Une délégation tripartite composée de représentants de la Banque mondiale, du gouvernement, du Projet d’appui à la diversification agricole (PADA), l’une des composantes du Programme cadre d’appui à la diversification agricole (ProCAD), a visité en fin de semaine dernière, plusieurs promoteurs bénéficiant du financement dudit projet. Au terme de cette série de visites, la délégation a pu se convaincre des efforts faits grâce aux investissements effectués et bien évidemment des difficultés rencontrées.
Les étudiants, chercheurs et autres apprenants en sciences agronomiques à l’Université d’Abomey-Calavi disposent désormais, grâce au Projet d’appui à la diversification agricole (PADA), l’une des composantes du Programme cadre d’appui à la diversification agricole (ProCAD) d’un ensemble d’infrastructures modernes pour les travaux pratiques et de recherches. D’un coût estimé à environ 46 millions F CFA, ce joyau a été réalisé et entièrement financé par le projet. Il permettra, selon Philippe Lalèyè, professeur titulaire en hydrobiologie et aquaculture à la Faculté des sciences agronomiques (FSA) des recherches sur la pisciculture et la pêche en général.
Faciliter les recherches à l’UAC
Selon les explications fournies par Philippe Lalèyè, jeudi 25 juin dernier, à l’occasion de la visite d’une mission de suivi de la Banque mondiale, du gouvernement et du PADA/ProCAD, la décision de mettre un tel investissement à la disposition de l’UAC a été prise à la suite d’une visite qui a permis de se rendre compte de l’insuffisance des moyens du laboratoire de microbiologie et d’aquaculture. En réalité, il s’agit de trois réalisations qui intègrent en dehors du laboratoire, une écloserie et un hangar. L’écloserie permettra selon le professeur Philippe Lalèyè, des recherches pointues sur la reproduction des poissons pour mieux apprécier la pérennisation des espèces et ainsi redonner vie à celles en difficulté du fait des pratiques de pêche intensives peu orthodoxes. «Nous devons maîtriser les essais», soutient-il. Pour ce qui est du hangar, il est indiqué pour «conserver des souches en vue des tests d’amélioration pour rendre les espèces performantes». Il s’agit entre autres des tests de grossissement et de croissance. A terme, le laboratoire envisage même d’aider les producteurs en leur fournissant des espèces à transférer en milieu naturel, une fois ces technologies mises au point. L’autre appui important apporté par le PADA à ce laboratoire, c’est qu’il l’a doté d’un forage pour assurer la disponibilité à plein temps de l’eau. Toute chose qui facilitera les travaux de recherches et autres, dira le professeur Philippe Lalèyè qui ne cache d’ailleurs pas sa joie.
Une joie que partage d’ailleurs le superviseur des travaux, Alexandre Tchoukourou, qui précisera par ailleurs, que les travaux sont achevés et réceptionnés. Reste seulement l’équipement qui est également pris en charge par le projet pour un montant estimé à 48 millions F CFA. Là encore, les choses ne sauraient tarder puisque d’ici un mois, il sera disponible, rassure-t-il.
La filière ananas oxygénée par le PADA
A Allada Togoudo, la délégation a également visité l’usine de fabrication de compost de dame Roseline Capo-Chichi. Formée au Centre Songhaï de Porto-Novo, cette transformatrice d’ananas fabrique également du compost pour la production de l’ananas biologique et bien d’autres cultures. Elle travaille donc en se conformant aux normes biologiques. C’est sans doute pour cette raison que le PADA l’appuie dans ses activités. Avec ses pairs, elle travaille à la culture de l’ananas biologique et en produit même des dérivés. Du travail qui se faisait avec des moyens de bord, elle en est aujourd’hui à une superficie d’ananas de deux hectares. Mieux, ses installations en bois ont cédé place à des matériaux en dur dont elle estime la durée de vie à dix ans au moins. Sept tonnes d’ananas sont produits par elle et en ce qui concerne le compost, quelques six tonnes ont été déjà vendues, soutient-elle. En termes d’impact, grâce à l’appui du PADA, soit plus de dix millions F CFA, sa production, dit-elle, est passée de dix tonnes en trois mois à 1000 tonnes en un an. Ici, la délégation a voulu comprendre si des débouchés existent pour l’ananas biologique produit par dame Roseline Capo Chichi et les siens. Et fera ainsi l’amer constat que les producteurs demeurent sous le poids de nombreuses difficultés. Les quantités produites leur retombent souvent sur les bras, parce qu’ils n’ont pas la capacité de répondre à la demande extérieure qui est largement supérieure à l’offre.
