Aujourd’hui l’unanimité est faite sur l’état de la nation béninoise : elle se porte mal, très mal. Ce constat n’est plus seulement celui de l’opposition politique, mais celui de toutes les populations béninoises et de tous les observateurs et partenaires étrangers.
C’est dans ces circonstances éprouvantes pour notre peuple qu’a démarré, le 16 mai 2015, la 7è Législature de l’Assemblée Nationale de l’ère du Renouveau Démocratique.
La présente législature s’installe après des élections non moins éprouvantes, etbien particulières :
1) En effet, les élections du 26 Avril 2015 ont été, le premier baptême du feu de la nouvelle formule de la CENA, installée il y a juste quelques mois, et qui doit parfaire son organisation et ses méthodes.
2) C’est également le premier scrutin qui utilise les résultats des travaux du COS-LEPI, travaux marqués par des suspicions permanentes entre le gouvernement et le nouvel organe créé par l’Assemblée Nationale, et qui n’inspirait pas non plus une confiance infinie à un certain nombre de forces politiques ;
3) Bien particulières, ces élections l’ont été, en raison du rôleexcessif et insultant que l’argent a joué, et cet état de chose a même provoqué des inquiétudes jusqu’au niveau des observateurs étrangers, jusque chez nos partenaires techniques et financiers.
4) Particulières enfin, ces électionsl’ont été en ce qu’elles étaient destinées à désigner une Assemblée à cheval entre un pouvoir finissant, celui de YAYI Boni, et le pouvoir qui s’annonce le 6 Avril 2016.
Nous voici donc réunis, 83 députés installés depuis le 16 Mai 2015, avec la mission constitutionnelle de voter nos lois, de voter le budget, de contrôler l’action du gouvernement, d’assurer la représentation nationale, à un moment particulièrement délicat de l’histoire de notre pays. 83 députés au chevet d’un pays en crise, un pays qui souffre.
Le Bénin est en crise. Qui parmi nous oserait affirmer le contraire ? Si nous en sommes là, c’est que les fruits n’ont pas tenu la promesse des fleurs. Qui ne se souvient des espoirs immenses et sans doutedémesurés soulevés en 2006 par l’arrivée au pouvoir du président YAYI ? Qui n’a pas cru, au moins quelques instants, à la promesse du changement peut êtremême à l’émergence ? Nous voici à présent !
D’improvisations en escalades, notre pays expérimente aujourd’hui une désaffection tragique de la population vis-à-vis de l’ensemble de la classe politique, et de la démocratie, puisqu’elle s’est trouvée réduite assez rapidement à ses aspects formels,puisqu’elle ne contribue guère ni au bien-être des Béninois, ni à la paix sociale, ni à la cohésion nationale.
La Représentation nationale elle-même, comme les autres institutions de la République, n’échappe guère audésamour des populations. La boutade veut que les parlementaires soient des ‘’parlementeurs ‘’.
La Cour Constitutionnelle, la Cour Suprême, la HAAC, toutes les institutions constitutionnelles sont perçues aujourd’hui comme des outils du pouvoir d’état, et des pouvoirs d’argent.
Au niveau économique et social, les pratiques de nos dirigeants actuels, les improvisations, les remaniements ministériels incessants, les affectations continuelles dans la haute administration et des grandes sociétés d’Etat, bref, cette gouvernance débridée a fini par mettre à genoux l’économie nationale.
Au demeurant, le parti-pris résolument régionaliste et tribal du Chef de l’Etat, publiquement formulé dans ses propos au cours de ses tournées en hélicoptère pour une campagne électorale qui ne s’est pas arrêtée depuis neuf ans, a créé entre les régions de notre pays, entre les citoyens, au sein des familles et surtout entre les cadres, un climat de méfiance et a laissé des blessures dont la guérison sera quelente et progressive, à condition bien sûr qu’un antidote approprié leur soit administré !
Notre peuple croit de moins en moins aux vertus de cette fête que les politiciens s’offrent et qu’ils appellent élections ou démocratie. Si nos compatriotes en veulent et en redemandent, c’est en raison des redistributions qui se font en ces occasions. Il y a l’arrivée enfin des responsables dans les régions les plus reculées malgré les pistes défoncées ou même l’absence de pistes. Il y a les pluies d’argent durant les nuits du 'porte à porte' et les jours de remerciement. En dehors de ces avantages-là, ils savent bien que leur vie ne changera pas beaucoup, sinon va s’empirer entre deux élections.
Mesdames et Messieurs,
Honorables collègues,
Vous savez bien que ce que nous disons, c’est la vérité. La vérité pure et simple. Ces vérités doivent nous rendre inquiets pour notre avenir commun, pour la paix et la stabilité de notre pays.
