Président de Fédération béninoise de football (FBF), Augustin Ahouanvoebla, répond pour Afrik-Foot aux accusations dont il est la cible de la part du ministère des Sports depuis le 27 mars et le retrait de l’agrément par le gouvernement qui a officiellement dissout l’instance. "J’ai rencontré la mission conjointe de la CAF et de la FIFA" qui s’est rendue au Bénin le 22 juillet dernier, explique-t-il.
A Porto-Novo,
La crise fait rage au Bénin entre la Fédération béninoise de football (FBF) et le gouvernement du pays qui a décidé du retrait de l’agrément le 27 mars dernier, entraînant officiellement la dissolution de l’institution et la suspension des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2 à la 10e journée. Le ministre des Sports, Safiou Idrissou Affo, reproche à la FBF des malversations financières et des problèmes de gouvernance qui ont entraîné notamment la suspension de la sélection U 17 béninoise par la CAF de toute compétition officielle depuis le 4 septembre 2014, pour avoir tenté de falsifier l’âge de certains joueurs. Mercredi 22 juillet dernier, une mission conjointe de la FIFA et de la CAF s’est rendue à Cotonou pour tenter de résoudre le conflit. Dans un entretien avec Afrik-Foot, le président de la Fédération béninoise, Augustin Ahouanvoebla, répond à ces accusations.
Depuis le retrait de l’agrément à la FBF par le gouvernement, la fédération n’existe plus officiellement. Avez-vous des nouvelles de la procédure ?
Les crises successives au Bénin deviennent récurrentes et elles ne permettent vraiment pas de montrer les vrais talents dont nous disposons. Malheureusement, les situations nouvelles, créées de toutes pièces, nous aliènent. C’est comme une mort subite. C’est en plein championnat, que subitement le gouvernement et la République du Bénin décident du retrait d’un agrément : un agrément qui n’a jamais existé au Bénin. Quand vous donnez un agrément, si ce n’est pas un arrêté ou un décret, cela doit figurer dans les archives de la République. Il doit y avoir des traces. Et il n’y en a pas. C’est un argument totalement fallacieux, malhonnête, pour foutre la merde dans le football, juste pour des raisons politiques. Parce que je suis un opposant politique majeur au chef de l’Etat. Il est le maître d’ouvrage. Le maître d’ouvrage délégué s’appelle le ministre des Sports, j’ai pitié de lui. Ils ont encore 7 mois, ils vont dégager, et on va mettre de l’ordre dans notre football. On peut tout casser aujourd’hui, comme ils cassent tout dans le pays. On va voir ce que cela va donner pour la suite.
Il y avait une mission conjointe de la CAF et de la FIFA qui était à Cotonou mercredi 22 juillet dernier, est-ce que vous l’avez rencontrée ?
C’est la première fois dans l’histoire du football mondial qu’une mission FIFA/CAF est menée de cette façon. Je dis bien c’est pour la première fois. C’est totalement irrégulier, cela ne respecte aucun format. Tel que c’est conduit, on comprend déjà là où on va. Parce qu’effectivement la FIFA a diligenté une mission CAF/FIFA, composée d’Abega Prospère, président de la Commission d’appel de la CAF, et de monsieur Omari Constant, membre du Comité exécutif de la FIFA et président de la Fédération congolaise de football. Ils sont venus et tel que cela s’est déroulé, cela ne peut pas se passer, pas comme cela. Le 24 août 2013, ils étaient arrivés à une mission qui a échoué, et maintenant ils viennent pour parachever cette mission*. Nous attendons de voir. Le football va renaître de ses cendres de toutes les façons.
"Les membres de la mission CAF/FIFA sont venus en balade"
Et désormais, vous attendez quoi de leur travail ?
Je n’espère rien puisque que nous n’avons rien fait. Ils sont venus en balade. Ils sont venus voir leurs amis et ils sont repartis.
Leurs amis, vous parlez de qui ?
Ils le savent. Ils auront le temps de le dire et vous aurez le temps de le savoir aussi. Et les amis en questions, c’est les amis du gouvernement.
Cette mission fait suite à celle de l’expert de la FIFA, Primo Covaro. A quoi avait-elle abouti ?
Monsieur Primo Covaro ne peut pas détruire le football mondial. Il ne peut pas être dans la dynamique de remettre en cause les repères, les diligences, et tout ce qu’il faut pour une bonne gouvernance du football mondial. Comme ce n’est pas leurs amis qui sont arrivés (à la tête de la FBF, ndlr), ils ont estimé que cette mission a échoué. Ils ont envoyé une autre mission. Vous apprendrez dans les jours à venir le rapport de cette mission.
