Qui va succéder à Boni Yayi en 2016 ? C’est la question que tout le monde se pose à huit mois de la prochaine présidentielle. Pendant longtemps, plusieurs noms sont cités parmi les proches du Président sortant comme de probables dauphins. Mais depuis la nomination de Lionel Zinsou au poste de Premier ministre, les débats ont commencé par prendre une autre tournure. De quoi semer la panique au sein des candidats de l’opposition qui n’avaient plus de doute sur l’alternance au pouvoir en 2016.
L’arrivée de l’économiste Lionel Zinsou sur l’échiquier politique national risque de briser le rêve non seulement des candidats proches du pouvoir mais aussi et surtout ceux de l’opposition. Certains considèrent déjà cette révolution comme une provocation, un manque de confiance ou une trahison de la part d’un leader qu’ils ont servi avec fidélité et loyauté pendant des années.
Le jeune ministre de l’économie et des FINANCES Komi Koutché croyait être positionné comme dauphin de Boni Yayi, après avoir raté de justesse le poste de Président de l’Assemblée nationale. Pour le moment, il ne pourra que se contenter de la prime de ministre d’Etat. Son collègue François Abiola chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique, qui nourrissait aussi des ambitions, a aussi été primé du titre pompeux de vice-Premier ministre. Parmi les autres probables dauphins, on cite aussi un proche parent du Chef de l’Etat, Yacoubou Bio Sawé, directeur de cabinet du Président de la Boad (Banque ouest africaine de développement). Son nom a circulé pendant longtemps comme l’homme de confiance du Chef de l’Etat.
La nomination de Lionel Zinsou vient couper l’herbe sous les pieds des probables candidats qui rêvent de succéder à Boni Yayi. Il y a quelques mois, nombreux parmi eux n’hésitaient pas crier haut et fort pendant leurs meetings et autres manifestations à travers le pays : « Après nous, c’est nous ! ». Ils faisaient ainsi allusion à la victoire du parti au pouvoir (Fcbe : Forces cauris pour un Bénin émergent) à la prochaine présidentielle. Mais leur défaite lors des dernières législatives est un signe annonciateur de leur contre-performance à la veille de la fin du mandat présidentiel.
Rien ne présage aussi de bon pour eux pour les élections municipales, communales et locales du 28 juin prochain. Au cours de la présente campagne électorale, les Fcbe sont pratiquement absents sur le terrain. Même le Chef de l’Etat, qui a mis à contribution son hélicoptère pour battre campagne à travers tout le pays lors des législatives, les a abandonnés cette fois-ci. Faute du soutien de leur leader charismatique, les ténors du pouvoir ou du moins ce qui en reste ne savent plus à quel saint se vouer.
Et le parachutage de Lionel Zinsou à la tête du gouvernement est un signe annonciateur. Après avoir vociféré pendant des mois « Après nous, nous ! », certains commencent déjà par penser : « Après lui (Yayi), c’est lui (Zinsou) ! ».
Premier ministre « Made in France »
La nomination de Lionel Zinsou ne laisse pas indifférents les candidats de l’opposition et les indépendants. Même si personne ne doute de ses compétences, de sa crédibilité et sa probité, certains le considèrent déjà comme un concurrent de taille pour une éventuelle candidature en 2016. L’un de ses handicaps est qu’il est très peu connu de ses compatriotes surtout les masses populaires des villes et des campagnes du Bénin. Beaucoup de ses détracteurs lui reprocheront d’avoir flirté avec le régime de Boni Yayi dont l’image est ternie par de nombreux scandales.
Au premier tour du scrutin, le candidat Zinsou sera probablement confronté à des challengers tels que Abdoulaye Bio Tchané, Pascal Irénée Koupaki, Eric Houndété, Emmanuel Golou, Fernand Amoussou, Joseph Djogbénou, Mathurin Nago, Richard Sènou, Robert Gbian, Janvier Yahouédéou, Léhadi Soglo, Daniel Edah, Edgar-Yves Monnou, Célestine Zanou…
Sans avoir déclaré sa candidature, Lionel Zinsou fait déjà l’objet de critiques et de dénigrements. Ainsi va la politique au Bénin. L’ex Premier ministre devenu Président de la République, Nicéphore Soglo, en sait quelque chose. Même l’ex Premier ministre élu trois fois Président de l’Assemblée nationale Adrien Houngbédji en garde d’amers souvenirs.
Boni Yayi envisagerait d’utiliser les compétences et les relations de l’homme d’affaires pour administrer une thérapie de choc à une économie nationale moribonde et à une gouvernance chaotique afin de terminer en beauté son mandat. S’il arrive à atteindre cet objectif, il n’aura pas de mal à convaincre ce Premier ministre « Made in France » de briguer la magistrature suprême.
Et si la candidature de Lionel Zinsou venait à être confirmée dans les prochains mois, il risque d’être l’ennemi à abattre non seulement par l’opposition mais aussi par ses collègues de la mouvance dont il aurait brisé le rêve de succéder à Boni Yayi.
Ignace FANOU/Le Grand Matin