Au chevet de l’industrie agro-alimentaire
En prenant congés des producteurs d’ananas, toujours dans la commune d’Allada, la délégation s’est rendue à l’usine de production des emballages en canettes du sieur Jean Fonton. Ici aussi, le PADA a apporté un appui pour permettre la fabrication sur place des canettes à exploiter par les fabricants de jus de fruits et autres boissons. Parti sur des moyens de bord, surtout en important les canettes, la réflexion a conduit ce promoteur et ses partenaires à décider de la réalisation surplace des emballages. En plus de l’apport du promoteur environ 50 millions d’apport du PADA ont permis d’acquérir des équipements modernes. Et même si pour l’instant, Jean Fonton n’a pas encore une clientèle très importante, il se réjouit néanmoins de ce que son usine ait innové en apportant cette solution qui d’ailleurs, permettra de réduire le coût de revient des jus de fruits en canettes. Sur ce site, la fabrication des 200 canettes à la minute est encore soumise aux caprices de l’énergie électrique.
Comme ce promoteur, Charles Benissan dont les installations ont été visitées dans la matinée du vendredi 26 juin dernier a aussi bénéficié, pour son unité de fabrication de cartons pour jus de fruits et autres de l’appui du PADA. «Les emballages constituent l’une des plus grosses difficultés de l’agro-alimentaire», soutient-il. Chaque année, la demande en cartons au Bénin est estimée entre cinq et sept millions essentiellement importés du Nigeria et du Ghana. Une manne importante que Charles Benissan compte récupérer en partie. Mais pour l’instant, il ne réalise que 1000 cartons par jour. L’acquisition de nouveaux équipements grâce au PADA lui permettra de passer à 10 000 voire 15 000 cartons par jour. 95 millions F CFA seront investis à cet effet et environ 47 millions lui ont été apportés par ce projet. Une première tranche a été déjà consommée et la seconde, en cours de décaissement, donnera un coup de pouce à ce projet. «D’ici un mois et demi, nous aurons les équipements», rassure-t-il.
Face aux réalités des pisciculteurs
Dans le village de Houétingbato dans la commune de Ouidah, l’organisation «Initiatives et actions pour le Bénin» développe un système intégré dans plusieurs domaines dont la pisciculture. Cette organisation dirigée par Olivier Olognon bénéficie d’une subvention de 11 768 490 F CFA de la part du PADA contre un apport personnel de 12 millions. La première tranche reçue a permis la réalisation d’une écloserie, d’une salle de formation et d’une provenderie. «Les techniques innovantes utilisées concernent la production d’alevins mono sexe mâles de Tilapia par inversion sexuelle et la production de poisson-chat par reproduction artificielle et semi-naturelle». La visite des installations par la délégation tripartite lui a permis de se rendre à l’évidence des efforts déployés. Et lorsque les responsables des lieux se sont amusés à la présentation de quelques poissons contenus dans les étangs, la satisfaction pouvait se lire sur les visages. D’ailleurs, à vue d’œil, la plupart des étangs laissent voir de nombreux poissons tout en chair en mouvement.
A Gativè dans la commune de Comè, la ferme «’Eternel est mon berger » vient à peine de débuter la vente de ses poissons. Les activités ici ont démarré en 2009 avant que le PADA ne vienne en appui pour une première fois en 2014, puis en 2015 pour, à chaque fois, un montant de 3 510 080 F CFA. Les impacts de cet apport sont multiples, dira le responsable Darius Dessouassi, se soumettant aux questions des membres de la délégation. Il évoque entre autres l’intensification de l’activité, la diversification des espèces de poissons à élever, l’acquisition de bonnes pratiques de gestion… A Dokomey dans la commune d’Aplahoué, l’exercice n’a pas varié avec le promoteur Paul Sagbo sur la ferme Wadey. Visite des installations et surtout des innovations, échanges, explications… ont ponctué cette descente qui a permis de sonder l’impact des 8 678 132 F CFA injectés par le PADA.