"L’une des choses que l’on me reproche, c’est que la région du chef de l’Etat ne participe pas au championnat du Bénin"
Justement vous dites qu’elle a échoué, mais à quoi voulait-elle aboutir ?
La mission n’a pas échoué. Les autorités gouvernementales du Bénin, avec leurs amis qui sont tapis dans l’ombre et dans certaines institutions du football, estiment que cette mission est une mission d’échec. Nous sommes dans un pays où tout est permis. Ils ont tout fait pour faire arriver leurs gars, qui ont commencé quelque chose le 24 août 2013. Et c’est ce qu’ils veulent parachever maintenant.
Ils attendaient concrètement votre départ ?
Ils attendaient mon départ mais ils ont tort, ils n’ont rien compris.
Quelles sont les prochaines échéances avec la FIFA ?
Nous attendons le rapport, la décision suite au rapport. Il y a des choses que je ne vais pas dire devant vous... J’ai eu des preuves, des enregistrements.... Je suis une personnalité de la République, j’appartiens à des institutions claires. On ne peut pas tout laisser permettre. Il faut distinguer pour ne pas confondre. Le football n’a pas de religion, on ne fait pas de la politique avec. Le football est totalement apolitique. Par conséquent, je peux travailler avec n’importe qui. L’une des choses que l’on me reproche, c’est que la région du chef de l’Etat ne participe pas au championnat du Bénin. Ils veulent tout casser.
Vous estimez clairement que les personnalités de la FIFA rencontrées sont de mèche avec le gouvernement et le ministre actuel ?
Absolument.
Pensez-vous que la FIFA va effectivement sanctionner la FBF ?
Elle ne peut pas sanctionner la fédération, qui n’a pas de problème avec la FIFA. La fédération a des problèmes avec son instance gouvernementale qui n’a pas le droit de s’immiscer dans les affaires de la Fédération béninoise de football. Je vous le répète, nous sommes en plein championnat, nous étions à la 10e journée du championnat professionnel de Ligue 1, quand subitement au cours d’un conseil des ministres, on se permet de dire ce qu’on a dit là. Cela voulait dire que ma tête était mise à prix, depuis longtemps, je ne vais pas vous le cacher. Le chef de l’Etat a dit clairement qu’il ne va jamais rencontrer le comité exécutif avant de le dissoudre. Il n’a jamais accepté, après plusieurs audiences demandées, de nous rencontrer.
"Le ministre des Sports est dans la tricherie en permanence"
Depuis le 27 mars dernier, quelles sont les relations entre la Fédération béninoise de football et le ministre des Sports, Safiou Idrissou Affo ?
Il n’y a aucun rapport. Ils sont dans la tricherie. Le ministre des Sports est dans la tricherie en permanence. Mais comme je suis une personne un peu responsable et soucieuse de mon pays, je ne peux pas permettre, que pour une volonté personnelle de vengeance, le football de mon pays soit détruit. C’est pour cela que parfois je baisse la garde pour essayer de voir ce qu’on peut faire pour qu’on aplanisse toute les divergences et qu’on se retrouve sur le bon chemin pour avancer.
Il y a eu des évolutions... Avant ce siège de la FBF était occupé par les militaires. Depuis combien de temps avez-vous récupéré les lieux ?
Ils (les militaires, ndlr) sont venus, ils ont empêché les gens de rentrer, ils ont militarisé la fédération. Je vous rappelle que la Fédération béninoise de football n’est pas propriété de l’Etat. La FBF a des membres qui sont propriétaires. Et les membres ce sont les clubs, les associations des arbitres, ainsi de suite. Nos statuts sont clairs. Nous n’avons pas pris un centime dans le budget général de l’Etat pour nous installer. Nous avons reçu, comme cela se fait dans beaucoup de pays, des subventions, des ressources directes de l’Etat pour nous installer.
Le siège de la Fédération béninoise de football, à Porto-Novo (Crédit photo : Frédéric Schneider)
Comment avez-vous réussi à reprendre possession de ce siège ? Il y a eu des négociations ?
Ils ont quitté le siège simplement. Je n’ai fait aucune négociation. Yayi Boni (le président béninois, ndlr) est en train d’instaurer un régime d’exception à la tête de l’Etat mais d’ici sept mois, il va partir.
Vous attendez avec impatience cette élection présidentielle ?
