(Par Roger Gbégnonvi)
L’adage est bien connu qui rappelle que ‘‘la pitance du ver à soie est accrochée àla feuille surl’arbre’’, en foi de quoi les leaders religieux de tout bord poussentà la procréation sans frein. Les couples, monogames ou polygames, doivent accueillir tous les enfants que Dieu leur envoie, car c’est Dieu qui est censé les envoyer et pourvoir automatiquement à ce qu’ils vont manger. Interdiction donc de tout contraceptifpour limiter le flux des naissances, car l’homme ou la femme ne doivent pas entraver Dieu dans son élan de peuplement de la terre. Discours natalistes au résultat probant : de 1.809.332 habitants en 1960 (statistiques de la Société des Missions Africaines), la population du Dahomey (devenu Bénin) est passée à 10.000.000 environ en 2015, avec la précision que, dans les maternités, il naît aujourd’hui cinq petites filles pour un petit garçon. Une autre précision importante :cette population en croissancerapide évolue sur une superficie qui se rétrécit avec la perte officielle de l’île de Lété et les rognuresdiscrètes opérées sur les frontières par les pays voisins.
Pendant que s’opère cette réduction de l’espace vital, intervient, sans bruit,une inflexion sémantique bouleversante. En effet, au cours des années 1980, dans les pays qu’il soutient, tels que le Bénin, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), dans ses rapports et publications, remplace procréation par reproduction. Si le premier mot rapprochede Dieu l’homme promis au développement, le second le renvoie, subtilement, au Bénin en tout cas, au ver à soieet même à quelque rat des champs, semblable àla souris domestique, hyper prolifique. De toute façon, les yeux rivés sur la Providence acquise au ver à soie, les couples béninois n’attendent pas le PNUD pour se reproduire à tout-va. Telle femme, qui n’a pas de quoi élever deux enfants, en fait une douzaine, en s’appuyant sur un deuxième adage qui l’informe que ‘‘la progéniture est tout bénéfice’’, l’enfant est une richesse en soi. Sur la douzaine, cinq à six survivront aux maladies nombreuses, deux d’entre les survivants auront peut-être une vague occupation de survie, les autres iront grossir les rangs de la pègre. Car les vols qui, en 1960, étaient larcins et chapardages avec, pour victimes, poulets et moutons en liberté la nuit dans les rues ou dans les concessions, les vols sont devenus, en 2015, une entreprise guerrière : chargés de lourds butins, les coupeurs de route dégainent et tuent ; soucieux de se protéger, policiers et gendarmes dégainent et tuent. L’Etat s’arrache les cheveux et offre aux membres des Forces de l’Ordre abattus des obsèques onéreuses et verbeuses, pendant que ministres et hauts fonctionnaires volent le pays sans vergogne et que certains hôpitaux et écoles n’ont pas de quoi fonctionner.
Mais sait-on seulement que ce criminel sauve-qui-peut a pour origine, aussi, un rythme de procréation, dite de reproduction, faite de façon irraisonnée, laissant loin derrière elle une production qui se fait encore à la Mathusalem ? Quand une population passe de 1.809.332 à 10.000.000 environ en 55 ans, avec les mêmes cultivateurs recroquevillés sur leur houe au soleil dans des champs aux dimensions de grands potagers, cette population ‘’mérite’’ tous les rétrécissements qui la minent. Ses dirigeants le savent-ils ? Récemment, ils sont devenus ‘‘représentants du peuple’’ sans projet de lois, et ils s’apprêtent á devenir, sans vision, maires des municipalités et des communes. Deviendra-t-on Chef d’Etat en 2016 sans projet de société ? Puissent les leaders politiques entendre et comprendre. Puissent-ils s’armer d’ambition, et de réflexionautant que d’abnégation,pour amener les populations du Bénin à quitter la sphère animalière du ver à soie pour entrer dans la sphère humaine de l’enfant-roi,l’enfant que l’on protège et soigne, les deux ou trois enfantsque l’on enveloppe d’amour et de tendresse pour un avenir de développement et d’épanouissement.