Expression libre
29 Juin 2015
Tenir face au vent de Machiavel
Share on facebookShare on twitterShare on emailShare on printMore Sharing Services0
(Par Roger Gbégnonvi)
Tu vois, mon cher vieux, quand je te parle, il faut me prendre au sérieux. Ne t’avais-je pas dit qu’il ferait un coup ? Et tu m’avais répondu que non,qu’il était maintenant à plat. Eh bien, tu vois, il s’est regonflé à tout casser. Et j’avoue n’avoir pas prévu que ce serait un coup de cette ampleur. Un coup de tonnerre. Tout le monde à terre. Dans sonpropre camp, ça tremble. Ses conjurés se regardent, écœurés. Ils ne comprennent pas. Dans l’opposition aussi, on a les yeux écarquillés, on s’épie pour savoir quels députés se vendront à lui pour un projet qui n’est peut-être pas celui auquel on croit qu’il travailleavant le moment ultime de son départ du pouvoir. Il a échoué à décrocher cinquante députés et à contrôler le bureau de l’Assemblée. Qu’à cela ne tienne, il va faire du chantage tous azimuts : ‘‘Si vous ne me donnez pas ce que je veux, je vous lâche le nouveau-venu entre les pattes, et il vous ravira la place’’. Bien entendu, ce n’est pas cela. Il n’a pas sorti de son chapeau le promudesRothschild pour le promouvoir, mais pour s’en servir, et ensuite le casser comme une ampoule éclairante dont la lumière l’a toujours gêné. Tout ce qui brille est son ennemi, et s’il embrasse le célèbrebanquier,c’est pour l’étouffer. L’embrassé l’apprendra à ses dépens.
De toute façon, en homme jaloux de son pouvoir, l’embrasseur a donné tout de suite le ton : malgré les titres ronflants distribués à l’encan, c’est lui, et lui seul, qui est aux commandes, et c’est bien ce qu’il est allé démontrergoulument au Port Autonome de Cotonou. Entouré de ses deux premiers ministres et paradant, il a suspendu, sans autre forme de procès, telle taxe qui gênait. Qui aime à payer des taxes ? Personne ! Eh bien, les gars, ne payez plus celle-là ! Ovation. Et il était fier comme Artaban. Ses nombreux ministres d’Etat ont dû apprendre la nouvelle en regardant la télévision. Le décret ou l’arrêté de suspension ? Bof !C’est lui qui commande, et il a commandé. Où est le problème ? Pour l’Inspection Générale d’Etat, il a quand même pris quelque précaution, puisque c’est en Conseil des Ministres qu’il l’a braquée et fusillée. Sans sommation. Ira-t-il jusqu’á réhabiliter les malfrats détectés par la morte IGE ? S’il en arrivait là, ce n’est pas moi qui serai surpris.
Pourquoi agit-il ainsi ? C’est simple : il veut être adulé, et le moyen idoine à ses yeux pour être adulé, c’est la gouvernance démagogique. Il comptait même là-dessus pour un éventuel troisième mandat qui lui aurait ouvert la voie de l’adulation à vie par le biais d’électionsremportées par KO en cascade. C’est raté, mais il espère bien, en dix mois, retourner en sa faveur toute l’opinion, afin de partir avec la mention ‘‘très aduléprésident’’. Bien sûr, ce n’est pas possible, et c’est pourquoi il frappera d’autres coups encore. Lesquels ? Franchement, je ne sais pas. Mais j’en vois clairement les conséquences. N’ayant pas pu installer le chaos final qui aurait pu prolonger son règne comme ce fut le cas pour Gbagbo, il installera le cafouillage au bout duquel les morts qu’il a dans le placard, les scandales ICC-Services, Cen-Sad etc., seront noyés. Il disparaîtradans la nature sans rendre compte de rien, trouvera bien un pays d’asile qui, complicité oblige, refusera de l’extrader. Irrecevable !
Irrecevable oui, mais que faire ? Belle question. Je voudrais que toi au moins tu saches que ceux qui l’ont déclaré fini n’ont pas compris sa vraie nature de fausse copie du bon seigneur La Palice :‘‘Un quart d’heure avant sa mort, il était encore en vie’’. Je veux dire par là que l’homme ne lâchera rien jusqu’au moment ultime. Par conséquentle peuple restera vigilant un quart d’heure encore après ce moment ultime. Pour ne pas s’assoupir, les Béninoisdoivent se souvenir que ‘‘Des hommes dans le temps ont eu cette façon de tenir face au vent’’ ! Ça veut dire quoi ? Ô mon cher vieux, c’est une manière poétique, à la Saint-John Perse, de dire résistance. Il faut résister, il faut tenir face au vent de Machiavel