En prélude à l’arrivée au Bénin du président français, François Hollande, le 2 juillet 2015, l’ancien chef de la Diplomatie béninoise, Nassirou Bako Arifari s’est prêté à nos questions. Il a entre autres parlé des relations entre les deux pays et du niveau de préparation de la visite.
Monsieur le ministre, le Président de la République française est attendu au Bénin le 02 juillet 2015 pour une visite d’Etat. Quel est le sens de cette visite pour le Bénin ?
Nassirou Bako Arifari: La visite du président François Hollande, le 02 juillet 2015 est une grande marque de considération pour l’action de la diplomatie béninoise, l’action du Chef de l’Etat. Vous savez, le président Hollande avait promis cette visite depuis 2012, disons l’année au cours de laquelle le Bénin avait assuré la présidence en exercice de l’Union Africaine. On se rappelle le combat que le Bénin a mené pour la mobilisation de la communauté internationale en vue d’organiser une riposte contre les terroristes qui avaient occupé le nord du Mali et vous savez le rôle que la France a joué. Le président Boni Yayi a été le premier à lancer un appel aux pays membres de l’Otan, à d’autres puissances militaires au plan international pour intervenir et aider à régler ce problème. En dehors de cela, vous connaissez aussi le rôle que le Bénin joue aujourd’hui à la tête de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa) dont il assure la présidence. Il y a également beaucoup d’autres avancées de la diplomatie béninoise et nous avons mené différentes actions en ce qui concerne la lutte mondiale pour l’abolition de la peine de mort. Le Bénin est partenaire actif du gouvernement français en la matière et le Bénin pour terminer, c’est le pays modèle de démocratie qui est toujours magnifié dans le cadre de la gouvernance démocratique globale sur le continent africain. Cela est une source de fierté pour l’ensemble de la communauté internationale dont la France.
Alors qu’est-ce que le Bénin peut espérer de cette visite du Chef de l’Etat français au Bénin ?
Ce qu’on peut espérer, c’est d’abord le renforcement de la coopération et du dialogue politique entre le Bénin et la république française. Ensuite, c’est une occasion d’évoquer certains grands dossiers brulants aujourd’hui au plan international et au plan africain. C’est également l’occasion d’évoquer certaines questions d’ordre économique. Vous savez, le Bénin est l’un des pays disons de solidarité prioritaire, c’est-à-dire pays de concentration de l’aide de la coopération française et donc, à cette occasion bien attendue il y aura un tour d’horizon et éventuellement la signature, il est prévu la signature d’un accord de FINANCEMENT sur un certain nombre de choses.
Quelle place la France occupe au Bénin en terme de partenariat économique ?
La France vient aujourd’hui en bonne position en termes d’échanges si on doit considérer les échanges commerciaux. Le flux des échanges commerciaux et autres, je pense que la France arrive derrière l’Inde et la Chine. La France fait partie des trois premiers grands partenaires économiques et commerciaux du Bénin avec l’extérieur.
Alors quels sont les domaines d’intervention de la France au bénin ?
La Coopération française intervient dans plusieurs domaines. Je précise que nous avons un document cadre de partenariat qu’on appelle le DCP dont la première version avait été signée en 2005, renouvelée par la suite. Je pense que le dernier renouvellement, disons du DCP donc ( Document cadre de partenariat) fait en novembre 2013, et dans ce cadre la France s’est engagée à apporter pour la période 2014-2016 une contribution de cent deux millions d’euro (102.000.000€) pour le développement dans notre pays qui sont environ soixante sept milliards de francs FCFA ( 67 000.000.000FCFA). Les domaines prioritaires d’utilisation de cette aide sont d’abord le domaine de la gouvernance démocratique, économique et financière sans bien entendu tout ce qui a rapport à la gouvernance politique, tout ce qui a rapport à la gouvernance locale, à la décentralisation, tout ce qui a rapport à la coopération militaire, à la sécurité et autres, et puis tout ce qui a rapport bien entendu à l’appui d’un certain nombre de secteurs pour assurer un équilibre macro-économique plus solide et favoriser la croissance économique dans notre pays. Un autre grand axe, c’est disons le développement durable pour le secteur des infrastructures, infrastructures énergétiques, secteur de l’agriculture, la sécurité alimentaire et bien d’autres dimensions et qui renvoient à cette étiquette de développement durable, englobant beaucoup d’autres aspects. Il y a aussi des secteurs qui ne sont pas des secteurs de concentration en tant que tels mais des secteurs ou intervient la coopération française de manière décisive. D’une manière ou d’une autre, c’est le secteur de l’éducation, de la formation professionnelle et ensuite le secteur de la santé, le secteur de l’approvisionnement en eau potable etc.…. Donc la France intervient dans beaucoup de secteurs et accompagnent, le développement de notre pays.
Est-ce qu’on peut dire que le Bénin constitue un partenaire privilégié ou stratégique pour la France ?
Etant membre du pré-carré des pays de concentration de l’aide française, je pense que le Bénin fait partie donc des pays privilégiés, il y a deux instruments le fond de solidarité prioritaire, il y a l’agence française de développement qui sont des instruments d’intervention de la coopération française des différents pays prioritaires qui bénéficient de ces deux instruments, et donc on peut considérer que le Bénin fait partie des pays privilégiés en la matière. En termes d’opportunités stratégiques, on ne peut pas douter de la position majeure de notre pays. D’abord c’est un pays côtier, mais surtout un pays très frontalier avec le grand Nigéria à l’Est et quand on sait tout ce qui se passe aujourd’hui dans la sous- région en terme d’insécurité notamment les menaces de Boko Haram qui écument un certain nombre de pays comme le Nigéria, le Niger, le Tchad et le Cameroun et que dans cette zone on connait beaucoup de turbulences politiques également au Burkina Faso, peut être dans d’autres pays le Bénin apparait comme un pays stable et comme un pays havre de paix, un pays de grande stabilité politique, de grande stabilité sécuritaire, un pays donc qui de part cette position bien entendu compte, et de ce point de vue, le Bénin reste un pays stratégique et dont l’exemple peut faire tache d’huile. C’est en cela que notre pays reste toujours stratégique pour la France.
