La troisième affaire inscrite au rôle de la première session ordinaire de la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou au titre de l’année 2015, est relative à l’infraction de vol à main armée, chef d’accusation porté à l’encontre des nommés Idrissa Alassane et Daniel Ousmane Tiankasson. Au terme de l’audience qui s’est déroulée vendredi 3 juillet dernier, la Cour a acquitté le premier au bénéfice du doute et condamné le second à sept ans de réclusion criminelle.
« Le 26 janvier 2012 aux environs de 20 heures, Idrissa Alassane et Daniel Ousmane Tiankasson, deux Burkinabé résidant à Banikoara où ils exerçaient le métier d’ouvriers agricoles, ont sollicité les services de Bani Issiako, conducteur de taxi-moto, pour se rendre à Bogopira, un village voisin. Au cours du trajet, Daniel Ousmane Tiankasson simula l’envie d’aller aux toilettes et fit arrêter le conducteur. Il rentra dans la brousse et en ressortit quelques instants après avec un poignard qu’il pointa sur le conducteur à qui il enjoignit de lui remettre tout ce qu’il avait sur lui. Celui-ci réussit à soustraire habillement la clé de la moto avant de s’enfuir pour prévenir les siens en criant au secours. Ses collègues conducteurs de taxi-moto se sont mis aux trousses de ses agresseurs qu’ils réussissent à appréhender». Voilà les faits portés vendredi dernier devant la Cour d’assises présidée par Aboudou Ramanou Ali et composée des assesseurs Hamza Gauthé Sanni et Lucien Djimènou et des jurés Emmanuel Ali Ouorou, Kénou Troukassa Orou, Alimatou Labouda et Sylvestre Sacca Lafia. Le greffe était tenu par Ambroise Alassane.
Mis en cause
Accusés d’infraction de vol à main armée, Idrissa Alassane et Daniel Ousmane Tiankasson étaient appelés à la barre à répondre de leurs actes.
Comme à toutes les étapes de la procédure, Idrissa Alassane défendu au prétoire par Me Mohamed A. Toko dit être entraîné dans cette affaire par son co-accusé. Quant à Daniel Ousmane Tiankasson assisté par Me Mouftaou Bah Salifou, il a toujours avoué les faits. A la barre vendredi dernier, il est resté constant, précisant que c’est en cours de chemin que l’idée lui est venue de déposséder le conducteur de sa moto. Il dit avoir confié son pistolet à son compère Idrissa Alassane à qui il a fait part de son idée. Ce dernier s’y est opposé, avoue-t-il. La moto braquée n’a pu être emportée faute de clé restée aux mains du propriétaire dans sa fuite. Dans la chasse à l’homme qui a suivi l’acte, Idrissa Alassane sera rattrapé et confié par la suite aux forces de l’ordre. Il a été mis sous mandat de dépôt le 30 janvier 2012. Son compère le sera aussi trois jours après, soit le 2 février.
Il faut signaler que les bulletins n°1 du casier judiciaire de chacun d’eux versés au dossier ne portent mention d’aucune condamnation antérieure. Les rapports d’expertise psychiatrique et médico-psychologique montrent qu’ils étaient tous lucides au moment des faits. L’enquête de moralité réalisée sur eux auprès de leurs codétenus de la prison civile leur est favorable. Ils se feraient très peu remarquer depuis qu’ils sont transférés de la prison civile de Kandi pour celle de Parakou. Suivant les pièces lues à l’audience, ils ont des comportements exemplaires et personne ne s’est plaint d’eux depuis qu’ils y séjournent. Aussi, ne fument-ils ni drogue ni cigarette et entretiennent de bonnes relations avec leurs codétenus.
