l passera le reste de sa vie en prison. Lui, c’est Joël Ladédji, 47 ans, soudeur-peintre-tôlier, qui a abattu froidement le supposé amant de sa femme à qui il a tendu une embuscade, avant de s’emparer de son véhicule qu’il tenta de vendre. Il s’agit du jugement de la huitième affaire inscrite au rôle de la première session ordinaire de la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou qui s'est déroulé hier jeudi 9 juillet.
Réclusion criminelle à perpétuité, c’est la sentence retenue contre le sieur Joël Ladédji reconnu coupable d’assassinat sur le sieur Gustave Dessoh, alors chef d’usine de la Compagnie cotonnière du Bénin à Kandi (CCB-Kandi), et de vol à main armée pour s’être emparé par la suite du véhicule de la victime.
Les faits tels que présentés à l’audience se présente ainsi qu’il suit. «Monsieur Joël Ladédji et dame Ruth Kouagou sont des époux et vivent ensemble. Dans la journée du lundi 18 mai 2009 sur la base d’une ruse convenue entre eux, Ruth M’po Kouagou prit rendez-vous avec Gustave Dessoh, chef d’usine CCB-Kandi. A l’heure convenue, elle prit place à bord du véhicule Toyota Hilux 4x4 immatriculé AE 7167 RB conduit par le chef d’usine. Arrivé à un niveau à la sortie Nord de Kandi, le véhicule s’immobilisa. Les amants n’eurent le temps de savourer leur appétit sexuel, lorsque le nommé Joël Ladédji surgit et abattit froidement Gustave Dessoh d’un coup de feu tiré à partir d’un pistolet de calibre 12 mm qui l’atteignit à la cage thoracique et d’un autre coup dans le crâne à partir d’un pistolet de calibre 9 mm. Il déshabilla ensuite le corps inanimé, le tira et le glissa sous un ponceau avant de le recouvrir de sable. Ensuite, il dépouilla le véhicule de tous les biens qui s’y trouvaient, fit brûler les habits et documents appartenant à la victime. Le véhicule s’est retrouvé à Malanville et la plaque d’immatriculation initiale fut changée en IPF 8228 RB avant qu’il ne soit proposé en vente à un ressortissant nigérian». C’est ce qui a motivé le renvoi de l’accusé Joël Ladédji devant la Cour d’assises de la Cour d’appel de Parakou pour être jugé conformément à la loi. Sa concubine Ruth M’po Kouagou, mineure au moment des faits et avec qui les actes ont été perpétrés, avait été jugé par la juridiction des enfants.
A l’audience
La Cour qui a connu hier du dossier, est composée du président Ignace Edouard Gangny, des assesseurs Claude Montcho et Fortunato E. Kadjègbin et des jurés Clarisse Mandopa P. Dogo, Kénou Troukassa Orou, Oumar Baparapé et François K. Gbaguidi. Géry Akuesson représentant le ministère public, défendait les intérêts de la société. Guillaume N’Soyènou est l’avocat-conseil de l’accusé et Gilbert Y. Houédan assure les intérêts de la partie civile. Cosme Dègla est greffier de l'audience.
C’est un homme chauve, de taille courte, tout de blanc vêtu auréolé de son gilet bleu indigo, claudiquant du membre inférieur gauche qui apparaît à la barre. Dans ses chaussettes et une tapette, il paraît décontracté à l’entame du procès. Joël Ladédji puisque c’est de lui qu’il s’agit, reconnaît d’emblée d’avoir perpétré un homicide avec préméditation sur le sieur Gustave Dessoh et d’avoir frauduleusement soustrait le véhicule de ce dernier. Tout en avouant son crime, il prononce à plusieurs reprises : «Je n’étais pas en moi-même». Il dit «regretter amèrement» aujourd’hui son acte et implore la clémence de la Cour. Mais l’accusé a varié dans ses premières déclarations. Il tente de faire croire qu’il a épié puis surpris la victime et celle qu’il appelle son épouse : Ruth M’po Kouagou enceinte de quatre mois, en pleins ébats non loin du goudron à bord du véhicule de l’amant. «Il a essayé ensuite de me prendre un des deux pistolets que je portais sur moi mais j’ai réussi à me débarrasser de lui pour lui tirer un coup dans la poitrine et un autre dans la tête», laisse entendre le prévenu. Avec la sagacité du président de la Cour, cette thèse de légitime défense que l’accusé voulait faire entendre a été balayée. Joël Ladédji reconnaîtra par la suite alors avoir fomenté le coup avec la jeune Ruth M’po Kouagou qui est allée prendre rendez-vous avec le nommé Gustave Dessoh. Les deux mettent le plan en exécution et une fois la victime à terre, Joël Ladédji le cache sous un ponceau en prenant soin d’y mettre du sable afin que, justifie-t-il, les passants ne découvrent tôt le cadavre. Tandis que Cosme Dègla est le greffier de l'audience.
