Doté de sites naturels et/ou historiques enviables, de cultures enivrantes aussi, le Bénin ne tire malheureusement pas encore tous les avantages de son secteur tourisme. Si les chiffres sont en constante hausse, il reste que des efforts doivent être accomplis pour permettre à cette grosse industrie de tourner à plein régime. Le ministre de la Culture, de l’Alphabétisation, de l’Artisanat et du Tourisme, Jean-Michel A. Abimbola, nous situe sur ce qui se fait de bien dans le domaine et surtout, sur ce qui peut être encore fait pour dynamiser ce secteur et le faire contribuer davantage à l’économie du Bénin.
La Nation: Monsieur le ministre, vous répondriez sans doute que le tourisme béninois se porte assez bien. Mais vous reconnaîtrez aussi que le potentiel est sous-exploité. Alors, comment devrait se porter le secteur aujourd’hui au regard de son riche potentiel ?
Jean-Michel A. Abimbola:
Le Bénin est ce qu’on pourrait appeler « le miroir de l’Afrique » à cause de son potentiel riche et varié qui peut-être catégorisé comme suit: Les richesses culturelles et cultuelles (traditions, us et coutumes, rites, chants et danses, religions endogènes);
Les richesses naturelles (climat, parcs nationaux, reliefs (Littoral, plateaux, collines, montagnes), cours et plans d’eau, chutes et cascades, paysages);
Le riche patrimoine culturel matériel et historique (palais royaux, musées,habitats traditionnels typiques, Route de l’esclave)
Ce potentiel est soutenu par des infrastructures et équipements hôteliers qui se renforcent chaque jour sur toute l’étendue du territoire national. Tout ceci devrait effectivement faire du Bénin une destination privilégiée dans la sous-région ouest-africaine.
Force est de reconnaître que le tourisme béninois ne tient pas encore les promesses des fleurs. Cependant, il n’est pas dans le rouge et de nombreux efforts sont consentis ces dernières années en vue de: résorber les problèmes d’aménagement et de valorisation des sites touristiques majeurs,
Relever le professionnalisme des métiers liés au tourisme (hôteliers, agents de voyage, guides, restaurateurs, etc.), promouvoir la « Destination Bénin» sur les potentiels marchés émetteurs du tourisme.
Quelles conditions incitatives notre Etat met-il en place pour encourager l’investissement dans l’industrie touristique, notamment l’édification d’infrastructures hôtelières?
Il existe un cadre institutionnel et réglementaire lié à l’activité touristique et hôtelière. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le secteur du tourisme est un secteur très méticuleux car en contact avec une clientèle de plus en plus exigeante.
Les textes qui fixaient les conditions générales pour l’édification d’infrastructures hôtelières sont devenus caduques, avec les croissantes évolutions du secteur. Pour nous arrimer au contexte international actuel de ce secteur très dynamique, nous sommes à pied d’œuvre pour le toilettage et l’actualisation de tous les textes régissant les activités touristiques et hôtelières afin de mieux les adapter aux normes internationales en raison de notre appartenance à la structure faîtière au niveau mondial, je veux parler de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT).
Par ailleurs, un guide pratique du promoteur hôtelier béninois a été élaboré pour renseigner les potentiels investisseurs nationaux et étrangers sur les conditions à remplir par les porteurs de projets d’édification d’infrastructures hôtelières. Ce guide a été distribué à tous les promoteurs hôteliers sur toute l’étendue du territoire national et est disponible au niveau des structures nationales et départementales de l’Administration nationale du Tourisme.
Il est en cours d’élaboration un décret spécifique à l’investissement dans le secteur du tourisme accordant la part belle à tout promoteur touristique désireux de s’impliquer dans l’ambitieux programme de développement touristique de la Route des pêches.
Le constat aujourd’hui est que le tourisme intérieur peine à prendre alors qu’il peut être d’un grand secours pour l’amélioration des performances. Que faire, selon vous, pour le promouvoir réellement ?
Le tourisme intérieur suppose le déplacement à l’intérieur de nos frontières de la population nationale dans le but de se divertir, de nourrir leurs curiosités. Cette pratique est ressentie chez une certaine catégorie de Béninois qui comprend tout le bien qu’il y a à sortir du cadre habituel le temps d’un week-end ou d’un congé. C’est une occasion de se ressourcer et de changer d’air afin de repartir plus performant dans son travail ou dans ses affaires. Je pourrai dire sans risque de me tromper que cet exercice augmente l’espérance de vie.
Afin de mieux promouvoir le tourisme intérieur, d’importantes mesures ont été prises notamment: l’institutionnalisation par un décret du Salon National du Tourisme qui sera à sa deuxième édition à Ouidah après la prmière édition tenue l’an dernier à Natitingou. Ce salon a pour objectif de: créer un cadre d’échanges entre tous les professionnels du tourisme et de l’hôtellerie; informer les nationaux (les Béninois) sur les produits et services touristiques; inciter les nationaux à la consommation des produits touristiques.