Alors quels sont les axes centraux de coopération bilatérale qu’ils ont abordés au cours de cette visite du président François Hollande ?
Au cours de cette visite du président François Hollande, les questions d’ordre politique, du dialogue politique, des questions internationales, des questions ayant rapport avec la gouvernance mondiale, diverses questions seront abordées, des questions en rapport avec les accords de partenariat économique entre le Bénin et l’Union Européenne, les questions en rapport aussi avec la sécurité, les problèmes de terrorisme , les problèmes de sécurité collective dans l’ensemble de la sous-région et on sait comment la France est engagée dans la sous – région, en appui aux Etats. Je pense que la question de la Force multinationale mixte à former pour mener les ripostes contre Boko Haram ,stabiliser les sous régions ouest africaine et anticiper sur les questions de terrorisme et consorts. Ce sont des questions qui seront à l’ordre du jour et bien entendu des questions économiques. Vous savez, il ya beaucoup de groupes français qui, interviennent au Bénin, donc il ya des intérêts français notamment le groupe Bolloré au Port autonome de Cotonou et d’autre groupes français qui interviennent ici, lorsque le président français voyage et c’est toujours avec des hommes d’affaires. Il est prévu par exemple une visite au port autonome de Cotonou , entre autres, il ya aussi que la France soutient un programme de recherche qui a fait des avancées en ce qui concerne la possibilité de finalisation d’ un vaccin contre le paludisme chez la femme enceinte , et c’est à à l’Université d’Abomey Calavi que cela se fait. Je crois que c’est des éléments qui pourraient servir de modèles. Il y aura un volet politique ; je pense que le programme est en discussion présentement entre la partie française et la partie béninoise, les précurseurs français sont déjà à Cotonou et donc les échanges se poursuivent pour finaliser le programme de la visite du président Hollande.
Est-ce qu’on peut dire que la visite du président Hollande est une prime à la démocratie béninoise ?
R : Si vous voulez, une prime à la démocratie béninoise, une prime d’ensemble à la stabilité de notre pays, une prime au modèle politique que nous représentons et surtout une reconnaissance pour l’action du président Boni Yayi qui a toujours déclaré qu’il respectera la constitution de son pays, qu’il ne fera absolument rien pour modifier de manière opportuniste pour rester après son mandat. Je pense que le Chef de l’Etat Boni Yayi mérite d’être encouragé sur cette prise de position comme celle-ci.
Avant de vous poser la dernière question, est-ce qu’on peut dire après 55 ans d’indépendance que le Bénin s’est vraiment affranchi de la partie mère ?
Le Bénin depuis 1960, depuis le 1er aout 1960 est un pays indépendant et souverain. Bien entendu, la rupture radicale n’a pas été l’option de l’élite politique béninoise post interdépendance. C’est une transition politique douce de la période coloniale à la période des indépendances et on a la période révolutionnaire. Il y a eu des moments de tensions avec la France, mais je dois vous dire que le Bénin ne demande pas à l’Elysée l’autorisation de prendre des positions sur des questions politiques, de politique internationale, sur des questions de politique africaine , ou de politique régionale. Mais c’est un partenariat politique, c’est une coopération politique et le monde est interdépendant. Aucun pays au monde aujourd’hui ne peut vivre en autarcie et de ce point de vue, nous continuons à garder des rapports politiques diplomatiques très cordiaux avec la France et la France reste toujours un pays de référence pour nous, un pays de grande démocratie, un pays qui a une place centrale dans la gouvernance mondiale, un pays qui compte et c’est l’un des cinq grands du Conseil de sécurité des Nations Unies. Donc la France reste un partenaire privilégié pour nous, comme les Etats-unis d’Amérique , comme la Chine bien entendu et peut être d’autres pays encore.
Sous l’ère du président Boni Yayi, deux chefs d’Etat du G7 ont effectué des visites officielles au Bénin qui constituent une prouesse bien sûr pour la diplomatie béninoise. Quel est le prochain chef d’Etat du G7 qui sera au Bénin ?
Deux chefs d’etat du G7 sont arrivés au Bénin. Notre plus grand souhait vous savez, les visites d’Etat disons-le, se discutent et se préparent à longue date ; et je sais que nous avons engagé des échanges avec un certain nombre de pays avec les grandes puissances de ce monde pour les visites ici au Bénin. Je ne veux pas me hasarder à dire que ce serait tel pays très prochainement, mais je dois dire qu’avec l’Allemagne les échanges, les préparations ou les préparatifs sont assez avancés et nous espérons peut être qu’après Hollande, ce serait madame Angela Merkel.
Monsieur le ministre, votre mot de fin
Mon mot de fin, c’est dire que le Bénin se prépare à accueillir un grand homme d’Etat, le président François Hollande. Que le peuple béninois, que l’ensemble des forces vives de notre pays se mobilisent pour réserver un accueil digne du nom à notre illustre hôte. Je pense qu’il est fondamental et nous savons que le Bénin est un grand pays d’hospitalité, de bon accueil et Akwabo président Hollande. Nous saurons le dire, Président Hollande, Nankayo !
Propos recueillis par Matin Libre