Subtilement, depuis le jeudi 18 juin, le ministère de l’Analyse économique, du développement et de la prospective a disparu de la liste du gouvernement. Ainsi, le pays va évoluer de cette date et probablement, jusqu’au 6 avril 2016, sans programmation et sans planification.
Les locaux qui abritaient le ministère de l’Analyse économique, du développement et de la prospective demeurent bien dressés dans les encablures du ministère des Affaires étrangères. Le personnel qui y travaille, quoique à l’étroit, est aussi disponible pour définir, suivre et évaluer les politiques nationales. Seulement, au nombre des 28 appelés à servir au nouveau gouvernement du président de la République, aucun ne semble avoir l’étoffe pour continuer l’analyse économique et assurer la planification et le suivi des programmes.
Sinon, c’est vraiment surprenant, que dans une écurie où il a été possible de mettre à l’épreuve la stabilité institutionnelle entre le ministère de l’Hydraulique et le ministère de l’Energie et de l’eau, que l’on ne soit pas arrivé à maintenir un département qui se chargerait de la planification et de la prospective. De même, quand on annonce que les béninois ont eu droit, le jeudi 18 juin dernier, à un gouvernement de combat, c’est assez curieux d’observer que dans la formation de cette équipe, on ait renoncé formidablement à un poste stratégique que celui du ministère du Plan ? Il est certain qu’on ne veut pas donner raison à ceux qui pensent que le régime se soumet à une « navigation à vue ». Mais, sans boussole, comment veut-on gouverner ? Quels sont les résultats que l’on veut atteindre ? Ce sont des interrogations qui taraudent l’esprit dont on ne peut, de sa position d’observateur, avoir toutes les clefs d’analyse.
Les arguments qui limitent à la suppression
C’est en cela que d’aucuns se souviennent qu’à l’avènement du Programme d’ajustement structurel (PAS), dans les Etats au sud du Sahara, il a été révélé que les ministères du Plan ont montré leur limite. Alors, les Institutions de Brettons-Wood ont décidé de planifier avec ces Etats leur politique de développement. De là, à quoi bon un ministère si les programmes à exécuter viennent d’elles avec les financements adéquats ? Toutefois, de plus en plus, on est dans une dynamique participative et ces institutions internationales attendent un minimum d’effort de planification des Etats du Sud. En ne prévoyant pas un poste ministériel pour répondre à cette attente, le pays montre visiblement, qu’il n’en fait plus une priorité.
D’autres trouvent qu’il faille bien lire les dénominations des ministères, notamment celle du 1er ministre : « Premier ministre chargé du Développement économique, de l’évaluation des politiques publiques et de la promotion de la bonne gouvernance ». Il y a bel et bien pour ces analystes, un ministère consacré à la planification et à la prospective. Un regard rétrospectif rappelle que ces dénominations ne sont pas une innovation et ont déjà leur contenu. Antonin Dossou, jusqu’au jeudi 18 juin dernier, était « ministre chargé de l’Evaluation des politiques publiques, de la promotion de la bonne gouvernance et du dialogue social ». Et bien avant ce dernier, Pascal Irenée Koupaki, cumulait son portefeuille de 1er ministre avec celui des programmes de dénationalisation. Mieux, pour définir le champ d’action du 1er ministre, on le limite à la mobilisation des ressources et au suivi de la table ronde de Paris, pour lequel un conseil des ministres a déjà créé l’Agence des grands travaux, à cet effet. Finalement, où est logé le ministère de la Planification et de la prospective ?
Aucun péril en la demeure, soutiennent d’autres encore. Car, au sein de chaque ministère il y a une direction de la programmation et de la prospective. Les politiques sectorielles seront suivies et conduites à bon escient. Alors vient la question de l’évaluation de la Stratégie de croissance pour la réduction de la pauvreté qui prend fin cette année. A qui reviendrait-il de l’organiser ? Les cadres dans un bâtiment sans dénomination ? Même interrogation pour l’évaluation à mi-parcours de Bénin Alafia 2025.
A moins que l’on veuille compter sur le ministère des OMD et ODD, dont la survie après le régime n’est pas évidente et a aussi besoin du ministère du Plan, pour évoluer dans ses planifications.
Finalement, où va le Bénin sans un ministère de souveraineté comme celui de l’Analyse économique, du développement et de la prospective ? Assurément, à la fin d’un règne qui n’a ni besoin de programmation, encore moins de planification.
Vadim QUIRIN