Mais, une fois encore, Yayi détonnait dans cette effervescence et dans le décor très religieux de Dassa. D’ailleurs, on a tous vu et senti qu’il se forçait un peu. Apparemment, il se sentait à l’étroit, et pas chez lui. La raison de son mal-être, l’appel pressant que la Conférence épiscopale a lancé au peuple béninois quelques jours plus tôt. En effet, d’une manière franche, les patrons de l’Eglise catholique se sont ralliés à bon nombre d’autres forces vives de la Nation pour dénoncer la navigation à vue, et la mauvaise gouvernance de ses sept dernières années. Le « non » de l’Eglise à la révision de la Constitution, dernière aventure périlleuse dans laquelle Yayi veut embarquer le Bénin, est sans équivoque. Ce « non » est impressionnant dans le fond et la forme. Il est simplement à regretter que la réponse de Yayi, comme d’habitude, est toujours la fuite en avant et la ruse.
Car, si Yayi devrait répondre aux catholiques, la logique voudrait qu’il n’aille pas à Dassa. Mais, il y va à corps perdu, et donne à son ministre l’instruction de répondre sur la chaîne Canal 3. Si tant est que le gouvernement, à travers les propos de Nassirou Bako Arifari dénigre à ce point les catholiques, Yayi ne devrait pas aller s’afficher. « Le clergé catholique n’est pas représentatif du peuple béninois. Il s’adresse à la communauté des catholiques », a déclaré le ministre. D’autres considérations beaucoup plus surprenantes suivront, les unes plus inquiétantes que les autres de la part d’un ministre de la République. Et les propos du ministre des Affaires étrangères, dénigrent de ce même fait son patron et lui compliquent l’existence ! Ou bien, Yayi n’était-il pas au courant de la sortie de son ministre ? Ou est-ce le ministre qui n’était au courant du voyage de Yayi à Dassa ? En tout état de cause, la teneur de la réponse de Yayi, est révélateur de son comportement ambigu et suspect. C’est une marque de fabrique du Yayisme : œuvrer et agir dans un flou. Un flou empreint de ruse et de beaucoup de provocation. Le déni permanent. Cela n’est pas porteur. Une gouvernance illisible, perpétuellement basée sur la provocation et la violence, n’est pas susceptible de créer la sérénité pour le développement d’une Nation. D’ailleurs, ce double-jeu équivoque a fini par isoler Yayi Boni, et l’a rendu infréquentable par le reste de la société : on a peur de se faire duper, ou d’avoir des surprises désagréables en collaborant avec Yayi.
Yayi reconnaît enfin le « malaise » !
Mais l’essentiel aujourd’hui est acquis. Il n’est pas dans le comportement double de Yayi Boni. Non. Il est plus tôt salutaire que de façon plus ou moins consciente, le chef reconnaisse enfin qu’il y a « malaise ».
C’est un demi-aveu d’échec. « J’ai noté avec intérêt le diagnostic que vous faites sur la situation de malaise observée dans notre pays. Cet état de malaise est réel mais il ne saurait être imputé à un régime ni encore moins à un individu fût-il le Président de la République », écrit Yayi Boni. Tout le problème est maintenant d’assumer le bilan. Mais pour cela l’Exécutif n’est pas encore prêt. Mais quelle est la part du collectif dans ce malaise et cet échec ? Quand vous tenez le crachoir et les rênes d’un pays depuis sept ans, il est un peu facile de déclarer : « En fait, il s’agit d’une responsabilité collective dont les causes sont liées à l’absence de notre Foi en Dieu, à l’amour du prochain, aux pesanteurs de nos structures culturelles et mentales, aux contingences de l’évolution historique de notre société et aux facteurs exogènes ». Que vient faire la foi en Dieu dans le développement d’une Nation. Or, au même moment, le président demande aux populations de prier pour faire pleuvoir, afin de sauver une campagne agricole aux abois. Visiblement, il y a de plus de plus une panne d’idées au sommet de l’Etat.