Cotonou - Le banquier d’affaires franco-béninois Lionel Zinsou, une personnalité clé des relations entre la France et l’Afrique, a été nommé Premier ministre du Bénin à la surprise générale, à moins d’un an de la fin du mandat du président Thomas Boni Yayi.
Dans la classe politique de ce petit pays côtier d’Afrique de l’Ouest, certains se demandaient vendredi s’il ne s’agissait pas de positionner M. Zinsou, 60 ans, comme futur dauphin du chef de l’Etat. Le premier tour de la présidentielle est prévu en février 2016.
"Le gouvernement de la République du Bénin est composé comme suit: Premier
ministre chargé du Développement économique, de l’évaluation des politiques
publiques et de la promotion de la bonne gouvernance, M. Lionel Zinsou", a lu
jeudi soir Alassani Tigri, secrétaire général du gouvernement, sur la
télévision nationale.
M. Zinsou, normalien, neveu de l’ex-président béninois Émile Derlin Zinsou,
dirigeait depuis 2009 l’un des plus gros fonds de capital-investissement
d’Europe, PAI Partners, après être passé par le cabinet du Premier ministre
français Laurent Fabius et la Banque Rothschild notamment.
PAI Partners a annoncé que M. Zinsou avait été remplacé par Michel Paris au
poste de président du comité exécutif, mais restait en lien avec le fonds en
occupant la fonction de vice-président du conseil de surveillance.
Ennemi de l’"afro-pessimisme", il préside aussi la Fondation
franco-africaine pour la croissance, une institution créée en décembre 2013
pour dépoussiérer les relations économiques entre la France et le continent
africain.
Le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius a salué la
nomination de cette "personnalité remarquable", dont "les compétences et
l’expérience internationale (...) seront de solides atouts pour le
développement et le rayonnement du Bénin".
- Dauphin de Boni Yayi? -
M. Zinsou a joué un rôle clé lors de la table ronde pour le financement du
développement économique du Bénin, en juin 2014 à Paris, où des bailleurs de
fonds publics et privés se sont engagés à hauteur de 12.000 milliards de
francs CFA (soit environ 18,24 milliards d’euros), a rappelé M. Tigri.
"Il est heureux qu’il soit aujourd’hui Premier ministre parce que,
justement, il va apporter sa contribution pour la mise en oeuvre effective des
intentions de contribution que les partenaires ont annoncées à la table ronde
de Paris", a poursuivi le secrétaire général du gouvernement.
Mais les spéculations vont déjà bon train après la nomination de M. Zinsou
à la tête du nouveau gouvernement, qui compte 28 membres.
"On ne saurait lire dans la tête de Boni Yayi. Mais la nomination de Lionel
Zinsou, c’est comme si on voulait nous imposer un homme. Il est certainement
très apprécié mais il ne peut pas espérer être le dauphin de notre leader",
assurait vendredi un proche du pouvoir.
Pour l’éditorialiste Adrien Amoussou, cela ne fait pas de doute: "Boni Yayi
veut positionner (M. Zinsou) pour la présidentielle".
Souvent accusé par l’opposition de vouloir "tripatouiller" la Constitution
pour se représenter l’an prochain, le président Boni Yayi, dont le troisième
mandat s’achève début avril 2016, a juré à plusieurs reprises que son nom "ne
figurerait plus jamais sur aucun bulletin" de vote.
L’évolution politique récente a placé le chef de l’Etat, au pouvoir depuis
2006, dans une position inconfortable. Son parti, le FCBE (Forces Cauri pour
un Bénin émergent), a remporté les législatives en mars, mais sans la majorité
absolue. Et l’opposant Adrien Houngbedji, son principal adversaire à la
présidentielle de 2011, a été élu en mai à la tête de l’Assemblée nationale.
Dans tous les cas, souligne l’éditorialiste Vincent Foly, le nouveau
Premier ministre dispose de peu de temps pour mener à bien de vraies réformes
économiques dans le pays, où est attendu en juillet le président français
François Hollande.
"A moins de neuf mois de la fin de mandat, on ne peut rien attendre de (M.
Zinsou) au Bénin, même s’il est connu dans les milieux politiques français",
assure le patron du quotidien privé béninois La Nouvelle Tribune.
Le tranquille Bénin se soucie aussi de la situation sécuritaire dans la
région: voisin du Nigeria, le géant anglophone, le pays doit participer à la
force militaire régionale chargée de combattre le groupe islamiste nigérian
Boko Haram.
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