L’Assemblée nationale a examiné hier jeudi 20 août, le dossier de demande de levée de l’immunité du député Barthélémy Kassa mis en cause dans l’affaire du Projet pluriannuel au secteur Eau et Assainissement, phase II (PPEA II). Au terme du vote qui a sanctionné les débats et qui ont été très houleux, la plénière par une majorité de 45 députés s’est opposée à la traduction de l’intéressé devant la Haute cour de Justice. La séance s’est déroulée en présence du gouvernement représenté par le ministre en charge de la Justice, Evelyne da Silva.
L’affaire de détournement des fonds du PPEAII a livré hier son verdict à l’Assemblée nationale. Barthélémy Kassa garde son immunité parlementaire. Ainsi en a décidé la majorité de ses collègues qui ont rejeté la proposition de résolution consacrée à cet effet. Le verdict du vote est tombé à la grande satisfaction du mis en cause qui n’a pas manqué de s’exulter de joie. Il donne 38 voix pour la levée de l’immunité et 45 voix contre. Les 40 députés de la Mouvance présidentielle ont bénéficié du soutien de certains de leurs collègues de l’Opposition en l’occurrence Robert Gbian, René Bagoudou, Valentin Houdé, Mohamed Atao Hinnouho et Issa Salifou alias Saley.
Un débat houleux
Ce vote de rejet a été précédé d’un long débat à l’hémicycle. Lequel débat a clairement révélé deux positions au sein de l’hémicycle. Il y a d’un côté les députés de l’Opposition qui soutiennent la levée de l’immunité de leur collègue. Et d’un autre côté, en l’occurrence ceux de la Mouvance présidentielle qui se sont ligués comme un seul homme contre la demande formulée par le chef de l’Etat puis le procureur général près la Cour d’appel de Cotonou.
Pour Augustin Ahouanvoèbla, il faut lever l’immunité du député Barthélémy Kassa, ancien ministre en charge de l’Eau, pour lui permettre d’aller s’expliquer devant les Officiers de police judiciaire (OPJ). Car il s’agit des faits qui portent sur 2,6 milliards FCFA des partenaires hollandais. « Il faut permettre au collègue d’aller s’expliquer. Ne pas le faire, c’est confirmer que les faits sont réels. Ce n’est pas une faiblesse pour lui de s’expliquer devant l’OPJ. Cela ne veut pas dire qu’il est forcément coupable », fait savoir le président du groupe parlementaire PRD. Il revient simplement, ajoute-t-il, de veiller à ce qu’il n’y ait pas de l’acharnement contre sa personne. Le chef de l’Etat doit le protéger contre toutes dérives de la part de l’officier de police judiciaire. En tout cas, son groupe parlementaire fort de 10 députés votera pour la levée de son immunité comme le souhaitent le chef de l’Etat puis le procureur général près la Cour d’appel de Cotonou.
Cette même position sera appuyée par plusieurs autres députés de l’Opposition dont Antoine Idji Kolawolé, Candide Azannaï, Gildas Agonkan, Basile Ahossi, Raphaël Akotègnon, Sacca Lafia, Joseph Djogbénou et Mathurin Nago. Pour ce dernier, le dossier est vraiment important pour l’avenir de la coopération bilatérale et multilatérale du Bénin. Il n’est pas demandé aux députés de juger le collègue. Il y a l’instance judiciaire qui a le pouvoir d’auditionner, de faire les enquêtes sur les faits, d’accuser, de condamner et de sanctionner si les griefs reprochés sont exacts. Pour lui, jusqu’à nouvel ordre, Barthélémy Kassa n’est pas encore poursuivi ni accusé. Il est juste suspecté dans les faits de dysfonctionnements dans ce projet financé par les Pays-Bas. Et ces dysfonctionnements seraient de la responsabilité du ministre Barthélémy Kassa. « C’est dans son intérêt qu’il soit écouté dans cette affaire qui a traversé les frontières. Il est important que ce collègue aille laver son honneur, se blanchir et préserver sa crédibilité », martèle Mathurin Nago qui souhaite que le Parlement donne une suite favorable à ce dossier. « Barthélémy Kassa n’a aucune crainte à se faire. Si après la levée, le Parlement constate qu’il a fait l’objet de traitement abusif, le Parlement a encore les pouvoirs pour arrêter les exactions », souligne Sacca Lafia.
Le dossier serait-il vide ?
Pour les députés du camp présidentiel, la procédure mise en branle contre leur collègue n’est pas sincère, sérieuse et pertinente. Car, selon eux le Bénin ne peut pas céder sous la pression et les humeurs des partenaires hollandais. « Où se trouve la souveraineté béninoise », se demande André Okounlola. Pour lui comme beaucoup d’autres, on ne saurait lever l’immunité de Barthélémy Kassa juste pour plaire à la coopération bénino-néerlandaise. Raison pour laquelle Rachidi Gbadamassi invite le président de l’Assemblée nationale, Adrien Houngbédji à ne pas encourager la violation des textes qui prévoient la séparation des pouvoirs. Il a dénoncé le clair-obscur qu’entretient le gouvernement dans cette affaire. Le rapport du cabinet n’est pas un acte judiciaire encore moins un acte juridique. A l’en croire, c’est le juge d’instruction qui doit formuler le souhait de la nécessité d’écouter Barthélémy Kassa. Le rapport est en contradiction avec le communiqué du Conseil des ministres qui trouve plutôt qu’il y a 56 forages réalisés sur les 60 prévus par le projet. Gilbert Bagana dira qu’il faut éviter l’immixtion de l’Exécutif dans le judiciaire et de l’Exécutif dans le législatif. Il conclut à un dossier vide. Il invite les députés à rejeter la demande de levée d’immunité. « L’immunité parlementaire est la seule chose qui reste au député qui doit en être jaloux ». Il se dit d’accord de la responsabilité morale et politique du ministre. Mais il a déjà payé le prix en démissionnant de son poste de ministre en charge de l’Eau. Pour Bida Youssoufou, le cabinet Kroll a bâclé le travail au regard des nouvelles informations de terrain qui parviennent au gouvernement. Le dossier est beaucoup plus politique, soutient le député FCBE.
Avec ce vote d’échec, le dossier est ainsi classé au cours de cette session. Mais il pourrait être réintroduit si le gouvernement le souhaitait.
Par Thibaud C. NAGNONHOU, A/R Ouémé-Plateau