Par une décision rendue le 16 juillet 2015, la Cour constitutionnelle a interprété d'une manière inattendue l'article 44 de la Constitution du Bénin relative aux limites d'âge au plancher et au plafond pour être candidat à l'élection présidentielle. Selon cet article, l'âge minimum requis à la date du dépôt de la candidature est de 40 ans et 70 ans pour l'âge maximum. Il s'agissait pour la Cour de se prononcer sur la constitutionnalité d'un refus de la candidature du requérant Hermès Gbaguidi au sein de son alliance politique. Selon ce dernier sa formation politique aurait rejeté sa candidature au motif qu'en février 2016, mois de l'élection présidentielle il n'aurait pas encore 40 ans, sa date anniversaire étant le 19 novembre 2016. Etant né le 19 novembre 1976 c'est à cette date qu'il aurait eu les quarante ans requis pour prétendre être candidat à l'élection.
Mais pour la Cour constitutionnelle, les responsables de la formation politique d'Hermès Gbaguidi ont fait une mauvaise lecture de la Constitution. Dans sa décision, elle explique que dès que le requérant est entré dans la nouvelle année, il est considéré comme ayant 40 ans. "L'année entamée doit être tenue pour écoulée" (du latin "annus incoeptus habetur pro completo"), peut-on lire dans la décision de la Cour.
Depuis sa publication, cette décision n'a pas cessé de faire des vagues. Pour le juriste Serge Prince Agbodjan interrogé par Radio Bénin, la Cour constitutionnelle ne devait même pas se déclarer compétente quand elle a été saisie. Ensuite, l'homme de droit observe que dans leur interprétation les "sept sages" ont donné un autre sens à l'article 44 de la Constitution, ce qui est semblable à une usurpation de la souveraineté du peuple qui s'est donné ladite Loi fondamentale :
"La Cour s'est permis d'être au dessus de la souveraineté nationale".
Serge Prince Agbodjan rejette l'interprétation de la Cour. Pour lui, "la Cour ne peut pas (...) nous réduire la limitation d'âge à simplement l'année". Enfin, du point de vue du juriste, le fondement de l'interprétation de la Cour constitutionnelle, un adage latin, n'est pas valable. Car la norme de référence pour elle devrait être la Constitution.
Vincent Agué