Pourquoi sommes-nous adeptes de l’hypocrisie au Bénin ? Pensez-vous que c’est un plaisir pour l’autorité rectorale de réquisitionner des forces de l’ordre sur le campus et d’avoir à débourser dans les maigres ressources pour ce faire ? C’est à chaque fois à son corps défendant. Un responsable ne saurait rester les bras croisés face à des étudiants qui violentent et intimident leurs camarades parce qu’ils n’ont aucune légitimité auprès de ceux-ci ou qui saccagent le peu de ressources existantes pour se sentir à la hauteur. A vrai dire, si les étudiants ne veulent pas de la présence policière sur leur campus, ils devraient avoir une attitude non violente, privilégier le dialogue, la négociation. L’arrivée de la police et de la gendarmerie est, ni plus ni moins, la conséquence de leurs comportements violents et inciviques. Ce qui n’est pas contraire aux franchises universitaires. J’ai la faiblesse de penser qu’une personne éduquée doit le refléter dans toutes ses décisions et actes. Le modus operandi desdits responsables étudiants cache mal leur vrai rapport au savoir et à la science. De plus, on peut se demander si nous avons affaire à des leaders. Là également, j’ai la faiblesse de penser et de croire qu’un leader fait son maximum pour préserver le maximum d’avantages à ses affidés, tout en leur évitant au maximum les risques. Quelle est donc la différence entre les méthodes utilisées et celles de la rue, en mai dernier à Zogbo et environs, suite à la tentative d’arrestation de l’Honorable Azannaï ? Il serait bien que nos amis de la presse fassent leurs investigations. La bonne foi des autorités, à tous les niveaux, de la Flash, des autres décanats et du Rectorat, n’est nullement en cause ici. Qui parmi ces autorités n’a pas de familles, de parents proches ou lointains comme étudiants à l’Uac ? Les responsables étudiants actuels doivent aller à l’école de leurs aînés et prédécesseurs et comprendre que la lutte estudiantine au Bénin a une histoire et une identité du sceau de la non-violence. Il semblerait que nos jeunes frères et sœurs étudiants soient, depuis quelques années, en train de copier les méthodes de la Feci avec à la clé des milices. Aussi, chaque responsable se croit-il dans l’obligation, pense-t-il, pour marquer son mandat, de faire sa grève. Et comme les bureaux se renouvellent tous les ans, chacun veut organiser, pour son passage, sa grève comme le sésame pour entrer au panthéon des meilleurs dirigeants d’étudiants. La meilleure manière de montrer que l’on a travaillé ou qu’on est utile, n’est pas, à mon humble avis, dans la grève. On peut trouver des techniques plus originales de faire la grève et susciter, en cela même, l’admiration de tout le monde, forçant par-là les gens à vous prendre en grand respect. "Science sans conscience n’est que ruine de l’âme", nous enseigne un grand sage.
L’État veut du Lmd, mais ne s’en donne pas les moyens. Intrinsèquement, c’est un système qui s’adapte aux groupes pédagogiques à taille réduite. Une université, normalement, fait entre 15 mille et 30 mille étudiants. La Flash-Uac seule fait plus de 45 mille et toute l’Uac avoisine les 100 milles. En clair, nous avons trois universités en une. Comme si cela ne suffisait pas, il y a, en plus, la gratuité pour les étudiants non boursiers, non secourus et non salariés. Une université a, d’abord et avant tout, vocation à l’élitisme et non au populisme. Dans ces conditions, il ne faut pas s’étonner que les Recteurs passent leur temps à gérer des crises. La clé du problème, à mon humble avis, est dans une réforme globale, volontariste, courageuse et ambitieuse de l’institution universitaire, passant par le prisme de la vocation première de toute université : former l’élite. Ce qui suppose de donner beaucoup plus la priorité à l’éducation dans tous les sens du terme. Antoine de Saint-Exupéry a écrit : "J’ai réuni les maîtres et leur ai dit : ne vous y trompez pas ; je vous ai confié les enfants des hommes non pour peser plus tard la somme de leurs connaissances, mais pour me réjouir plus tard de la qualité de leur ascension". Les enseignants doivent être respectés et célébrés. Car, comme le soulignait Julius Nyerere déjà en 1966, "ce sont les enseignants, plus que tout autre groupe, qui déterminent les attitudes et modèlent les idées et les aspirations d’une nation". Osons poser les bonnes questions pour ensuite pouvoir prendre les bonnes décisions. Devons-nous être fiers des conditions difficiles de travail et d’études dans nos universités ? Est-ce que l’état de nos universités corrobore la réputation de quartier latin reconnue à notre pays ?
Dr Serge Armel ATTENOUKON
Département de Psychologie et Sciences de l’Éducation
Faculté des Lettres, Arts et Sciences Humaines (FLASH)
UNIVERSITÉ D’ABOMEY-CALAVI