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Rapport du Fmi sur Icc Services : Ce qu’il faut savoir de « l’arnaque financière » au Bénin
Publié le jeudi 18 juin 2015  |  La Presse du Jour
Janvier
© aCotonou.com par DR
Janvier Yahouédéhou candidat RB pour les elections legislatives




La déclaration de l’honorable Janvier Yahouédéhou, le mardi 09 juin 2015, à l’Assemblée nationale, a plus que jamais relancé le dossier des structures de collectes illégales d’argent au Bénin, notamment celle d’Icc Services. Depuis, le député de la Rb-Rp et l’Agent judiciaire du Trésor, Sévérine Lawson, jouent au ping-pong. Chacun tire le drap de son côté dans ce dossier. Mais au-delà de cette polémique, il est bon de savoir de quoi retourne effectivement ce dossier. Et la source indiquée pour le savoir, jusqu’à nouvel ordre, est le rapport que le Fonds monétaire international (Fmi) a réalisé sur cette «arnaque financière» du siècle qui a dépouillé, ruiné et tué tant de Béninois. Un rapport réalisé par des experts respectables du monde des finances qui accable plus que jamais le régime en place. Un véritable réquisitoire du Fonds monétaire international sur la gestion de cette affaire par le gouvernement béninois. Evidemment, le gouvernement interpellé par une question orale avec débats sur le sujet, aura l’occasion de s’en expliquer devant la représentation nationale. Pour le moment, voici les bonnes feuilles du rapport du Fmi.
Extraits du rapport du Fmi sur l’affaire Icc Services
«(…) Le Bénin a été victime d’une escroquerie d’envergure montée suivant le modèle de Ponzi et pyramides utilisés dans plusieurs pays dans les années 1990 et la décennie passée, notamment en Afrique. La fraude s’est développée de manière insidieuse au sein d’une petite communauté avant de prendre l’ampleur sans entraîner de réaction adéquate de la part des autorités, ni d’interrogations suspectes de la part du public. Le public national a semblé prêt à tomber dans un piège conçu avec intelligence en tissant un réseau de protection et de complicité à tous les niveaux de la société et de l’Etat, et en usant d’un mélange de charme et d’intimidation. Les services de l’Etat n’ont pas été proactifs mais ont réagi au cas par cas, ce qui a permis à la fraude de prendre l’ampleur qu’elle a eue en mettant efficacement à profit la période de plus de deux ans prise par les autorités, avant de prendre les premières mesures pour circonscrire le mal (…). (…) Le montant des fonds collectés illégalement par les structures opérant hors agrément tel qu’évalué en date du 3 septembre 2010, à partir des déclarations sur base volontaires reçues par le ministère de l’économie et des finances (le Comité de suivi), s’élève à FCfa155,6 milliards, pour 149.639 déposants recensés (…).
Les structures de collecte illégale ont progressivement
agi au grand jour
(…) «Elles ont engagé des campagnes de publicité, en sus d’actions médiatiques de toute sorte, y compris dans le domaine de l’humanitaire ou du caritatif afin de faire connaître ou d’afficher une image respectable. Tel a été en particulier le cas d’ICC Services (et de 4 à 5 entités lui sont liées), entreprise qui est demeurée le principal collecteur de dépôts. Selon les témoignages recueillis, ICC Services n’hésitait pas à contribuer à des manifestations publiques et à s’attirer les faveurs de personnalités et de hauts responsables de l’Etat. Les animateurs de ICC Services menaient par ailleurs grand train de vie à la vue de tous, notamment des autorités ; ils disposaient d’agents de sécurité et gardes de corps auxquels le ministre de l’intérieur avait donné des permis de port d’armes. Pour justifier le versement d’intérêts dépassant 10% par mois, voire bien plus, ce qui est extravagant même pour des personnes sans éducation (et alors que les taux créditeurs dans les établissements agréés sont de 3 à 5%), les structures de collecte évoquaient des placements dans des activités à hauts rendements (par exemple des nouveaux gisements miniers) ou dans de nouvelles technologies. Ces structures se paraient d’attributs de la modernité, évoquant par exemple l’«E-business ». D’autres avançaient qu’elles souhaitaient encourager le développement du Bénin ou bien faire œuvre charitable en aidant les personnes modestes à améliorer leur sort. L’énoncé de la dénonciation de quelques unes de ces structures permet d’appréhender le mélange surprenant de charité et d’innovation qu’affichaient ces structures. (…)
Les activités des fraudeurs tombaient sous le coup de la loi
Les activités de collecte de dépôts menées sans agrément sont illégales
Contrairement à ce qu’ont pu avancer certains des animateurs des structures proches de ICC Services ou leurs conseils, les activités des collecteurs de dépôts ne sauraient être assimilées à de l’intermédiation financière en vue de placements (laquelle serait peu ou pas réglementée au Bénin). Les collecteurs offraient en effet des taux fixes, préétablis, objet de paiement selon des échéances prédéterminées (ce qui caractérise le dépôt). Ils collectaient des fonds pour leur propre compte, et n’agissaient pas au vu d’un mandat reçu d’une quelconque société de placement agréé. Quand à l’argument selon lequel il se serait agi d’«E-business », il est totalement sans fondement, car les dépôts étaient effectués en espèces, de la main à la main, et aucun ordre n’était transmis sur un marché financier via internet.
