Durant son intervention télévisée d’il y a 48 heures, Patrice Talon était notamment attendu sur l’éventualité de sa candidature qui est susurrée depuis plusieurs semaines. S’il n’a pas donné une réponse affirmative, il a reconnu implicitement qu’il y songeait et notamment à l’idée de se lancer dans cette course pour laquelle il est conscient des obstacles qui l’attendent.
Depuis que sa rupture avec Boni Yayi est devenue un secret de polichinelle, Patrice Talon et le Chef de l’Etat actuel mènent une rude bataille dans laquelle presque tous les coups sont permis. Si aujourd’hui l’éventualité de la candidature de l’homme d’affaires se précise, il est clair que Boni Yayi rêve lui d’avoir comme successeur un homme qui à défaut d’être celui qu’il aura adoubé parmi ses partisans comme étant son dauphin, ne s’emploiera pas à lui pourrir la vie quand il quittera le pouvoir le 06 avril prochain. La perspective pour lui de voir son successeur être celui qui était le bras financier de ses campagnes de 2006 et de 2011, n’est pas pour lui plaire surtout parce que c’est une guerre froide atténuée par une paix des braves qui prévaut entre les deux hommes.
Compte tenu de la marge de manœuvre qui sera encore la sienne jusqu’au terme de son mandat actuel, Boni Yayi ne manquera donc pas l’occasion de discréditer à chaque fois qu’il le pourra la candidature de Talon. Pour l’homme d’affaires, il s’agit donc d’affronter un Chef de l’Etat en fin de mandat qui est toujours prêt à en découdre et qui ne pliera jamais. En plus de Boni Yayi, Patrice Talon devra aussi composer avec le landerneau politique béninois.
La “vieille classe politique“
L’information n’a jamais été confirmée officiellement, mais rien qu’en le divulguant les sources proches des instances dirigeantes de l’Union fait la nation (Un) tenaient à faire passer un message clair à Patrice Talon : ce regroupement politique ne sera pas le levier politique qui lui permettra de battre campagne pour le scrutin présidentiel de 2016. Une telle option était belle et bien tentante, mais en pesant le pour et le contre l’Un avait beaucoup à y perdre sur le plan politique, car elle ouvrait du coup la voie à sa propre implosion parce qu’en interne, la campagne est rude entre Eric Houndété et Emmanuel Golou qui souhaitent tous les deux être son candidat en 2016. Patrice Talon devra donc se trouver une machine politique suffisamment bien huilée pour battre campagne pour lui sur le terrain.
Car le “non“ officieux de l’Un aux yeux doux politiques qu’il lui a fait en pensant à l’échéance de 2016, appellera à coup sur celui d’autres formations politiques. C’est le cas notamment de la Renaissance du Bénin (Rb) et du Parti du renouveau démocratique (Prd). Quant à Abdoulaye Bio Tchané et Pascal Irénée Koupaki, ils piaffent déjà suffisamment d’impatience à l’idée de se lancer dans la bataille de 2016, qu’il serait très surprenant de ne pas les voir dans les starkings-blocks dans 06 mois. Du coup, Patrice Talon ne pourrait bénéficier que de ralliements d’hommes politiques qui auront fait l’option de faire cavalier seul et de se désolidariser de la consigne de leurs formations politiques respectives pour 2016. Aussi depuis plusieurs mois, certains des acteurs de la classe politique ont déjà fait du renforcement du système partisan un thème de campagne pour 2016. Or pour ceux-là, Patrice Talon est loin d’aller dans un tel sens puisqu’il est avant tout un business man et non issu du sérail politique.
La politique et les affaires
La principale force de Patrice Talon aujourd’hui, est la puissance de feu financière dont il dispose grâce à sa fortune. C’est d’ailleurs grâce à cela qu’il a pu financer successivement en 2006 et en 2011 les campagnes présidentielles victorieuses de Boni Yayi. Or si l’argent est un atout conséquent, il ne permet pas tout. Patrice Talon est aujourd’hui face au choix de passer du statut d’homme d’affaires à celui d’homme politique. Dans le même temps, il est clair que la politique et les affaires ne font pas forcément bon ménage notamment sous nos cieux à cause des liens quasiment incestueux qu’elles entretiennent. Comme le dernier mot revient aux électeurs, le nom de Patrice Talon a été pour beaucoup d’entre eux une énigme avant que l’homme ne sorte de l’ombre notamment dans les années 2011 et 2012 où sa rupture avec Boni Yayi était au centre de presque toutes les conversations.
S’il en vient aujourd’hui à avoir les ambitions présidentielles qu’on lui prête, c’est bien malgré lui car si les ponts n’avaient pas été coupés entre lui et le Chef de l’Etat actuel rien de tout ce qui passe aujourd’hui ne serait à l’ordre du jour. S’il a déclaré lors de son intervention télévisée du 17 août dernier avoir pardonné à Boni Yayi, il n’en demeure pas moins qu’il se doit se dire à certains moments qu’il a sa revanche à prendre sur un homme avec qui il avait d’excellentes relations il y a quelques années et dont le pouvoir s’est évertué selon ses propres propos à le persécuter depuis près de trois ans.
Bernado Mariano Houenoussi