Ville habituellement animée, Djougou perd de sa superbe en ce mois de Ramadan. Bars et maquis se vident de leurs aficionados.
Sortie ouest de Djougou, sur la voie menant à Ouaké, quartier Founga 2. Pleine à craquer d’habitude, la buvette ‘’Zoumou Baani’’, ce samedi 11 juillet, peine à rassembler son monde de noceurs. Dans la moiteur de la nuit, les décibels s’enflent. Les serveuses, très actives, les soirs, se tournent les pouces. Pas grand-monde à servir si ce n’est un groupe de jeunes installé à l’arrière-plan de la terrasse où sont disposées tables et chaises. Comme s’il était frappé d’atonie, cet espace où la place se discute, attend désespérément depuis le démarrage du carême sa clientèle. Cheveux au vent, buste entrouvert, Samira (nom d’emprunt) originaire de Kara, au nord du Togo, sert à l’instar d’autres dans cet antre de détente réputé l’un des plus animés de Djougou. «Zoumou Baani c’est le cœur de l’ambiance. Il n’y a pas son pareil à Djougou. Mais depuis le début du carême nous chômons presque », confie-t-elle, l’air revêche.
A quelques lieues de là, à Royal verdure, à la Place de l’Indépendance, en face de l’hôtel de ville, le scénario n’est guère différent. Sauf qu’ici, la présence d’un expatrié focalise l’attention des serveuses, toutes émoustillées qu’elles sont. Le teint halé, les cheveux denses portés courts, il est aux petits soins. Les chaises vides, on ne peut que comprendre la scène qui s’offre au regard des plus indiscrets.
«Pourboire oblige», glisse un habitué des lieux. Jean H. note qu’il n’y a qu’en cette période de l’année où Djougou observe une accalmie. «Nous sommes traités de païens quand nous nous retrouvons dans les bars en cette période de jeûne où la communauté musulmane observe un respect strict des préceptes de l’islam».
Même la cafétéria qui jouxte les abords de la buvette connaît une baisse de son taux d’affluence habituel. Tout comme nombre de gargotes et restaurants de la ville. Certains tenanciers, fort de la spécificité du mois de Ramadan ont dû ranger les ustensiles de cuisine et mettre la clé sous le paillasson. C’est le cas de cette gargote de vente d’igname pilée au quartier Yalouwa sur la route de N’dali où convergent de nombreux gourmets. Aucune âme n’y pointe son nez, ce vendredi 10 juillet.
Le mois de carême à Djougou constitue une période par excellence de mévente qui conduit parfois à la fermeture de certains maquis. La chute drastique des recettes justifie cette situation qui n’est pas pour faciliter la vie aux non musulmans.
Moment de diverses privations, le Ramadan est vécu par les fidèles musulmans comme une période de grâce, de bénédictions et de bienfaits. Toute chose qui justifie, selon l’islamologue Cheikh Mohamed Sadissou Tamimou, le comportement des croyants. Même ceux qui d’ordinaire mènent une vie peu pieuse se plaisent à afficher ouvertement leur foi en Allah ou à respecter scrupuleusement les interdits. Toutefois, cet engouement ne saurait être, aux yeux du spécialiste de l’islam, une situation conjoncturelle ou un effet entraînant.
« L’islam est le même que ce soit au mois de carême ou dans les autres mois. La fornication, la calomnie, la médisance, l’adultère, le mensonge, l’alcool et tous les autres interdits de l’islam doivent être respectés par les musulmans de façon quotidienne et non seulement dans le mois de carême », défend-il.
Cette foi qui conduit aujourd’hui à la désaffection des bars et débits de boisson devrait se manifester au quotidien et non se limiter au mois de carême. Quoique, à ses dires, le jeûne soit une période de privations diverses recommandée par Dieu à travers le Saint Coran.