La politique, c’est un jeu de rapport de forces. Et la tournure que prend le débat sur la révision ou non de la Constitution, démontre que des crispations se profilent et chacun des camps en présence fourbit d’autres armes. Mais on notera avec un sentiment de délivrance, que l’Eglise catholique s’est finalement démarquée.
Suspectant une énième forfaiture contre le « peuple souverain », l’Eglise catholique tire enfin la sonnette d’alarme. Elle s’est débarquée sans fioritures, et avec une clairvoyance respectueuse et salutaire. Au fond, elle vient de se dédouaner d’éventuelles fâcheuses conséquences historiques. Le président de la République a tord de répondre et de chercher des arguments pour sortir des accusations. La Conférence épiscopale ne l’a d’ailleurs pas nommément accusé d’être responsable de quoi que se soit. Au-delà donc du geste de la Conférence épiscopale, si tant est que le président est soucieux du mieux-être des Béninois, il devrait alors entendre raison, et écouter cette partie de la population qui crie. Car, les responsables de l’Eglise se sont simplement faits porte-parole de l’écho d’un grondement qui sourd. Un grondement qui finira, s’il n’est circonscrit à temps, par nous exploser à la figure. Marx disait que « l’Eglise est l’opium du peuple ». Et bien, l’Eglise béninoise, tout en évitant toute forme de dramaturgie inutile, vient de démontrer le contraire. Elle s’implique, et d’une façon à régler définitivement le problème. D’abord en posant un diagnostic clair du « malaise » qui met à mal la vie des Béninois et bouleverse presque tout dans le pays. « En ces moments difficiles où notre vivre ensemble est mis à l’épreuve, nous avons mal au cœur que notre patrie, notre premier bien commun, présente à la face du monde l’image d’un pays de turbulences et de violences inutiles, d’empoisonnements et de complots douteux, d’arrestations et d’emprisonnements fortement contestés », écrivent-ils. Un peu plus loin citant les mots très précieux de Benoît XVI, les évêques rappellent : « Chaque peuple veut comprendre les choix politiques et économiques qui sont faits en son nom. Il saisit la manipulation, et sa revanche est parfois violente. Il veut participer à la bonne gouvernance ». Les Evêques n’ont pas cherché de bouc émissaire. Ils ont d’une façon objective et distancée, décrit les antagonismes et les fondements de la crise. Ce qui est sûr, Yayi ne peut dénier que les Béninois vivent mal. Même si certains critères économiques sont bons et encourageants, la souffrance et les autres difficultés de l’existence sont le quotidien des Béninois. De plus, même si tout le monde ne crie pas, c’est-à-dire les profiteurs du régime, d’autres crient. Il suffit juste pour s’en convaincre, d’écouter les émissions interactives sur nos différentes radios, ou de faire un tour dans les différents marchés de la place.
Le spectre de la violence
En tant que Chef, Yayi Boni doit donc écouter leur cri de cœur. La politique de l’autruche est une fuite en avant, et aura des revers malencontreux pour le pays. Il faut que ce projet de révision qui fondamentalement n’apportera rien de nouveau au mieux-être des populations, soit abandonné au nom de l’intérêt général. Cet abandon, serait, sans faux jeu de mots, une « excuse » pour la nouvelle équipe gouvernementale de s’atteler à la reconstruction. En d’autres termes, pour un chef d’Etat qui ne veut pas se représenter, le chômage qui ploie les jeunes béninois sous son joug féroce, doit empêcher le président de dormir.
L’échec successif des différentes campagnes cotonnières depuis 2006, et la ruine de la filière devraient aussi l’occuper. Mieux, Yayi Boni doit davantage se préoccuper de son bilan, et trouver les moyens d’effacer les effets des scandales dévastateurs dont la Refondation et le Changement ont été la marque de fabrique. Les erreurs sont permises, surtout en politique. Mais, on peut toujours se rattraper. Il ne faut pas qu’on se voile la face. Il y a un spectre qui nous guette : les coups de feu, la fuite, et la violence fratricide qui ont finalement mis fin aux crises ivoirienne et malienne, sont encore vivaces dans les mémoires. Le Bénin traverse une période de tension, et est au creux des vagues. Il faut éviter le pire.