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Le Matinal N° 4169 du 22/8/2013

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Décision Dcc 13-080 du 09 août 2013 : la Cour Constitutionnelle condamne le Commissariat central de Cotonou
Publié le vendredi 23 aout 2013   |  Le Matinal


Théodore
© Autre presse par DR
Théodore Holo, président de la Cour constitutionnelle


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L’arrestation et la garde à vue de Auguste Egounlety au Commissariat central de Cotonou par l’Inspecteur de Police Pacôme Dossou sont arbitraires et viole la Constitution. Ainsi en ont décidé les Sages de la Cour constitutionnelle à travers la décision Dcc 13-080 du 09 août 2013.


La Cour Constitutionnelle,

Saisie d’une requête du 27 décembre 2012 enregistrée à son Secrétariat le 14 janvier 2013 sous le numéro 0063/008/REC, par laquelle Monsieur Auguste Egounlety, assisté de son Conseil, Maître Cosme Amoussou, forme un « recours pour violation des droits de l’Homme » ;

Vu la Constitution du 11 décembre 1990 ;

Vu la Loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour Constitutionnelle modifiée par la Loi du 31 mai 2001 ;

Vu le Règlement Intérieur de la Cour Constitutionnelle ;

Ensemble les pièces du dossier ;

Ouï le Professeur Théodore Holo en son rapport ;

Après en avoir délibéré,

Contenu du Recours

Considérant que le requérant expose que le mardi 11 décembre 2012 à 12 heures, il était seul dans sa maison lorsque la sonnerie du portail retentit ; que le temps pour lui d’enfiler une culotte, il constate qu’une horde de policiers armés jusqu’aux dents et portant des gilets pare-balles ont débarqué dans sa maison alors que le portail était fermé ; que les agents lui ont demandé si c’était lui Monsieur Kossou et qu’il leur a répondu que son nom est plutôt Egounlety ; que du coup, ils l’ont menotté devant, lui ont réclamé ses pièces, l’ont menotté dans le dos et lui ont demandé la clé de sa voiture ainsi que le trousseau de clés de sa maison avant de fermer le portail de la maison ; qu’il développe qu’arrivés dehors, les agents l’ont jeté violemment dans sa propre voiture toujours menotté dans le dos ; qu’avant qu’ils ne démarrent pour le Commissariat Central de Cotonou, à bord d’une voiture banalisée, … deux Agents de Police sont montés à bord, l’un conduisant la voiture et l’autre le surveillant ; que menotté dans le dos dans la voiture, il a, sous la douleur lancinante de la pression des menottes, demandé aux agents de le soulager de ces menottes douloureuses, mais qu’il lui a été répondu sur un ton ironique « ne bougez plus et vous n’aurez plus mal » ; qu’il précise qu’à leur arrivée au Commissariat Central de Cotonou, l’Inspecteur Dossou Pacôme l’a conduit dans son bureau avec les deux agents ; qu’il l’a abandonné dans son bureau avec les deux agents et est sorti ; qu’il est resté menotté debout et se tortillait de douleur ; qu’il a fallu l’intervention d’un autre Inspecteur qui a demandé aux agents de lui enlever les menottes et de le laisser sous sa responsabilité ; que vingt minutes plus tard, l’Inspecteur Dossou Pacôme fut de retour, l’a introduit dans une cellule après avoir demandé au chef de poste de l’enregistrer dans le registre de main courante ; qu’ils lui ont demandé de se déshabiller, de se déchausser et lui ont retiré tous ses téléphones portables ; qu’il a alors demandé avec insistance qu’il lui soit permis d’appeler un membre de sa famille, mais un refus catégorique lui a été opposé ; qu’il affirme que c’est au fond de sa cellule que vers 17 heures, il a cru entendre la voix de sa sœur qui demandait au chef de poste s’il était là ; que le chef de poste a fait semblant de fouiller le registre de main courante et lui a répondu avec un sinistre froid qu’aucun Egounlety n’était là ; qu’il a dû crier pour alerter sa sœur qu’il est bien là et libéré finalement à 19 heures grâce à l’intervention de sa sœur et grâce à l’Inspecteur Awassi qui s’est porté garant de sa personne ; qu’il ajoute que c’est alors que l’Inspecteur Dossou Pacôme a pris sa déclaration en lui demandant son emploi du temps de la veille et s’il était allé à Lomé ce jour-là ; qu’il lui a répondu que sa voiture était restée toute la journée de la veille au garage ; qu’il a cru alors comprendre que les faits étaient liés à un braquage qui aurait eu lieu la veille et auquel il était soupçonné d’avoir participé ; que malgré ses questions, aucune réponse ne lui a été donnée sur le lieu du braquage, ni sur la date, ni sur l’identité du plaignant qui serait une dame ; qu’à la fin de sa déclaration, l’Inspecteur Dossou Pacôme lui délivre une convocation pour le lundi 17 décembre 2012 à 16 heures ; qu’à ce rendez-vous, l’Inspecteur lui a simplement fait savoir qu’il s’agissait d’une erreur sur sa personne et que de telles erreurs étaient légion ; qu’il demande à la Haute Juridiction de « déclarer que les actes ci-dessus décrits de l’Inspecteur Dossou Pacôme et de ses collègues sont contraires aux articles 18, 19, 20 et 35 de la Constitution et qu’en conséquence, ils ouvrent droit à réparation » ;