En réalité, ces dix années de règne du président YAYI et de ses alliés auront fixé au rouge aussi bien les voyants sociaux et économiques que ceux de la sécurité collective. Car le terrorisme prospère souvent sur le terreau de la pauvreté et du désespoir.
Chers collègues, Prenons garde ! Le désespoir et ses conséquences funestes ne sont l’apanage d’aucun peuple en particulier. Prenons garde ! Cela n’arrive pas qu’aux autres. Mais, rassurez-vous, nous ne jouons pas à faire peur. Nous voulons seulement inviter à la vigilance et à la lucidité.Nous voulons inviter à changer de toute urgence de pratiques politique pour éviter le chaos. Et pourtant, il y a des solutions possibles.
Notre mission, nos devoirs
Notre diagnostic est que le mal qui ronge notre pays est d’abordpolitique. La solution doit êtreelle-même politique.
A cet effet, nous pensons qu’il faut rapidement et courageusement initier et adopter quelques réformes. Nous devons, chers collègues :
- reformer l’activité politique et les partis politiques, sans jamais enfreindre aux libertés garanties par la Constitution ;
- Revisiter le financement des partis politiques et leur condition d’existence ;
- Revisiter le code électoral, l’organisation et le financement des élections : la télécommande principale, sinon exclusive en la matière, doit être celle que fournit le financement public, avec contrôle et vérification de l’utilisation des fonds alloués ;
- Nous devons assurer une meilleure représentation des jeunes et des femmes dans nos assemblées électives ;
- Nous devons exiger et obtenir une professionnalisation de la CENA, et son indépendancevéritable, afin d’instaurer la confiance que procure une pratique transparente et fiable;
- Nous devons exiger et mettre en œuvre une plus grande transparence lors des opérations electorales. Nous pouvons et nous devons utiliser les possibilités que fournit aujourd’hui la technologie pour introduire l’usage des cartes électorales biométriques dans toutes les élections à venir. C’est possible. Ceci nous permettrait de réduire la fraude, d’avoir des élections plus sincères et crédibles, et donc de consolider la paix et la stabilité dans notre pays.
Cette énumération ne prétend pas à l’exhaustivité. Nous n’avons mentionné que les réformes qui nous paraissent les plus urgentesà la veille de l’élection cruciale de Février 2016.
Mesdames et Messieurs,
Chers collègues,
Nous sommes13 soldats au front, en première ligne dans le combat pour la démocratie, le progrès économique et la paix sociale. Nous sommes conscients de ce que seuls, nous ne pouvons pas gagner, et nous sommes désireux de nous associer aux autres forces présentes à l’hémicycle, à toutes les forces patriotiques de notre pays, pour faire avancer le Bénin!C’est à cet effet, que nous avons décidé de créer le groupe parlementaire 'L’Union Fait la Nation'.
Le groupe parlementaire 'L’Union Fait la Nation' s’inscrit résolument dans l’opposition au régime YAYI Boni, et luttera contre toutes les formes de mauvaise gouvernance ! Pour nous, il ne s’agit pas de combattre YAYI Boni et ses pratiques anti-démocratiques et antiéconomiques, il s’agit de combattre résolument tous ceux qui, aujourd’hui et demain, reproduisent les excès qui mettent à genou notre peuple et la dignité nationale. Nous voulons, chers collègues, lutter avec vous, pour faire adopter les réformes précitées. Nous lutterons, avec vous, contre la corruption, le tribalisme, et le régionalisme.
Nous lutterons sans répit contre tous les actes et toutes les formes de mauvaise gouvernance, contre les improvisations, contre les dérives liberticides, l’autocratie et le pouvoir personnel, contre les enlèvements et les tentatives d’enlèvement, contre toute velléité de dictature !
Notre groupe est ouvert à tous les députés qui partagent nos aspirations.
Les 13 députés qui composent le groupe pour l’instant, et qui ont signé la présente déclaration sont :
- AHOSSI C. Basile Léon
- AMOUSSOU Ange-Marie Bruno
- AZANNAÏ Candide Armand Marie
- DEGBEY Kuadjo Joslyn
- DJOGBENOU Joseph
- GBENONCHI Gérard
- HOUANGNI Parfait
- HOUNDETE Eric Louis
- IDJI Antoine Kolawolé
- KOUSSONDA Adjibadé Moukaram
- NOBIME C. Patrice
- PRUDENCIO Claudine Affiavi
- VLAVONOU Louis
Nous avons choisi comme Président, notre collègue Kolawolé A. IDJI.
Vive la démocratie !
Vive le Bénin !