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La Presse du Jour N° 1955 du 23/8/2013

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Entretien avec Martin Assogba, président de l’Ong Alcrer : « Boni Yayi nous trouvera sur sa route… »
Publié le vendredi 23 aout 2013   |  La Presse du Jour


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© Autre presse par DR
Le président de l’Organisation non gouvernementale (Ong/Alcrer), Martin Assogba


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Comme au Sénégal, la constitution béninoise ne permet au chef de l’Etat que deux mandats non renouvelables. Pourtant, certains Béninois soupçonnent Yayi Boni, qui achève son second mandat en 2016, de vouloir passer outre cette interdiction constitutionnelle. Mais selon le président de l’Association pour la lutte contre le racisme, l’ethnocentrisme et le régionalisme (Alcrer), les Béninois ne se laisseront pas faire. Martin Assogba fait, dans cette interview, le bilan de la présidence de Yayi Boni en fixant au chef de l’Etat béninois les limites rouges à ne pas franchir.

Vous dirigez une Ong, Alcrer, qui lutte pour l’amélioration des droits de l’homme au Bénin. Si on vous demandait de faire un petit bilan des droits de l’homme au Bénin sous le régime du président Yayi Boni, que nous diriez-vous ?
Vous savez qu’aucun gouvernant n’a voulu accorder tous les droits au citoyen. C’est pourquoi nous sommes dans la lutte pour que le gouvernant respecte ses engagements vis-à-vis de notre constitution. Aujourd’hui, tout le monde crie son ras-le-bol contre le gouvernement de Yayi Boni qui veut museler toute la presse béninoise. Nous luttons pour que cela ne soit pas ainsi. La télévision nationale béninoise est devenue l’instrument de propagande du gouvernement. Ce que nous dénonçons tous les jours. La radio nationale essaie de faire de son mieux. Elle invite l’opposition et la société civile pour débattre des questions concernant le développement de notre pays. Mais la télévision nationale est au service uniquement du gouvernement. On vous présente dans la même journée huit à dix fois les mêmes images du chef de l’Etat Yayi Boni. Nous, nous disons que ce n’est pas normal. Pendant que le président Mathieu Kérékou était là, la démocratie avait un sens. Des débats contradictoires avaient cours. On invitait l’opposition et la société civile pour faire la balance. Mais aujourd’hui, la télévision nationale ne nous invite plus pour venir débattre. C’est ce que nous dénonçons tous les jours parce que le gouvernement veut avoir à son service toute la presse béninoise. Je peux vous dire même qu’une partie de la presse privée a mordu à l’appât.
Pourtant, la presse béninoise est citée en exemple en Afrique francophone ?
Ce n’est plus la même chose. Le gouvernement veut tenir tout le monde en laisse. On injecte beaucoup d’argent. Surtout qu’il n’y a pas une entreprise véritablement de presse au Bénin. Les journalistes sont mal payés. Les hommes politiques leur donnent de petits sous pour leur dire d’écrire n’importe quoi.
Au-delà de la presse, Yayi Boni est-il dans la bonne voie du respect des autres aspects des droits de l’homme ?
S’il n’y avait pas ces dénonciations, des hommes de bonne volonté qui luttent pour le respect des droits de l’homme, je puis vous dire que nous serions allés à la dérive. De la manière dont les choses se passent, si nous nous taisons, nous allons nous voir, un beau matin, face à un parti unique. Toute chose qui ne pourra pas permettre à notre démocratie de survivre. Quand nous lui avons demandé de faire la reddition des comptes de son mandat à la tête de l’Union africaine, son ministre des Affaires étrangères a réuni des journalistes pour s’en expliquer. Mais cela ne nous a pas convaincus. Il a utilisé l’argent du pays durant son mandat à la tête de l’Union africaine, c’est ça la règle, mais il doit rendre compte. (…). Toutefois, nous reconnaissons que les salaires sont payés, des routes sont en train d’être bitumées dans le nord du pays. À part ça, il y a trop de problèmes.
Pouvez-vous citez un exemple ?
Lorsque le chef de l’Etat se sert de l’organe public pour sa propagande, c’est une violation de nos droits. Il a envie d’avoir à sa solde toutes les autres radios et toutes les autres télévisions. Il y a d’autres choses comme le respect des droits de l’opposition. Elle n’a jamais reçu son opposition. Le décret qui avait été pris a été dénoncé par l’opposition qui a demandé au gouvernement de rectifier le tir, ce qu’il a refusé. Par ailleurs, la liste électorale informatique est querellée par l’opposition et la société civile parce que la liste a été mal ficelée. Des électeurs d’une circonscription X se retrouvent dans une circonscription Y de sorte que nous avons des problèmes pour les élections municipales et locales. Ces élections devaient avoir eu lieu en avril dernier, mais nous n’avons pas pu les faire parce que la liste n’est pas fiable et une loi a été votée pour les reporter. Nous avons contesté cette loi parce qu’elle n’a ni de début ni de fin. Mais la Cour constitutionnelle l’a validée.
Est-ce qu’il y a un consensus de la classe politique autour de cette loi ?
Comme le gouvernement a ses sbires au Parlement, il s’est organisé pour que la loi passe. L’opposition n’a pas réagi parce que le gouvernement l’a complètement fragilisée. C’est une chose que nous décrions aujourd’hui. Beaucoup de ces gens de l’opposition ont rejoint le gouvernement quand le chef de l’Etat a lancé sa fameuse main tendue. Beaucoup d’opposants à la recherche de postes ministériels ont répondu favorablement. C’est ça qui embête les Béninois qui veulent une démocratie plurielle et agissante.
Yayi Boni a épuisé ses mandats. Pensez-vous qu’il va réviser la constitution pour se représenter une troisième fois ?
C’est ce que nous sommes en train de voir. Il est dans la propagande, il est en campagne tout le temps.
Mais il a dit qu’il ne va pas se représenter
Justement est-ce qu’il a besoin tout le temps de dire qu’il ne va pas se représenter ? C’est là où il y a le danger ; c’est là où nous nous posons la question. Constitutionnellement, il sait qu’il n’a droit qu’à deux mandats. Mais cela devient suspect qu’il nous répète tout le temps qu’il ne va pas se représenter. C’est pourquoi nous disons qu’il faut faire très attention à tout ce qu’il nous dit.
Pourquoi ne lui donnez-vous pas un préjugé favorable ?
Nous ne pouvons pas lui donner un préjugé favorable parce que tous ceux qui connaissent Yayi Boni diront qu’il n’a jamais dit ce qu’il fait. À l’allure où vont les choses, nous ne pouvons pas lui faire confiance. Mais Yayi Boni nous trouvera sur sa route s’il veut faire un troisième mandat.
A-t-il posé un acte qui vous dit qu’il va réviser la constitution ?
Il a mis en place des commissions. La première commission a déposé ses rapports. Depuis le 16 mars 2012, nous disons qu’il n’y aura de révision de la constitution avant 2016 même si Yayi Boni a dit que les articles 42 et 44 concernant la limitation du mandat présidentiel ne seront pas touchés. Mais nous ne lui faisons pas confiance parce qu’il a tous les instruments de l’Etat entre ses mains.

Propos recueillis à Paris par Moustapha BARRY pour Walfadjri

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