La dernière fois qu’on l’a entendu parler publiquement remonte en octobre 2012 dans une interview qu’il accordée à une station de radio internationale. Après environ trois ans de silence, l’homme a voulu s’ouvrir à ses compatriotes à travers un entretien d’une trentaine de minutes dénommé ‘’Patrice Talon rompt le silence’’. L’opérateur économique béninois en exil forcé depuis le 19 septembre 2012 en France a passé en revue l’actualité sociopolitique du Bénin de ces dernières années. Il s’est aussi prononcé sur sa probable candidature aux élections présidentielles de Février prochain et la thérapie de choc à appliquer pour que le pays sorte du gouffre dans lequel il est plongé depuis bientôt une décennie.
En début d’entretien, l’homme d’affaire béninois Patrice Talon a tenu à rappeler qu’il est béninois et qu’il n’a pas deux nationalités comme le font croire certaines personnes. « Je ne suis pas français, je ne possède qu’une seule nationalité et donc un seul passeport. Depuis bientôt un an j’ai formulé auprès des autorités béninoises une demande de renouvellement de mon passeport périmé mais jusque là rien ». D’après les confidences qui lui ont été faite, le passeport a été établi depuis le 7 novembre 2014 mais saisi sans aucune raison. Un recours a été introduit dans ce sens à la cour constitutionnelle le 9 décembre 2014 par ses avocats mais ce recours est resté sans suite a expliqué le magnat du coton. L’homme estime que toutes les manigances sont montées contre sa personne puisqu’il a osé dire non au chef de l’Etat Boni Yayi dans sa démarche qui consiste à modifier la loi fondamentale du pays pour briguer un nouveau mandat. Patrice Talon explique qu’il a quitté le Bénin de façon clandestine le 19 septembre 2012 par voie terrestre en direction du Nigéria avant de prendre un vol pour la France et qu’après un mois l’affaire tentative d’empoissonnement a été montée juste pour obtenir son rapatriement au moyen d’une extradition.
Ressentiments de l’homme face à tous les évènements passés
l’homme d’affaire estime que jusque là, la tension met du temps à tomber mais qu’il est tant pour lui de tourner cette page. « J’ai beaucoup souffert de cette situation mais le temps a fait son œuvre. Aujourd’hui, je n’ai plus de blessure » a-t-il souligné. Sa satisfaction réside dans le fait que l’apaisement du climat sociopolitique consécutif au bon déroulement des différentes élections est effectif. « J’ai pardonné, j’aspire maintenant à la réconciliation effective et à la concorde » a-t-il poursuivi. A propos des procès en cours entre ses sociétés et l’Etat béninois, Patrice Talon affirme qu’il n’accepterait pour rien au monde être dédommager par son pays. Il précise qu’il avait déjà renoncé par le passé à plus de 4 milliards de franc de dommage et intérêt accordé par la justice béninoise en sa faveur.
Pourquoi intervenir dans le débat politique alors que vous êtes opérateur économique
Contribuer au débat politique et exercer une activité économique ne sont pas antinomique pour Patrice Talon selon qui la politique régit la vie de tout le monde dans la cité. Pour illustrer ses propos, il indique qu’à de grandes occasions où les grands débats politiques s’installent, toutes les composantes de la nation sont conviées. Référence a été faite en ce sens à la conférence des forces vives de la nation de 1990. « L’opérateur économique que je suis ne peut pas s’exclure du débat politique». Le richissime homme d’affaire dit qu’il accorde un grand prix à la démocratie et à la liberté. « Je suis profondément attaché à la démocratie et j’ai grand plaisir à prendre part à sa consolidation. La liberté permet l’éclosion et l’épanouissement de chacun en ce qui le caractérise mais la liberté ne peut exister sans la démocratie et la démocratie ne peut survivre sans la compétition politique ». Talon explique que son implication dans le débat politique et son appui à la classe politique toute tendance confondue est pour lui la meilleure façon d’entretenir la compétition politique pour la préservation de la démocratie. Il ajoute que sa présence dans le débat politique ne nuit pas au processus démocratique. A la question de savoir s’il sera candidat pour les prochaines élections présidentielles l’homme d’affaire répond : La situation du pays est préoccupante et cela nous interpelle tous. Chacun ne devrait il pas au sacrifice de sa vocation de son confort apporter sa contribution à la reconstruction de la cité. Nous devons sortir le Bénin de la misère et de la honte. Je prendrai d’une manière ou d’une autre ma part de responsabilité pour contribuer à relever ce noble défi ».
Pourquoi êtes-vous absent sur le terrain des œuvres sociales
A ce niveau Patrice Talon fait référence à sa culture biblique pour répondre aux questions des journalistes. Pour lui le bien n’a pas besoin du bruit. En ce sens, il évoque évangile saint Mathieu chapitre 6 versets 1 à 6 « Quand tu fais l’aumône, ne sonne pas la trompette devant toi comme ces hypocrites qui se tiennent en spectacle dans les rues pour obtenir la gloire des hommes. Que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite fait afin que ton aumône reste dans le secret ». L’homme dit que c’est une devise sur laquelle il se base pour agir dans la société. Patrice Talon dit affirme qu’il s’est investi à créer des emplois au Bénin de telle sorte qu’il est devenu le premier investisseur privé béninois et le premier employeur privé du pays.
Thérapie à appliquer pour sortir le Bénin du gouffre
Pour l’ancien bras financier de Boni Yayi, la misère galopante et le chômage ne sont que la résultante de la gouvernance politique actuelle. « Je suis resté sur ma faim quant à la gestion de Boni Yayi. Nous avions fait un mauvais casting » a-t-il souligné. Selon lui, la compétence et la recherche de la performance ont été très vite délaissées au profit du populisme et du clientélisme dans la perspective du renouvellement de mandat ». La solution pour inverser la tendance serait des réformes dans plusieurs secteurs. Entre autres reformes, l’exilé politique souligne qu’il faut : rééquilibrer les pouvoirs entre les différentes institutions et au sein de chacune d’elle de sorte à réduire les pouvoir individuels et personnels, instaurer une réelle indépendance des institutions vis-à-vis du chef de l’Etat, instaurer une réelle indépendance des différents pouvoir tel que la justice et la presse vis-à-vis du pouvoir exécutif, supprimer du modèle politique les facteurs qui incite les président de la République à souhaiter l’affaiblissement des partis politiques et la soumission de leurs leaders, mettre en place un financement publique significatif au profit des partis politiques, réorganiser les structures de contrôle de l’administration, une politique de promotion effective de l’investissement privé aussi bien dans les domaines d’intérêt général que particulier, la suppression de l’implication et l’influence du président dans la composition et le fonctionnement des institutions telles que la cour constitutionnelle, la haute autorité de l’audiovisuelle et de la communication, supprimer la possibilité du renouvellement du mandat, instaurer le mandat unique pour ôter au pouvoir exécutif ce qui constitue un principal handicap pour une gouvernance performante. A la question de savoir à quand Patrice Talon sera de retour au Bénin, il répond : Je compte rentrer au pays et c’est pour très bientôt.
Marcus Koudjènoumè