Je serais bien au cœur du prochain régime. Mais je ne ferais pas cela (rester à attendre, ndlr).
Alors que reprochez-vous concrètement au ministre des Sports ?
Il est le bras armé du chef de l’Etat. Il n’a aucun pouvoir de décision, c’est ce que le chef de l’Etat lui dit de faire qu’il fera. Il est le maître d’ouvrage délégué. Et le maître d’ouvrage c’est le chef de l’Etat. Je ne lui reproche rien car c’est son patron hiérarchique qui lui recommande ce qu’il y a à faire.
Justement, ce ministre des Sports avait indiqué vouloir "mettre en place des commissions pour un nouveau départ du football béninois", qu’est-ce que vous pensez d’une pareille décision ?
Les textes qui régissent le football mondial ne favorisent pas cela. La FBF est régie par la loi de 1901, c’est comme une association librement constituée avec des membres. Le ministre des Sports est membre ? S’il veut faire quelque chose, il n’a qu’à le faire de son côté avec les prérogatives que la Constitution de la République du Bénin lui confèrent. Je ne suis pas dans une république bananière, je ne suis pas en Corée du Nord. Nous sommes dans un pays de démocratie.
Des "malversations", mais pas de corruption au sein de la FBF
Mais, le gouvernement souhaite également réaliser un audit du patrimoine de la fédération...
Quel droit ont-il pour cela ? Ils sont membres de la fédération ? Non. Le seul organe auquel obéit le comité exécutif de la Fédération béninoise de football s’appelle le Congrès de la Fédération béninoise de football. Il se tient annuellement. Si au cours du congrès, il est demandé de faire un audit, nous ne le refusons pas. Ensuite, les audits sont commandités par la FIFA périodiquement, et je peux vous assurer que le Bénin fait parti depuis deux ans des meilleurs membres de la FIFA, sur la base de tout ce que nous faisons, de la rigueur que nous avons mise en place.
La Fédération béninoise risque de se faire suspendre par la FIFA au vu des dernières déclarations de ses représentants qui ont dénoncé "l’ingérence" du gouvernement. Quelles seront les conséquences de cette suspension sur le football ici ?
Une suspension à cette époque, cela nous ramènerait à une suspension jusqu’en 2023. Nous serions tous désolés de voir la FIFA nous suspendre pour tant d’années. C’est notre souci majeur et nous estimons que nous devons travailler de manière à éviter cela. Officiellement, toutes les institutions de la République qui acceptent de nous recevoir depuis quelque temps sont soucieuses et solidaires avec la Fédération béninoise de football parce qu’ils comprennent quand on leur explique. On ne dit pas toujours tout au grand public. Il y a des choses de la République qu’il faut garder confidentielles.
Vous dites que les missions de la FIFA ont échoué. D’où peut venir la solution ? De l’élection présidentielle et du changement de gouvernement ?
C’est une des solutions, étant donné que le chef de l’Etat actuel qui est en train de finir son mandat a juré d’avoir la peau du président de la Fédération béninoise de football que je suis. Il a dit qu’il veut avoir ma peau. Ce n’est que lorsqu’il partira qu’on va trouver la solution. A ce moment, l’après-pouvoir va le rattraper aussi. Il est Dieu encore du Bénin pour sept mois. Je le reconnais. Et je ne mourrai pas avant ces sept mois.
Le football béninois est victime de plusieurs affaires de corruption depuis des années, notamment au niveau de la fédération et de vos prédécesseurs. Quelles sont les solutions à mettre en œuvre pour y mettre fin ?
Je ne connais pas la corruption. Il peut y avoir des malversations ponctuelles de quelques responsables, mais de la corruption, des pots de vin, je ne connais pas cela. En République du Bénin, au niveau de la Fédération béninoise de football, je ne connais pas cela. Il peut y avoir quelques malversations, cela a été relevé le 20 août 2014, au cours du Congrès de la Fédération béninoise de football où l’ancien président, Anjorin Moucharaf, a été identifié comme un des responsables de détournements et de malversations, suite aux différents rapports. Les congressistes m’ont demandé de le poursuivre devant les tribunaux ordinaires. Avant que la FBF ne poursuive un membre, il faut une autorisation du Congrès. Ils ont exigé de moi que je le poursuive. C’est en cours. Cela fait partie des éléments sur lesquels on s’acharne aussi. On veut tout faire pour que cela n’arrive pas. Même si je ne suis plus là, même si le comité exécutif n’est plus là, c’est déjà engagé. Cela suivra son cours jusqu’à la fin.