Ne l'appelez plus Maxime Houédjissin. Il répond, désormais, au nom de dah Houédjissin Sètondji Woudji-Woudji. Ce fut au terme de son intronisation le 31 août dernier, au Palais Singbodji, à Abomey. Ainsi, est revenu en sa maison première, l'homme qui s'était apparemment éloigné de sa culture de base.
A l'image du nouveau dah, nombre de nos cadres, plutôt que de rester déconnecter des valeurs de leurs terroirs choisissent d'y revenir. Beaucoup se sont fait introniser chefs de collectivités. D'autres ont accédé à la dignité suprême de rois. Tout se passe comme si ceux qui avaient été élevés dans le mépris de leurs cultures, rebroussaient chemin, revenaient sur leurs pas, touchés par la grâce.
Nous sommes face à une nouvelle donne. Avec une forte implication de nos cadres dans la défense et l'illustration de leurs valeurs ancestrales. Ils retournent à leurs communautés de base. Ils reprennent les rênes de celles-ci. Ils s'engagent avec celles-ci et auprès de celles-ci dans des processus modernes de changement. Il faut y voir, à la fois une revanche et à un acte de reconnaissance.
La revanche d'une Afrique qui fut alors, sinon encore, minorée et minimisée, humiliée et piétinée. Rien de ce qu'elle avait produit, fruit de son génie créateur, n'a pu trouver grâce aux yeux du colonisateur. C'était de bonne guerre. Il fallait totalement dévaloriser le colonisé à ses propres yeux. Il fallait qu'il adhérât, sans rechigner, à la fameuse mission civilisatrice du colonisateur.
Acte de reconnaissance à l'endroit d'un continent qui a su couver comme une mère poule, en le préservant de l'action de tous les prédateurs, l'essentiel de ses valeurs de toujours. C'est grâce à ses cultures, sauvées de la tourmente, que l'Afrique a survécu à des siècles d'avanie. Elle y a trouvé un refuge sûr pour son âme. Ces cultures constituent, aujourd'hui, la part contributive de l'Afrique à la construction d'un nouvel humanisme. C'est bien "La civilisation de l'universel" dont avait tant parlé le président poète Léopold Sédar Senghor.
Le retour de nos cadres, de nos intellectuels au bercail, se doit d'être apprécié avec sérénité et lucidité. Peut-on soutenir, dans cette aventure, qu'ils ont tous, invariablement et indistinctement, les mêmes motivations, les mêmes intentions, les mêmes raisons ? Les Malinké, gens sages s'il en est, disent (Citation) : "Une mouche ne bourdonne pas autour de quelqu'un pour rien" (Fin de citation). En nous efforçant de séparer le bon grain de l'ivraie, et par rapport à ce mouvement de retour, nous distinguons le cadre sincère du cadre démagogue. En nous interdisant toute confusion, nous ne confondons point le cadre engagé de bonne foi dans un combat de réhabilitation et de restauration avec le cadre assoiffé d'honneur et de pouvoir, le cadre en mal d'un positionnement avantageux. C'est La Rochefoucauld qui nous l'a appris : "L'hypocrisie est un hommage que le vice rend à la vertu". Il reste qu'avec l'arrivée de plus en plus importante de nos cadres dans les rouages de nos systèmes de pouvoir traditionnels, nous continuons d'observer un statu quo qui témoigne du fait que ça ne bouge pas autant qu'on veut bien le faire croire.
La chefferie traditionnelle est encore loin de retrouver son lustre d'antan. Elle reste largement encore un pouvoir à côté du vrai pouvoir. Elle s'empêtre souvent dans des querelles de clocher. Elle est quelque fois sous influences politiques. Certains de ses représentants ne résistent pas à l'appât du gain.
En termes de rapport de forces, le vrai pouvoir est républicain, avec les structures qui nous viennent de loin et que nous accommodons et acclimatons tant bien que mal à nos réalités. Le roi reste encore l'administré du maire dans une localité donnée. Tandis qu'au plan national, le Président de la République se veut le père de la nation, donc le père du roi.
Enfin, en ces temps où il est beaucoup question de révision de la constitution, aucune proposition, que nous sachions, ne vient du côté de nos systèmes de pouvoir traditionnel. Notre Constitution, on le sait, a emprunté beaucoup aux autres. Nous aurions tant voulu y mettre un peu de nous-mêmes, un peu de nos cultures. "L'emprunt, disent les Peul, est le premier né de la pauvreté".
Jérôme Carlos
La chronique du jour du 4 septembre 2013