Considérant que Monsieur Auguste Egounlety, par correspondance du 25 janvier 2013 enregistrée au Secrétariat de la Cour sous le numéro 0207, ajoute : « Il n’est pas surabondant de rappeler que, bien que je leur aie dit que je m’appelle plutôt Egounlety - après qu’ils m’ont demandé si c’est moi Monsieur Kossou- et bien que je leur aie encore remis, à leur demande, mes pièces d’identité aux fins de vérification de mon identité, tout cela n’a pas empêché l’Inspecteur de Police Pacôme Dossou et ses collègues de me soumettre, en violation flagrante des droits de l’Homme, et subséquemment de la Constitution du 11 décembre 1990, à toutes sortes de traitements cruels, dégradants et inhumains. En principe, à partir du moment où je leur ai fourni ces renseignements sur ma personne avec preuve à l’appui, ces policiers se devraient d’avoir un peu de réserve dans les actes qu’ils s’apprêtaient à poser par la suite. Ce qu’ils n’ont pas cru devoir faire. Il suit de là que c’est intentionnellement qu’ils ont commis leurs fautes, et ce, dans l’exercice de leurs fonctions »... ;

Instruction du recours

Considérant qu’en réponse à la mesure d’instruction de la Cour, le Chef de la Police Judiciaire du Commissariat Central de Cotonou, le Commissaire Principal de Police Coovi Pierre Agossadou, écrit : « … le mardi 11 décembre 2012, s’est présenté spontanément dans les locaux de la Police Judiciaire du Commissariat Central de la ville de Cotonou, le sieur Godeme Isidore, vendeur de pièces détachées à Fifadji, lequel a déclaré qu’il vient d’identifier formellement à Fifadji l’un des présumés auteurs du vol à mains armées dont il a été victime dans la journée du lundi 10 décembre 2012 sur la voie Inter-Etats Comé-Hillacondji lors d’un voyage qu’il effectuait sur Lomé pour s’approvisionner en pièces détachées. Le requérant a exposé que tôt dans la matinée de ce lundi 10 décembre 2012, il était au bord de la voie à Fifadji entrain de chercher une occasion pour Lomé quand un véhicule a stationné non loin de lui, et le chauffeur lui a fait la main en lui posant la question de savoir s’il allait à Lomé. Après quelques instants d’hésitation, il est monté à bord de ce véhicule à côté du conducteur puisqu’en dehors de celui-ci, il y avait sur le siège-arrière deux (02) hommes et une (01) femme, toute chose qui l’avait convaincu. Le sieur Godeme Isidore a poursuivi en relatant qu’ils ont roulé dans une ambiance conviviale jusqu’à traverser la ville de Comé mais arrivés dans une zone relativement calme autour de 6 heures 30 minutes, brusquement, l’un de ceux qui étaient sur le siège-arrière lui a ceinturé le cou avec son bras droit, celui qui est au volant l’a aspergé de gaz lacrymogène et ils l’ont dépouillé d’une somme de cinq millions deux cent mille (5 200 000) fcfa dont il disposait pour aller s’approvisionner en pièces détachées à Lomé. Les délinquants se sont précipitamment séparés de lui après l’avoir propulsé du véhicule et, avec les effets très piquants du gaz lacrymogène, il n’a pu voir le véhicule partir et que fortuitement, il vient d’identifier formellement un individu et de repérer son domicile à Fifadji.
Après avis au Commissaire Central de la ville de Cotonou qui nous a prescrit de nous transporter diligemment sur le terrain aux fins d’interpellation et de la vérification d’identité de l’intéressé, j’ai instruit, le Chef de la Brigade de Recherches et d’Investigations, en la personne de l’Officier de Police Judiciaire Romaric Mahussi, lequel à son tour a répercuté les instructions sur son collaborateur, l’Officier de Police Judiciaire Pacôme Dossou. Sans désemparer, ce dernier à la tête d’une équipe de la Brigade Antigang s’est rendu sur les lieux et a procédé à l’interpellation du nommé Auguste Egounlety. Conduit au Commissariat Central de Cotonou, le nommé Auguste Egounlety a été entendu sur procès-verbal puis gardé à vue. Au cours de l’interrogatoire, il s’était avéré que les déclarations faites par le requérant ne concordaient pas du tout avec celles faites par le mis en cause.
Je me suis rendu compte qu’il s’agissait d’une erreur sur la personne du nommé Auguste Egounlety.
Un compte rendu a été aussitôt fait au Procureur de la République qui m’a instruit de procéder à une enquête de moralité sur l’intéressé et de lui rendre compte ... j’ai dépêché d’urgence une équipe d’Officiers de Police Judiciaire sur le terrain pour procéder à cette enquête de moralité.
A terme, je me suis rendu compte que le nommé Auguste Egounlety est un opérateur économique spécialisé dans la livraison de fournitures de bureau dans les Ministères. Il n’a jamais attiré défavorablement l’attention de ses voisins du quartier.
Un deuxième compte rendu a été fait au Procureur de la République qui nous a instruit de le mettre sous convocation et d’envoyer le dossier en renseignement judiciaire.
Il n’est pas inutile de rappeler à l’attention de la Haute Juridiction que c’est conformément : d’une part à l’article 48 aliéna 2 du Code de Procédure Pénale qui dispose « Toute personne dont il apparaît nécessaire, au cours des recherches judiciaires, d’établir ou de vérifier l’identité doit, à la demande de l’Officier de Police Judiciaire ou de l’un des agents énumérés à l’article 20, se prêter aux opérations qu’exige cette mesure. » ; d’autre part, à l’article 50 du Code de Procédure Pénale qui dispose « Si, pour les nécessités de l’enquête, l’Officier de Police Judiciaire est amené à garder à sa disposition une ou plusieurs personnes visées aux articles 48 et 49, il ne peut les retenir plus de vingt-quatre (24) heures s’il est procédé à l’enquête dans la localité où réside l’Officier de Police Judiciaire... » ; Que le nommé Auguste Egounlety a été interpellé le mardi 11 décembre 2012 à 12 heures 20 minutes, dans le cadre d’une enquête judiciaire dont les circonstances sont relatées plus haut, puis libéré à 18 heures 30 minutes le même jour. Le dossier a fait l’objet de la procédure n° 1145/Cc/Spj/Bri-Sa du 24 décembre 2012 puis transmis au Procureur de la République du Tribunal de Première Instance de Première Classe de Cotonou » ;