1-4 Les alertes et les réactions
Les premières alertes sont intervenues dès le début de l’année 2009
En effet, comme dans tout activité frauduleuse, les fonds, en particulier ceux collectés en espèce comme ce fut majoritairement le cas dans l’affaire ICC, transitèrent à un moment donné dans le système bancaire. En l’occurrence, les structures de collectes ont effectué des versements en espèces, opéré des retraits, ordonné des virements, parfois même en cascade, alors que la réalité de leur activité économique n’était pas connu des teneurs de compte. D’après les déclarations de certains banquiers, recueillies par la mission lors de d’une réunion à l’Association professionnelle des banques et des établissements financiers (Apbef), certains établissements décidèrent de clore des comptes qui leur paraissaient suspects, tandis que d’autres les ont conservés (parfois à la demande des agents des guichets mécontents de perdre des clients), ou accueillir les comptes fermés par leurs confrères.
Des banques constatèrent également dans leurs livres des retraits de dépôts de la part de leurs clients qui les versaient ensuite dans les structures de collecte illégale.
De même, fin 2008 et début 2009, certaines institutions de microfinance relevaient que les entreprises de collecte non agréées leur faisait concurrence et que certains déposant retiraient leurs fonds, parfois même en dénonçant des dépôts à terme quitte à supporter le coup du délit. Elles en firent état à leur groupement professionnel (Consortium Alafia).
Les organisations professionnelles auraient d’abord agi de manière informelle auprès de leur tutelle.
Les représentants de l’Apbef et du Consortium Alafia ont indiqué à la mission que, dès les premiers mois de l’année 2009, ils avaient signalé oralement les agissements des collecteurs à leurs autorités de tutelle (Bceao, cellule de surveillance des structures financières décentralisées du ministère des finances) ou bien à des représentants de l’Etat (par exemple la direction du Consortium Alafi affirme s’être entretenue en février 2009 avec un haut responsable du ministère de la microfinance).
Des démarches formelles ont suivi
Alors que les campagnes médiatiques des entreprises de collecte illégale ne pouvaient avoir échappé à personne, l’Apbef écrivit le 4 août 2009 au Directeur national de la Bceao pour lui faire part des pratiques illicites et des risques que cela comportait pour le secteur financier. La Bceao convoqua alors pour le 17 août 2009, les responsables des principales structures. Ceux-ci ne s’étant pas présentés, la Bceao les requis par voie d’huissier le 21 août. Il fut déclaré aux personnes présents qu’elles agissaient dans l’illégalité et qu’il convenait, soit d’interrompre leurs activités, soit de solliciter in agrément, ce à quoi certains se seraient engagés. Le Directeur national adressa alors un rapport au ministre de l’économie et des finances (avec copie au gouverneur de la Bceao).
Les autorités de l’Etat ont été informées
Selon les déclarations recueillies auprès des autorités, le ministre de l’économie et des finances a sollicité auprès du ministre de l’intérieur et de la sécurité, l’intervention de la force publique pour faire cesser les opérations illicites de collecte. Ce dernier aurait objecté, ne pouvoir agir sans autorisation de l’autorité judiciaire. Saisi en janvier 2010, le ministère de la justice aurait répondu que les activités développées par les collecteurs de dépôt non agréés ne tombaient sous le coup d’aucune interdiction. Toujours selon les informations communiquées à la mission, le substitut du procureur chargé d’enquêter sur le cas des structures de collecte aurait reçu de son supérieur le procureur général, l’instruction d’abandonner les poursuites. Ce dernier aurait affirmé à son ministre ne disposer d’aucune base légale pour agir à l’encontre des collecteurs non agréés. Il est vrai que le procureur général est soupçonné d’avoir été rétribué comme conseil par ICC Services.
