Le Président de l’Assemblée Nationale
A
Monsieur le Président de la République
Chef de l’État
Chef du Gouvernement
Cotonou
Objet : A/S Votre lettre du 04 août 2015
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur d’accuser réception de votre lettre n°335/PR/CAB/SP du 04 août 2015 dont le contenu me surprend eu égard aux relations de franche collaboration, que nous nous sommes évertués à instaurer entre le Gouvernement et le Bureau de l’Assemblée Nationale depuis l’élection de ce dernier.
Les devoirs de ma charge me font obligation de veiller à ce que l’Assemblée Nationale et ses organes exercent leurs attributions constitutionnelles sans entrave ni pression, mais en toute sérénité ; ils me font également obligation d’informer et de rendre compte de nos travaux à nos concitoyens.
Le communiqué en cause n’est que le compte-rendu fidèle des délibérations du Bureau et de la Conférence des Présidents en date du 31 juillet 2015. Le recours à des communiqués est une pratique courante dans toutes les institutions et sous tous les cieux, lorsqu’il y a lieu de dissiper ou de prévenir des malentendus dans l’opinion. Il ne saurait donc être considéré comme une réponse à votre correspondance du 29 juillet, et soumis au parallélisme des formes.
Sur le terrain des formes, je voudrais signaler que le Bureau de l’Assemblée Nationale apprécie modérément que toutes les correspondances d’importance de la Présidence de la République qui lui sont adressées, soient publiées dans la presse avant même qu’elles n’aient été reçues par son Président.
Tel est malheureusement le cas de votre dernière lettre du 04 août 2015, et de votre lettre du 29 juillet 2015, toutes les deux relatives à l’affaire PPEA II eau potable. La méthode ne nous a laissé d’autres choix, pour préserver la crédibilité de notre institution, que de recourir à un communiqué pour faire connaître nous aussi, à l’opinion publique, nos contraintes et nos difficultés dans le traitement du dossier, ainsi que les diligences que nous avons faites.
Je voudrais rappeler à cet égard, et cela n’est pas superflu, que 48h après réception de votre lettre de saisine du 29 juillet, le Bureau avait déjà tenu réunion, entendu la Conférence des Présidents, composé la Commission Spéciale sur la levée d’immunité parlementaire et adopté un calendrier qui fixe au 14 août la date de la séance plénière appelée à débattre du fond de votre demande.
Cette demande elle-même continue de susciter des interrogations, malgré le contenu de votre dernière lettre du 04 août 2015 qui ne nous renseigne pas davantage sur le sens de votre requête, alors qu’il eût suffit d’écrire que vous requérez la levée de l’immunité parlementaire du Député KASSA, pour mettre fin aux supputations. "Inviter l’Assemblée Nationale à faire écouter un député par la Haute Cour de Justice" ne fait pas partie des attributions de notre Institution, et la Haute Cour de Justice ne peut écouter un député qu’après la levée de son immunité parlementaire. De même, en raison de la séparation des pouvoirs, une demande de levée d’immunité parlementaire ne peut être requise par le Président de la République ; elle doit émaner de l’autorité judiciaire, (en l’occurrence le Parquet Général), et être transmise par le Garde des Sceaux à l’Assemblée Nationale.
C’est pour faire diligence que le Bureau de l’Assemblée Nationale a, malgré ces obstacles, composé et saisi la Commission Spéciale en lui demandant de faire rapport sur la forme comme sur le fond. Mais nul doute que ce problème sera évoqué lorsque le dossier sera débattu en plénière, et personne ne peut augurer de l’issue des débats, alors qu’il vous est loisible de régulariser la procédure dès à présent.
La persistance à ne pas éteindre la controverse sur la recevabilité de la procédure, accrédite davantage l’avis de ceux qui, au sein du Bureau comme au sein de la Conférence des Présidents, pensent que "le caractère sérieux, sincère et loyal" est sujet à caution, en ce qui concerne votre volonté de voir lever l’immunité parlementaire du député KASSA.
L’avis de ceux là, du moins tel qu’il a été exprimé, ne met pas en cause les poursuites qu’en leur temps, vous avez fait engager devant la Haute Cour de Justice contre des Parlementaires et des Ministres. Mais partant du constat qu’aucune de ces poursuites n’a abouti, ils ne souhaitent pas se voir imputer la responsabilité d’une nouvelle impasse, alors que l’une des causes du "blocage" de la Haute Cour de Justice réside dans la faiblesse des dispositions de la loi organique de cette haute juridiction. Il me semble opportun, "de lege feranda", que le Gouvernement prouve sa détermination à lutter contre la corruption et les détournements de fonds, en prenant l’initiative d’un réexamen de cette loi organique qui la rendra plus efficace, initiative à laquelle l’Assemblée Nationale ne manquerait pas de s’associer.
La lutte contre la corruption et les détournements est une tâche prioritaire et salutaire, surtout lorsque les fonds détournés compromettent les besoins essentiels de nos populations.
Le rapport KROLL a dressé une liste impressionnante des personnes impliquées. Je veux croire comme vous, qu’elle n’est pas exhaustive et que "certains véritables bénéficiaires" de l’opération restent à identifier et à punir. Mais il appartient à la Justice de le faire.
Je forme le vœu très profond qu’une affaire de corruption et de détournement de fonds, ne serve de prétexte à une nouvelle chasse aux sorcières qui ne pourrait que troubler la paix à laquelle le peuple béninois aspire.
En vous remerciant pour l’assurance de vos sentiments distingués, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma très haute considération.
Adrien HOUNGBEDJI
Président de l’Assemblée nationale
L’exemple Houngbédji !
Limpide, explicite et sans équivoque. Les adjectifs manquent pour qualifier la lettre en date du 6 août 2015 du président de l’Assemblée nationale, Me Adrien Houngbédji au président de la République, Boni Yayi. Une correspondance qui témoigne de ce qu’il y a encore des valeurs dans le vrai sens du terme au quartier latin de l’Afrique. Ce n’est donc pas faute de mieux que certaines institutions servent au peuple une médiocrité sans pareille dans ce genre d’exercice. Des communiqués ou correspondances avec un français approximatif et parsemés d’allusions dignes d’échanges entre deux quidams.
En tout cas, dans la dernière lettre de Me Houngbédji au président Yayi, il n’est pas question du cousin ou du beau-frère de tel ou encore d’une région stigmatisée. Il n’y a non plus de mots grossiers ou de formules indignes. Les Béninois ne demandent pas mieux. Voilà le genre de lettre qu’ils attendent d’une institution de la République ! Et les institutions qui, jusqu’ici tardent à comprendre qu’au sommet de l’Etat, seule l’élite capable de montrer son savoir-faire, a droit de cité, doivent changer de disque. Ce n’est pas pour rien que beaucoup sont admiratifs de la perspicacité et de la rigueur de Me Adrien Houngbédji. L’homme d’Etat mérite tout simplement le respect dû à son rang. Il est allé à la bonne école et la jeunesse ferait mieux de prendre exemple sur lui que de faire fausse route.
Angelo DOSSOUMOU S.