Les mesures prises par les opérateurs touristiques privés l’année dernière de réduire de 50% les tarifs d’hébergement au profit des nationaux dans nos hôtels. Cette heureuse initiative de promotion touristique intérieur commence par se généraliser progressivement sur tout le territoire national. L’instauration de tarifs promotionnels pour la visite sur nos sites (musées, parcs nationaux etc…) à l’intention des nationaux. La création des offices de tourisme dans certaines de nos villes à forts potentiels touristiques, je veux citer Ouidah, Abomey, Porto-Novo, Parakou, Nikki et Tanguiéta et des bureaux d’information touristique aux frontières: Grand-Popo, Ouaké et Porga. cette mesure va se généraliser sur l’ensemble de nos localités qui en ont la vocation.
Ces mesures de promotion touristique participeront progressivement à la structuration et l’organisation des professions et des établissements touristiques ainsi qu’à la diversification et à la professionalisation de leurs offres de produits et services proposées à la clientèle pour inciter les Béninoises et Béninois à s’y interesser.
Je peux vous dire que d’autres mesures incitatives sont en étude au niveau de mon département en relation avec les Opérateurs touristiques privés (OPT) afin d’amener progressivement les Béninois à la culture et au goût de la découverte des potentialités naturelles, culturelles et historiques de leur cher et beau pays le Bénin.
Certains sites historico-touristiques du Bénin nécessitent un effort de promotion, de conservation et de sécurisation pour être mieux mis en valeur. Votre ministère en a-t-il les moyens et que fait-il dans ce sens ?
La conservation, la protection et la sécurisation du patrimoine d’un pays nécessitent d’énormes ressources. Car, il s’agit de la vie du pays, de la mémoire sur laquelle il faut construire le présent et le futur.
Dans ce sens, des efforts sont faits par le gouvernement depuis quelques années à travers l’augmentation de notre budget, visant à concrétiser effectivement le démarrage du programme de développement touristique de la route des pêches entre Cotonou et Ouidah. Cette future station, produit d’appel aidera à coup sûr à mieux structurer et faire vivre au quotidien les autres sites phares du pays.
En effet, le Bénin regorge d’innombrables sites et attraits touristiques dont la sécurisation nous incombe. Cette sécurisation passe d’abord par l’identification de ces sites à publier dans un répertoire national voire régional, départemental ou communal, comme ce qui est fait déjà aujourd’hui pour les départements du Borgou et de l’Alibori avec l’appui technique et financier de la Région Champagne Ardenne en France. Sur ce plan, nous avons commencé en 2014 une initiative de sensibilisation des communes de Sô-ava, Abomey et Nikki sur la sécurisation et la valorisation des sites touristiques de leur territoire. Ceci devra se poursuivre pour accompagner progressivement l’ensemble des Communes du Bénin à accorder plus d’attention à leurs Zones d’aménagement touristique (ZAT).
Les collectivités communales ont un grand rôle à jouer car elles sont les gardiens de ces patrimoines qui sont aujourd’hui exposés aux menaces de bradage foncier et aux exploitations agricoles, forestières et minières abusives .
C’est pour toutes ces raisons conjuguées que mon département entend, avec les élus locaux et les populations à la base, faire le plaidoyer à l’endroit des institutions de la République et notamment du gouvernement pour que nous puissions disposer d’un «FADEC-Tourisme » qui permettrait aux communes de prendre des initiatives allant dans le sens d’une part du recensement et de la sécurisation des réserves touristiques situées sur leur territoire.
Des arrêtés communaux ou actes de donation pour la mise à disposition et leur inscription sur la liste du patrimoine seront pris pour leur sécurisation en attendant d’asseoir les bases et les moyens de leur valorisation.
Que diriez-vous aux populations qui ne perçoivent pas toujours, l’importance du tourisme et son impact sur le développement national ?
Aux populations qui ne perçoivent pas l’importance du tourisme et de son impact sur le développement national, je dirai tout simplement que la transversalité de ce secteur fait qu’il a un impact direct ou indirect sur l’économie. Mais il nous faudra traduire la contribution du tourisme au développement dans des actes concrets visant à montrer des exemples de réussites qui peuvent faire école auprès des populations à la base.
La promotion du tourisme durable sous toutes ses formes, notamment le tourisme communautaire et l’écotourisme pourrait aider à mettre le tourisme au profit de la réduction de la pauvreté pour un développement.
Face aux grands défis de la réduction de la pauvreté et aux exigences du développement durable, la valorisation des différents écosystèmes couplés au cultuel par, avec et pour les communautés locales, paraît une nécessité qui trouverait une solution durable à travers le développement de l’écotourisme.
Conscient de ces enjeux, mon département a élaboré le Plan stratégique de développement de l’écotourisme au Bénin (2013-2023)qui constitue désormais la boussole qui doit inspirer les actions dans le domaine de l’écotourisme dans notre pays. Dans ce document de stratégie, la vision du Bénin en matière de développement de l’écotourisme est clairement affichée et vise à faire de l’écotourisme: « D’ici à l’an 2022, un levier de développement durable adopté par les acteurs, participant activement à la réduction de la pauvreté et attractif sur le plan international. »
Wilfried Léandre HOUNGBEDJI