C’est un banc des accusés désespérément inoccupé qui a fait écho à l’appel du président de la Cour de céans, vendredi 31 juillet dernier. Oluwafèmi A. Ogounlase, Francis Gounou Kpérou et Sahadatou Mama Gahou, accusés du crime d’association de malfaiteurs et de recel de choses volées, n’y étaient pas. Fallait-il les juger par défaut ? Renvoyer la cause à une autre session de la Cour d’assises ? Les débats ont été vifs, sous la direction du président Nicolas Biao, qu’assistaient Michel Adjaka et Ismaël Sanoussi, Me Angeline Soarès assurant la mémoire de l’audience.
Constatant l’absence des accusés, Christian Attayi, représentant du ministère public, assure la Cour que toutes les diligences ont été accomplies par le parquet général pour les retrouver et leur signifier l’ordonnance de renvoi, et requiert de la Cour qu’elle les juge donc par défaut.
Les conseils des accusés, eux, ne croient pas que toutes les formalités ont été bien accomplies. Ils préfèrent que le parquet prenne le temps de bien s’acquitter de ses diligences. Et plaident le renvoi du dossier à une session ultérieure de la Cour. Car, il est curieux, relèvent-ils, qu’aucun des trois accusés n’ait pu être retrouvé, la signification ayant été délaissée au parquet pour deux d’entre eux et à une sœur pour le troisième d’après les pièces au dossier. Pourtant, dame Sahadatou au moment des faits, résidait au Burkina Faso indique son avocat Me Romain Dossou, qui se demande à quelle adresse l’on a bien pu lui délaisser l’ordonnance de renvoi. Sans doute donc, conclut-il, que rien n’est encore véritablement fait dans ce dossier.
Aucun acte de procédure accompli
D’ailleurs, les accusés mis en détention le 23 novembre 2005 ont bénéficié d’une mesure de mise en liberté provisoire en 2006, soit depuis près de 10 ans. Aussi souligne-t-il que depuis cette date, aucun acte de procédure n’a été accompli. Or, ces accusés ont payé une caution pour garantir leur représentation et ne sauraient donc, s’ils avaient été joints, se dérober. Procéder à un jugement par défaut, c’est empêcher les avocats mobilisés pour la défense des accusés, de révéler des choses, c’est protéger les véritables auteurs des faits qui courent toujours, appuie Me Théodore Zinflou, avocat de Francis Gounou Kpérou, le seul des trois accusés qui se trouvait au Bénin au moment des faits. Au total, ceux qui ont fabriqué ce dossier devraient être interpellés, soutient Me Zinflou qui, porté par son expérience et sa voix de stentor, mobilise l’attention de la Cour. Même logique de la part de Me Moustapha Waïdi, pour le compte d’Oluwafèmi A. Ogounlasè. Il rappelle que son client vit au Nigeria et que si signification il y a eu, elle aurait dû être faite à Lagos.
Puis, s’agissant de caution, les avocats s’étonnent que dans un dossier pareil, pour une caution fixée au départ à 1.000.000FCFA, l’on ait finalement fait payer 50.000 FCFA seulement à chacun des mis en cause moins d’un an après. Pour s’interroger sur les tenants et aboutissants de ce dossier, de son caractère suspect…, convaincus que les accusés sont des victimes, les vrais auteurs des faits restant à épingler. Et, raison supplémentaire pour la Cour de ne pas prendre ce dossier en l’état, l’absence de pièces fondamentales comme l’enquête de moralité et le rapport d’expertise médico-psychiatrique, enfoncent les avocats de la défense.
Pas de cet avis, l’avocat général, Christian Attayi révèle que dame Sahadatou vit au carré 277 à Sègbèya Cotonou, et que seul Oluwafèmi a indiqué comme résidence Lagos mais précisé que son adresse à Cotonou est auprès du sieur Francis Mama Gounou Kpérou. Répartie de la défense. Certes, il a été précisé au départ que dame Sahadatou vivait au carré 277 Sègbèya, mais au moment de son arrestation, elle vivait déjà au Burkina Faso et n’était à Cotonou que dans le cadre de ses activités, étant partie de Sègbèya suite à des problèmes avec son oncle Gounou Kpérou.
Partie délibérer, la Cour retient que les formalités n’ont pas été accomplies conformément aux normes et que les enquêtes de moralité, autant que les rapports d’expertise médicale absents au dossier, impliquent que l’affaire n’est pas en état d’être jugée. En conséquence, la Cour la renvoie à une session ultérieure de la Cour d’assises. Jubilation de la défense.
De quoi auraient-ils dû répondre ?
Les faits pour lesquels les accusés étaient attendus à la barre vendredi dernier, présentés par la Cour, suggèrent que le dimanche 13 novembre 2005, les nommés Oluwafèmi Adegbeminiyi Ogounlasè et Sahadatou Mama Gahou ont été interpellés par la police à Allada alors qu’ils circulaient à bord d’un véhicule de marque Mercedes Benz 4X4, suspecté d’être un véhicule volé. Selon les informations reçues par les services de la police béninoise, les susnommés seraient membres d’un réseau de voleurs de véhicules en provenance du Nigeria et que la Mercedes Benz à bord de laquelle ils étaient serait en voie d’être envoyée au Burkina Faso pour y être vendue. L’enquête diligentée par les agents de police a permis de découvrir l’existence, au Nigeria, d’un réseau de braqueurs qui sont en liaison avec les nommés Oluwafèmi A. Ogounlasè, Francis Gounou Kpérou et Sahadatou Mama Gahou. Le mode opératoire du réseau consiste pour ses membres se trouvant au Nigeria, à braquer des personnes, à les déposséder de leurs biens dont des véhicules haut de gamme. Ces véhicules sont ensuite acheminés au Bénin par l’intermédiaire d’autres membres du réseau basés aux frontières, réseau à la tête duquel se trouve le nommé Oluwafèmi A. Ogounlasè. A Cotonou, ces véhicules volés sont confiés aux nommés Francis Gounou Kpérou et Sahadatou Mama Gahou qui sont chargés de les envoyer ou de trouver des acheteurs dans les pays voisins tels que le Mali, la Côte d’Ivoire ou le Burkina Faso.
Un braquage perpétré au Nigeria
Les investigations des enquêteurs ont permis de découvrir que le véhicule de l’espèce, à bord duquel se trouvaient les accusés, provenait d’un braquage perpétré au Nigeria dont la victime est la nommée Virginia Ifèyinwa Moses de nationalité nigériane. Interpellés, les nommés Oluwafèmi, Francis et Sahadatou ont été inculpés d’association de malfaiteurs et de recel de véhicules volés et placés sous mandat de dépôt le 23 novembre 2005. A l’enquête préliminaire, ils ont tous reconnus les faits qui leur sont reprochés avant de se rétracter devant le juge d’instruction. Au cours de son interrogatoire, l’accusé Ogounlasè a cité les nommés Toundji, Youssef Ahmed et Adé comme faisant partie de ceux qui mettent les véhicules à la disposition de Sahadatou.
Les accusés bénéficient de la mesure de mise en liberté provisoire depuis le 1’ Juillet 2006 pour Sahadatou, le 20 octobre 2006 pour Ogounlasè et sans précision de date Francis. Seuls les bulletins N°1 d’Ogounlasè et de Francis sont versés au dossier et ne portent mention d’aucune condamnation antérieure. L’expertise médico-psychologique et psychiatrique de Francis figure au dossier et fait état de ce qu’au moment des faits, l’inculpé ne semble pas présenter un trouble mental pouvant altérer ou abolir son discernement.