Vaille que vaille, Patrice Talon se rapproche des Béninois et de la présidentielle de 2016. Lors d’un entretien accordé à Christophe Boisbouvier, le lundi 24 août 2015 sur Rfi, l’opérateur économique a confié être déterminé à mettre son expertise à profit pour reconstruire une économie détruite par l’improvisation et le cafouillage des années Yayi. Il faudra pour cela, reconnaît Patrice Talon, rassembler, au-delà des clivages politiques.
Il n’y a point de vent favorable à celui qui ne sait d’avance là où il va. Mieux, qui va loin, ménage sa monture. Les années d’exil ont convaincu Patrice Talon qu’il faut une thérapie de choc pour relever un pays à terre. Dans l’entretien accordé le lundi 24 août 2015 à Rfi, l’argumentaire était, une fois de plus, solide, et le diagnostic précis. Selon lui, l’errance politique ayant caractérisé les deux derniers mandats qui s’achèvent nous a plongés dans le décor. « Il faut reconnaître que le Bénin, présentement, est dans une passe difficile. Toutes les institutions ont perdu la confiance du peuple et le pouvoir exécutif s’est révélé à la fois, surpuissant et décadent. Quatre ans durant, j’ai eu le temps de constater, d’examiner à la loupe les travers du pouvoir et les faiblesses d’un système devenu dangereux pour les siens. Cela m’a transformé, c’est vrai », a déclaré l’interviewé. Son constat est d’autant plus vrai que c’est un supplice que vivent les Béninois du Nord au Sud, dans un pays confronté à une pénurie d’eau, d’énergie électrique et d’essence. Il n’y a pas eu de solutions réelles à leurs problèmes depuis dix ans. Le coton, seule culture de rente, n’a pas connu un véritable envol sous le régime de l’Emergence. A cela s’ajoute, honte suprême à la souffrance des Béninois, les scandales politico-financiers des plus sordides qui éclaboussent le pouvoir. Ces scandales, dont Yayi Boni ne veut pas qu’on en parle, ont largement entamé le peu de crédibilité dont le régime pouvait se prévaloir. Mais, le comble, et le plus désespérant dans ce tableau écœurant, ce sont ce que plusieurs constitutionnalistes ont appelé ces dernières semaines, les « égarements » de la Cour Holo. La Cour constitutionnelle, entre-temps, portée au pinacle et reconnue comme référence en matière de droit, a fini, certainement, sous la pression d’un pouvoir politique aux abois, par se compromettre dans des contradictions les plus sordides.
Il faut contribuer à consolider les fondements de la République, de la démocratie
Mis bout à bout, ces éléments finissent par justifier la déception des Béninois face aux politiques. Il faut corriger le tir. Tâche ardue qu’il faudra relever. A l’entendre, c’est l’une des raisons pour lesquelles une personnalité de la trempe de Patrice Talon, premier investisseur privé et premier employeur, est finalement convaincu de descendre dans l’arène politique. Car, avoue-t-il, « si votre idéal n’est pas une fiction, et ne relève pas du miracle, pourquoi s’obstiner à rechercher indéfiniment un porteur. Pourquoi ne pas aller au charbon soit même ?» C’est une preuve, au demeurant, que la candidature de Patrice Talon n’est plus dans l’ordre de l’hypothétique : c’est presque une réalité. D’ailleurs, l’intéressé a plusieurs fois répété qu’il ne craint rien, et rentrera au bercail dans les prochaines semaines. Le Bénin, étant, selon ses dires, une « terre de non-violence ». La bataille politique à venir se fera donc sur le terrain des idées. Ce ne sera pas un combat de gladiateurs. De plus, les candidatures annoncées, comme celles de Lionel Zinsou, Irénée Koupkaki, Robert Gbian ou Abdoulaye Bio Tchané, ne semblent guère l’indisposer. Interrogé sur ses relations avec les barons de la classe politique comme Adrien Houngbédji ou Bruno Amoussou, l’opérateur économique reconnaît les mérites de chacun de ces grands hommes. Il continue ses discussions avec toute la classe politique. Il est décidé à aller « au charbon ». Le premier et plus important chantier, c’est la reconstruction de l’Etat de droit et la démocratie. Puisque tout le monde le sait, en effet, mieux que lui, que quand les conditions ne sont pas bonnes, l’on ne peut investir ni entreprendre convenablement dans un pays. « Quand on a vraiment envie de laisser des traces, quand on a envie de voir son œuvre durer, perpétuer, il faut contribuer à consolider les fondements de la République, de la démocratie », a-t-il déclaré.
Wilfrid Noubadan