L’Assemblée nationale du Bénin vient de mettre en place une commission présidée par le député Alexis Agbélessessi pour écouter l’ex-ministre Barthélémy Kassa, cité dans le dossier de détournement des fonds du Programme pluriannuel d’accès à l’eau potable. De mémoire, mis à part certains cas, dont Alain Adihou dans le dossier Lépi, Armand Zinzindohoué dans l’affaire Icc-Services et consorts, Soulé Mana Lawani pour la Cen-Sad, l’Assemblée nationale n’a jamais osé envoyer d’autres dossiers devant cette juridiction.
Dans sa logique de dictature des textes, Adrien Houngbédji, mais aussi l’ensemble des députés, ont, plus que jamais, le devoir de satisfaire le peuple.La corruption, le détournement de deniers publics, les délits d’initié et autres actes de mauvaise gestion ont jalonné les neuf années de gestion du Président Boni Yayi. Mais, aucun des accusés, au plus haut niveau de l’Etat, n’a jamais été sanctionné de succès. La faute à une procédure judiciaire tributaire du bon vouloir des députés et des forces politiques en présence à l’Assemblée nationale.
Dès lors, la Haute Cour de justice, qui se veut être un instrument de punition des plus hauts dirigeants du pays, a toujours l’air d’une institution de trop. Car jamais sollicitée sans les cas supra-cités et sans un aboutissement qui convainc le peuple. La classe politique béninoise est-elle prête pour la lutte contre l’impunité dans les gros dossiers de détournement de deniers publics dont se rendent coupables les anciens ministres et Chefs d’Etat du Bénin ? La question reste et demeure au regard des nombreux dossiers restés sans suite dans les couloirs de l’Assemblée nationale.
Le cas de l’ancien ministre Barthélémy Kassa en fonction, comme député et président de groupe parlementaire pour cette 7ème législature, sonne comme une grosse épreuve pour les parlementaires. Dans ce Parlement dominé par les forces politiques opposées au Président Boni Yayi, les frasques et actes de mauvaise gestion du régime Boni Yayi sont souvent dénoncés. Plusieurs députés, souvent par des questions écrites et orales, interpellent le gouvernement, afin que des ministres viennent s’expliquer devant la représentation nationale. Mais, tout cela donne l’air d’une comédie bien orchestrée, où des députés déversent leur bille sur des ministres qui retournent à leur sale besogne de détournement des fonds publics.
Après tout, c’est le moindre mal qui puisse leur arriver. Toutes les tentatives pour enfin franchir le Rubicon du bavardage des parlementaires ont toutes échoué. Les cas Rogatien Biaou dans la vente du domaine du Bénin à New York, de Célestine Adjanohoun, de Kamarou Fassassi, de Armand Zinzindohoué dans le dossier Icc-Service et consorts sont tous encore d’actualité et ne connaîtront peut-être jamais une suite judiciaire édifiante.
Difficile d’ouvrir la boîte de pandore
A la lecture de la composition de l’actuelle législature de l’Assemblée nationale faite d’hommes d’affaires peu vertueux, d’anciens ministres, d’anciens hauts dirigeants, d’anciens cadres, il serait difficile d’en attendre mieux. Car, des cadavres, chacun d’entre eux sait combien, il en a dans ses placards. Alors, difficile d’oser ouvrir la boîte de pandore. La classe politique a peur d’ouvrir le boulevard sur lequel plusieurs de ses membres risquent de se faire immoler, parce que rattrapés par leur passé douteux et sombres.
La pression des PTF
Mais, dans ce dossier atypique de détournement des fonds du Programme pluriannuel d’appui au secteur de l’eau et à l’assainissement, il y a de fortes chances que la donne change. Du moins, qu’il y ait une tentative d’oser lever enfin l’immunité parlementaire d’un député pour permettre à la Haute Cour de justice de l’écouter. Car, l’Ambassadeur des Pays-Bas près le Bénin ne veut en aucun cas démordre. Après ses ping-pongs de communiqués de presse avec le ministre des Finances et le Secrétariat général du Gouvernement, il est allé dire ce qu’il pense au président de l’Assemblée nationale. Il n’est pas question pour lui que ce dossier soit rangé dans les tiroirs de l’Assemblée nationale ou classé sans suite. Ne voulant pas quitter le Bénin parce que fâchés contre la mauvaise gestion, les responsables de l’Ambassade des Pays près le Bénin opte pour le pragmatisme. Pas question pour eux de quitter le
Bénin comme les Danois, pour laisser se poursuivre, la tragédie de détournement des deniers publics. Mais, avec eux, plusieurs partenaires techniques et financiers du Bénin mettent la pression pour qu’enfin des sanctions tombent.
Maître Adrien Houngbédji a placé sa mandature à la tête de l’Assemblée nationale sous le signe de la dictature des textes. C’est le moment plus que jamais pour lui et ses collègues à majorité de l’opposition d’envoyer un signal fort au peuple béninois quant à leur volonté de lutter contre la corruption et le détournement des deniers publics.
Paul Tonon