notre capacité, de tolérance, de clairvoyance et de courage.
Vive la démocratie
Vive l’amitié entre les Parlements
Vive le Bénin
Dossier réalisé& par Jean-Marie Sèdolo, Affissou Anonrin et Tobi Ahlonsou