Une dizaine de témoins a défilé à la barre. Au nombre de ceux-ci, il y a le beau-frère de l’accusé, chauffeur de profession, qui l’a aidé à amener le véhicule de Kandi à Malanville pour l’opération de changement frauduleux de la plaque et la proposition de vente de la voiture à un Nigérian.
Appréciations et verdict
Les autres sont pour la plupart des agents de la CCB-Kandi au moment des faits. Le mis en cause avait cité un certain nombre d’entre eux comme commanditaires de l’assassinat de leur chef. Aucun d’eux ne s’est reconnu dans les allégations du prévenu.
Pour l’avocat de la partie civile, Me Glibert Y. Houédan, les faits sont abominables. Les deux infractions d’homicide avec préméditation et de soustraction frauduleuse de la voiture au préjudice de Gustave Dessoh qui est en légitime propriétaire, sont constituées. Au regard des faits, il a invité la Cour à « appliquer la loi dans toute sa rigueur en rendant une décision en toute impartialité, non pas par vengeance mais par justice, pour mettre hors d’état de la société cet individu d’une cruauté et d’un cynisme révoltants».
Le ministère public s’attèle à démontrer l’établissement des actes positifs du tueur, de son intention délictueuse en concevant un guet-apens et en agissant délibérément pour ôter la vie à sa victime et s’approprier son véhicule. Il rappelle les articles 295 à 298, 302, 379, 381 du Code pénal, sièges des infractions d’assassinat puis de vol à main armée, avant de souligner que l’accusé bien qu’il ait déjà fait objet de poursuite judiciaire pour émission de faux billets, a un casier judiciaire encore vierge. L’enquête de moralité lui est favorable. Puisqu’il n’était pas dément au moment des faits suivant le rapport d’expertise psychiatrique et médico-psychologique de Dr Francis Tchégnonsi Tognon, l’avocat général en déduit qu’il est accessible à la sanction pénale. Il requiert qu’il plaise à la Cour de le déclarer coupable pour les infractions d’homicide volontaire avec préméditation et de soustraction volontaire de bien d’autrui avec usage d’arme à feu et de le condamner à la réclusion criminelle à perpétuité. Il demande également à la Cour d’ordonner la confiscation et la destruction des deux pistolets ayant servi à la commission du crime.
Me Guillaume N’Soyenou assurant la défense de l’accusé, plaide coupable. Il implorera en vain la clémence de la Cour pour une réduction de la peine suggérée par le ministère public en faveur de son client. Hélas ! La réclusion criminelle à perpétuité est retenue par la Cour.
A la fin du procès, quand le jeune garçon encore dans le ventre de sa mère au moment de l’incarcération de cette dernière et de son père, sourit dans les bras de son géniteur condamné à la prison à vie, la scène émeut plus d’un.
De la constitution de partie civile
La veuve Joseline Tollo épouse Dessoh a aussi déposé à la barre et se constitue partie civile. Elle réclame la somme de 100 millions de francs CFA à titre de dommages et intérêts pour pouvoir s’occuper d’elle-même et de ses deux enfants. Dans une déclaration lue à la Cour, le père de la victime qui accuse par ailleurs la veuve de complicité de l’assassinat de son fils au regard des antécédents en famille au cours desquels la dame aurait déclaré « vous allez perdre Gustave », se constitue aussi partie civile. Il n’était pas présent hier à l’audience. Quant à la femme, elle dit n’avoir pas vu le corps de son mari. Elle ne s’est pas rendue non plus à l’enterrement de son mari.
Après une brève suspension, la Cour donne acte à Joseline Tollo épouse Dessoh de sa constitution de partie civile, renvoie la cause à une session ultérieure et réserve les dépens. En effet, plusieurs éléments justificatifs manquent au dossier, notamment l’acte de mariage intervenu entre la veuve et la victime en 2003, les actes de naissance des enfants. Aussi, le conseil de famille ne s’est-il pas réuni pour décider de la clé de répartition des dommages et intérêts.