Analyse du Recours

Considérant qu’aux termes des articles 18 alinéa 1er de la Constitution et 6 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples : « Nul ne sera soumis à la torture, ni à des sévices ou traitements cruels, inhumains ou dégradants » ;
« Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut être privé de sa liberté sauf pour des motifs et dans des conditions préalablement déterminés par la loi ; en particulier nul ne peut être arrêté ou détenu arbitrairement » ;

Considérant qu’il ressort des éléments du dossier que sur plainte de Monsieur Isidore Godeme au sujet d’un vol à mains armées et dont l’un des auteurs aurait été identifié, le Commissaire en charge du Commissariat Central de Police de Cotonou a instruit l’Inspecteur de Police Pacôme Dossou et son équipe aux fins d’interpeller le mis en cause ; que bien qu’il ait présenté ses pièces d’identité au cours de son interpellation, Monsieur Auguste Egounlety a été arrêté, conduit et mis en garde à vue au Commissariat Central de Police de Cotonou ; qu’au cours de l’interrogatoire, l’Agent enquêteur s’est rendu compte qu’il s’agit d’une erreur sur la personne de Monsieur Auguste Egounlety ; qu’il suit de ce qui précède que l’arrestation et la garde à vue de Monsieur Auguste Egounlety sont arbitraires et constituent une violation de la Constitution ;

Considérant que par ailleurs, l’analyse des éléments du dossier révèle que l’Inspecteur de Police Pacôme Dossou et son équipe ont posé les menottes à Monsieur Auguste Egounlety comme en témoigne le certificat médical du 12 décembre 2012 qui mentionne « Des marques cicatricielles de menottes aux deux poignets » et fait état de sept (07) jours d’incapacité temporaire totale (Itt) ; qu’aucun élément du dossier ne laisse apparaître que Monsieur Auguste Egounlety a opposé quelque résistance à son interpellation et à sa conduite au Commissariat Central de Police de Cotonou ; que, dès lors, le fait de l’y conduire menotté constitue un traitement humiliant et dégradant au sens de l’article 18 alinéa 1er de la Constitution précité ; que cette violation ouvre droit à réparation ;

Décide :

Article 1er.- L’arrestation et la garde à vue de Monsieur Auguste Egounlety sont arbitraires et constituent une violation de la Constitution.

Article 2.- Les traitements infligés à Monsieur Auguste Egounlety par l’Inspecteur de Police Pacôme Dossou constituent une violation de la Constitution et ouvrent droit à réparation.

Article 3.- La présente décision sera notifiée à Monsieur Auguste EGOUNLETY, à Monsieur le Commissaire de Police chargé du Commissariat Central de Police de Cotonou et publiée au Journal Officiel.

Ont siégé à Cotonou, le neuf août deux mille treize,

Messieurs Théodore Holo Président

Simplice Comlan Dato Membre

Bernard Dossou Degboe Membre

Madame Marcelline C. Gbeha Afouda Membre

Monsieur Akibou Ibrahim Gbaguidi Membre

Madame Lamatou Nassirou Membre

Le Rapporteur, Le Président,

Professeur Théodore Holo Professeur Théodore Holo

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