Le «lac vert» de Djigbo, un paradis aux poissons
A la suite de l’UAC, la mission conjointe de suivi de la Banque mondiale, du gouvernement et du PADA/ProCAD a mis le cap sur la localité de Djigbo dans l’arrondissement de Kpanroun (commune d’Abomey-Calavi). Après une quarantaine de minutes de voyage sur des pistes peu praticables, la délégation échoue dans un décor naturel, un site reposant aux attraits touristiques mais qui est loin de répondre à une telle vocation, en tout cas pour le moment. Là, les attendaient le promoteur, Emmanuel Guidibi et ses collaborateurs. Il s’agit de ce que ce dernier a surnommé le «lac vert». Lequel n’est rien d’autre qu’une ferme agro-piscicole. Mais à vrai dire, l’expérience du «lac vert», selon son promoteur, est unique puisqu’il s’agit d’un lac artificiel résultant du curage d’un bas-fond depuis plusieurs années. Actuellement et grâce à l’appui du PADA, trois hectares et demi sont exploitables et «on peut aller jusqu’à 15 hectares», indique le promoteur.
Sur le site déjà aménagé, la mission de suivi a pu constater les quatre cages flottantes réalisées grâce au financement obtenu du projet. Ces cages permettent d’élever du poisson en milieu naturel et de le revendre ensuite à la clientèle, mais pas n’importe laquelle. Pour l’instant, au regard des conditions, seule «une clientèle moyenne et supérieure» accède à la production halieutique du «lac vert» estimée actuellement à 24 000 poissons ensemencés, soit environ huit tonnes de poissons à chaque cycle mensuel. On y trouve prioritairement des Tilapia, mais on peut avoir aussi des poissons-chats (silure) et le thon africain.
C’est donc un important investissement, pour ne pas dire une révolution et une expérience à rééditer, selon le vœu du promoteur. Du côté des bailleurs, notamment de la mission de suivi, on y a noté un intérêt, surtout pour le secteur piscicole. Mais des inquiétudes demeurent. C’est ainsi par exemple que ladite mission s’est interrogée sur l’alimentation des poissons et la possibilité de produire localement la provende utilisée à cette fin. «On peut y parvenir», rassure Emmanuel Guidibi. Sauf que pour l’instant, la meilleure qualité de provende disponible est importée du Ghana, même si celui-ci n’exclut pas cette possibilité qu’il appelle même de tout son cœur pour amoindrir les dépenses qui elles, seraient exorbitantes. Ces doléances, ajoutées à l’allègement des procédures de décaissement sans oublier des possibilités de financement pour l’aménagement du site, formulées ont en tout cas retenu l’attention de la délégation, avant son départ des lieux.
Satisfaction !
Après cette randonnée de 48 heures, les impressions semblent plutôt être à la satisfaction. D’abord au sujet du contexte, Elisée Ouédraogo, agroéconomiste basé au bureau de la Banque mondiale à Ouagadougou, précise qu’il s’agit d’une mission de routine semestrielle au niveau de la Banque mondiale pour appuyer la mise en œuvre des projets en cours de réalisation, pour voir les difficultés et s’assurer des effets et des impacts. « Au regard de ce que nous avons vu ces deux jours, je peux déjà dire que l’objectif du projet est pertinent et il y a un potentiel au Bénin en terme de diversification agricole», souligne-t-il. Selon lui, la mission devrait surtout évaluer l’atteinte de l’objectif de développement de ces investissements. Là-dessus, il trouve qu’il y a «des effets très importants et des impacts qui ont transformé l’économie agricole du niveau du Bénin ». Mais des recommandations seront néanmoins faites dans le sens de l’amélioration et de la poursuite ou non de ces projets, indique-t-il. Le coordonnateur du ProCAD, Janvier Yénankpon Capo Chichi attend beaucoup aussi desdites recommandations. Lesquelles, a-t-il précisé, permettront d’améliorer ce qui est fait. « Nous sommes heureux de constater que ceux qui ont bénéficié des financements du PADA réalisent les actions pour lesquelles ils ont été financés…», dira-t-il par ailleurs. «Nous pensons qu’ils ont bien réagi et nous allons continuer à effectuer le suivi pour qu’ils puissent achever les projets», promet le coordonateur du ProCAD qui souhaite que de tels projets se multiplient.
Josué F. MEHOUENOU