D’autres alertes ont été tentées mais sans résultat
Alors qu’au cours des derniers mois de 2009, la collecte illégale avait pris une ampleur qui ne pouvait échapper à personne, différentes initiatives des professionnels ou d’autorités publiques demeurent sans effet sur l’entreprise d’escroquerie qui continuait de se développer dans le pays ;
Le groupement Consortium Alafia publia, le 10 février 2010, un communiqué de presse dénonçant les dangers des opérations proposées par les structures de collecte illégale. En réponse, les animateurs de ces dernières dénoncèrent dans les journaux les agissements de concurrents jaloux.
A l’occasion de réunions ou de conférences tenues en présence des autorités de supervision, la question des agissements illégaux et de leur danger fut évoquée sans que suite y fut donnée.
En février 2010, la Centif reçu les premières déclarations de soupçons relatives aux opérations des structures illégales. Aucune action immédiate ne fut engagée.
Le 8 avril 2010, le Padme, la deuxième institution de microfinance par la taille écrivit au ministre des finances ainsi qu’à celui de la microfinance, pour les alerter sur les agissements des collecteurs illégaux de dépôt et pour requérir leur intervention.
Le 27 avril 2010, le ministre de l’économie et des finances demandait la publication dans la presse et dans les médias d’Etat de communiqués alertant les populations contre les placements de fonds dans les entités non agrégées (institutions de microfinance ou structures de collecte illégale). En réponse à ces communiqués, il a été déclaré à la Mission que des déposants manifestent contre ce qui était considéré comme un obstacle mis au développement du bien-être de la population.
Le 21 mai 2010, se tint au ministère de l’économie et des finances une réunion avec toutes les autorités intéressées par l’affaire (Conseiller du ministre, Coordonnateur de la Cellule de surveillance des structures financières décentralisées, Directeur des affaires monétaires, représentants du ministre de la microfinance, Directeur national de la Bceao, Présidente de la Centif, associations professionnelles). Différentes mesures furent décidées ; aucune ne fut apparemment mise en œuvre avant la réaction des pouvoirs publics du 26 juin 2010. (…)
3-Les réponses des acteurs face à la fraude
(…)
3.2.2 Les autres services de l’Etat
Les services de sécurité se sont montrés gravement défaillants. Ces derniers auraient dû être informés du retour de l’escroc Akplogan er en aviser le service du ministère de l’intérieur enregistrant les associations et leurs responsables. L’individu aurait dû être surveillé, surtout lorsque les activités de la société Icc Services qu’il avait créée prenaient de l’ampleur.
Les services du ministère de l’intérieur auraient dû détecter les offres de placement assorties de taux extravagants, et se rendre compte qu’il ne pouvait s’agir que du support d’escroqueries. A défaut, de pouvoir se faire une opinion, le ministère aurait pu en saisir le ministère des finances et la Bceao. Il pouvait également consulter la loi bancaire et s’apercevoir que les activités publiquement développées par les collecteurs non agréés tombaient expressément sous le coup de dispositions pénales spéciales de la loi bancaire, ce qui pouvait justifier des mesures immédiates de sûreté, conjointement à la saisie du Parquet.
Les services judiciaires et ceux de la Chancellerie ont été défaillants au plus haut niveau.
Ils ont été défaillants non seulement en raison de la collusion possible d’un haut magistrat avec un des véhicules de l’escroquerie, mais également par leur incapacité à analyser des opérations illicites d’une grande simplicité (au-delà du jargon utilisé par les fraudeurs), au regard d’une disposition pénale d’une loi communautaire, dont la réaction n’offre pas de prise à l’interprétation. De plus, des Parquets auraient pu se saisir eux-mêmes de violations publiques, répétées et manifestes de la loi, en dehors de l’intervention du ministère des finances.
Il faut en conclusion souligner l’aveuglement et l’apathie coupables de l’ensemble des services de l’Etat devant des entreprises financières menées au grand jour et qui ne pouvaient être, aux yeux de toute personne dotée de raison, que crapuleuses et vouées à provoquer la perte des sommes déposées par le public, voire des troubles à la paix civile. Ceci dénote un manque de repères et de valeurs morales aussi bien dans le public que de la part des institutions étatiques en charge de veiller à sa protection…».
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