Cinq ans de travaux forcés requis pour chacun
Dans ses réquisitions, le ministère public représenté par Moubarack Dine Ali-Owé explique que les faits de vol à main armée sont constitués, à travers les éléments légal, matériel et moral ou intentionnel qui sont réunis dans ce dossier. Le parquet général n’en veut pour preuve que le port effectif d’armes reconnu par les accusés: une arme à feu cachée par Idrissa Alassane et le poignard visible pointé sur le conducteur par Daniel Ousmane Tiankasson. Aussi, ont-ils la pleine conscience de nuire à autrui, estime-t-il. Si le premier ne voulait pas participer au coup de soustraction frauduleuse du bien d’autrui comme il le prétend, il aurait pu jeter l’arme dans la brousse quand son compère la lui a remise, laisse entendre l’avocat général. Pour lui, le fait de garder par devers soi une arme est la preuve que l’intention criminelle est bel et bien présente. L’arme est faite pour tuer, blesser et menacer et l’un d’entre eux en a fait usage, afin de déposséder le conducteur de moto de son bien contre son gré ; ce qui est prévu et puni de la peine de mort par l’article 381 alinéa 1er du Code pénal. Ayant tous les deux toutes leurs facultés mentales au moment de l’action au terme de l’analyse psychiatrique et médico-psychologique, le ministère public conclut qu’ils sont donc non seulement pénalement responsables, mais aussi et surtout accessibles à la sanction pénale.
Puisque la peine de mort n’est plus appliquée au Bénin, logiquement c’est la perpétuité que les mis en cause encouraient. Mais Moubarack Dine Ali-Owé s’empresse d’ajouter que les prévenus, des « délinquants primaires » puisqu’ils n’avaient jamais été condamnés par le passé, bénéficient de circonstances atténuantes. Il fallait donc ne pas alourdir leurs peines au risque d’aggraver leur situation sociale, estime-t-il. Fort de ce développement, le ministère public requiert qu’il plaise à la Cour de les déclarer coupables mais de ne retenir que cinq ans de travaux forcés pour chacun des clients de Me Mohamed A. Toko et de Me Mouftaou Bah Salifou.
Discrimination positive, clémence et verdict
La défense plaide la discrimination d’une part et la clémence de la Cour d’autre part. Pour Me Mohamed A. Toko, infliger la même peine aux deux accusés serait injuste. La Cour devra se montrer parcimonieuse et juger chacun selon ses actes, suggère-t-il. L’avocat-conseil d’Idrissa Alassane souligne que son client a été victime de sa naïveté et mal guidé par son aîné. Mieux, il n’a ni touché à l’arme à lui confiée ni à la moto dérobée par la force, fait-il observer avant de demander une main levée de la Cour sur ce cas et donc son acquittement pur et simple. En ce qui concerne le second mis en cause, il implore la clémence de la Cour afin que la sanction ne soit pas trop lourde et ce, pour lui permettre de vite retrouver sa famille au pays. Me Toko n’a pas manqué d’insister sur l’enquête de moralité qui est très favorable à son client et son compère.
Me Mouftaou Bah Salifou, défendant les intérêts de Daniel O. Tiankasson abonde dans le même sens. Il plaide coupable en faveur de son client et implore lui aussi la clémence de la Cour pour une justice équitable.
Convoqués à nouveau à la barre pour leur déclaration finale, les deux accusés Idrissa Alassane et Daniel Ousmane Tiankasson ont demandé pardon et imploré la clémence des juges.
Au délibéré, la Cour déclare le sieur Daniel Ousmane Tiankasson coupable de crime de vol qualifié, le condamne à sept ans de réclusion criminelle et aux frais envers l’Etat et ordonne la confiscation au profit de l’Etat des objets placés sous scellés à savoir : un fusil de fabrication artisanale, un poignard et trois cartouches. Il retourne en prison pour y passer encore trois ans et demi.
Quant à son compagnon Idrissa Alassane, il est déclaré non coupable et acquitté au bénéfice du doute. Il pourra rentrer chez lui et refaire sa vie, après trois ans et demi de détention.