Le Conseil des ministres s’est réuni en séance extraordinaire le jeudi 23 juillet 2015 sous la présidence du président de la République, chef de l’Etat, chef du gouvernement.
Au cours de la séance, le Conseil des ministres a pris connaissance des conclusions de l’audit d’investigation du PPEAII conduit par le cabinet KROLL de renommée internationale choisi de concert par le Bénin et la Hollande.
Il ressort de ce rapport :
des dysfonctionnements graves de l’administration et une implication directe et active de certains fonctionnaires caractérisés par un système de fractionnement des marchés et des violations graves et répétées des règles d’exécution des dépenses publiques ;
un vaste réseau de fraude qui a permis de détourner des fonds de la Direction générale de l’Eau notamment du PPEAII de l’ordre de plusieurs milliards de francs CFA au préjudice du Trésor public et du bailleur en un temps record dont deux virgule six (2,6) milliards de francs CFA dans le cadre du PPEA2 et cinq (5) milliards au niveau de plusieurs ministères le tout de l’ordre de huit (8) milliards exclusivement par les sieurs Rémy Kodo du Couffo et Rock Saré Niéri beau-frère de Olivier Boco. Ainsi le rapport a permis d’identifier les auteurs de ces détournements à savoir les deux (02) opérateurs économiques Rémy Kodo et Rock Niéri. En outre, le rapport a conclu à des marchés fictifs sans objet réel, un réseau de sociétés-écran qui a permis de recevoir les fonds publics détournés ;
des marchés de travaux attribués dans des conditions irrégulières à des sociétés-écran ;
le recours à des sociétés ad’ hoc de création récente pour répondre aux consultations restreintes en deçà des seuils d’appel d’offres ;
des lignes de crédit autres que celles de la DG Eau et du PPEAII ont également fait l’objet de détournements ;
des défaillances des corps de contrôle de l’Etat ;
un système d’alerte bancaire et de déclaration de soupçons insuffisant.
Au titre des responsables impliqués à des degrés divers, le rapport a cité :
l’ex-ministre en charge de l’Energie, des Recherches pétrolières et minières, de l’Eau et du développement des Energies renouvelables ;
le directeur de cabinet du ministère en charge de l’Eau ;
le directeur de la programmation et de la Prospective du ministère ;
la directrice des Ressources financières et du matériel du ministère et certains de ses collaborateurs ;
le directeur général de l’Eau ;
le délégué du Contrôleur financier auprès dudit ministère et certains de ses collaborateurs ;
le coordonnateur du Programme PPEAII et son adjoint ;
le directeur administratif et Financier du Programme PPEAII ;
le chef comptable ;
le chef du Service Matériel et Logistique ; et
certains opérateurs économiques.
A la suite de l’examen du rapport, les mesures et recommandations ci-après ont été retenues et sont en cours d’exécution. Il s’agit notamment de :
geler tout décaissement au profit du ministère de l’Eau ;
créer la Cellule technique de suivi de l’Exécution des accords et contrats publics ;
renforcer les capacités des délégués du Contrôleur financier ;
instaurer l’Avis de non objection où il sera désormais fait obligation à tout ministre sollicitant une réallocation de ressources portant sur un financement extérieur, de joindre l’avis de non objection du bailleur ;
évaluer des réformes en cours au niveau du ministère chargé des Finances ;
renforcer l’Inspection générale des Finances ;
faire conduire un audit systématique des biens, services et forages, censés avoir été fournis ou exécutés par la direction générale de l’Eau en 2014 et 2015 ; des fonctionnaires responsables interrogés ont en effet été incapables de produire les éléments permettant d’établir la matérialité des biens livrés et des prestations effectués ;
renforcer l’indépendance des Inspections générales de la tutelle des ministres ; indépendance qui va de pair avec le renforcement de leurs moyens d’actions techniques, humains et matériels ;
instituer un Parquet financier indépendant, chargé de la lutte contre la délinquance économique et financière ;
Eu égard à la gravité des faits relevés dans le rapport, le Conseil des ministres a :
à l’endroit de l’ex ministre en charge de l’Eau, Barthélemy Kassa, pour lequel le cabinet a relevé qu’il était informé de la fraude orchestrée sans avoir réagi mais, il souligne qu’aucun flux financier n’a été repéré au profit du ministre ; cependant, le ministre est invité à se soumettre aux procédures constitutionnelles visant à la manifestation de la vérité en raison de sa qualité de ministre au moment des faits en l’occurrence la Haute cour de Justice, structure habilitée à écouter les personnalités de son rang, puisqu’il continue de nier les faits qui lui sont reprochés par le cabinet qui serait en possession d’informations échangées entre lui et ses agents incriminés;
à l’endroit des opérateurs économiques, décidé de leur radiation pure et simple de la chaine de passation et du bénéfice des marchés publics au Bénin aux termes des procédures conformément à la loi ;
à l’endroit des responsables et agents du ministère en charge de l’Eau au nombre d’une dizaine environ, donné les instructions au ministre en charge de l’Eau aux fins de les suspendre immédiatement de leurs fonctions respectives ;
instruit le ministre en charge de la Fonction publique à prendre les dispositions urgentes conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur en vue de la radiation immédiate des agents et responsables mis en cause ;
instruit le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, de la Législation et des Droits de l’Homme à faire engager les poursuites judiciaires appropriées en vue des sanctions pénales et du remboursement des sommes détournées.
Le Conseil des ministres saisit cette occasion pour réaffirmer sa détermination :
à mettre en œuvre les recommandations contenues dans le rapport en vue de l’amélioration du système d’exécution des dépenses publiques ;
à prendre toutes les mesures nécessaires en vue du renforcement de la coopération entre le Bénin et les Pays-Bas ;
c’est le lieu d’insister sur la nécessité de combattre l’impunité et la corruption qui ont eu droit de cité dans notre pays depuis des décennies. Elles expliquent tous ces dysfonctionnements que le gouvernement s’emploie à mettre en exergue en raison de son option de la transparence dans la gestion des affaires de l’Etat. Dans cet effort, le gouvernement doit pouvoir compter sur la Justice dont le rôle dans la lutte contre la corruption pour mettre fin à l’impunité est central. Le gouvernement est déterminé à tout mettre en œuvre, y comprises les réformes de toute la chaine de contrôle en vue de gagner ce combat tant il est vrai que sans la fin de la corruption et de l’impunité, il ne saurait être question de recul de la pauvreté encore moins de son élimination.
Fait à Cotonou le 23 juillet 2015
Le secrétaire général du
gouvernement,
Alassani Tigri