Pour l’économiste togolais, la devise africaine adossée à l’euro est davantage un handicap qu’un atout dans les pays qui l’utilisent. À la suite du président tchadien, il ouvre le débat, sans tabou
Depuis juin, Kako Nubukpo a retrouvé sa liberté de parole. Celui qui a été pendant deux ans ministre au Togo a rejoint l’université d’Oxford et entend peser sur le débat public, notamment au sujet du franc CFA. Le 11 août, son combat a reçu un soutien de poids : le président tchadien, Idriss Déby Itno, a attaqué publiquement la monnaie commune à huit États d’Afrique de l’Ouest et à six pays d’Afrique centrale. Kako Nubukpo était le grand invité de l’économie RFI-Jeune Afrique.
Le coup d’éclat d’Idriss Déby
« En novembre 1972, le président togolais Eyadéma avait tenu des propos du même ordre sur le franc CFA, et cela avait débouché sur la révision des accords de coopération monétaire. Espérons que les déclarations d’Idriss Déby [appelant les Africains à s’approprier pleinement cette monnaie] débouchent sur des évolutions institutionnelles. Mais ce n’est pas aux Français de prendre des décisions : c’est aux chefs d’État africains de le faire. »
Les tares du franc CFA
« Le commerce intrarégional reste faible dans la zone CFA: il est inférieur à 15 % des échanges, contre 60 % au sein de la zone euro. Dès lors, quel est l’avantage d’avoir une monnaie commune? Ensuite, il est problématique de rattacher des économies faibles à l’euro, qui est une monnaie forte. Troisième défi: le fait que les banques ne prêtent pas. Aujourd’hui, nous appliquons une politique monétaire de pays riche, qui vise à maîtriser l’inflation, alors que c’est la croissance qu’il faudrait se fixer pour objectif. En outre, les banquiers centraux de la zone CFA continuent de placer des réserves auprès du Trésor français au-delà du ratio qui leur est imposé. Malgré ces travers, débattre du franc CFA reste un tabou. »
Un facteur d’inégalités
« La classe moyenne urbaine bénéficie du franc CFA car elle achète des produits importés et peut déposer son argent dans des pays de de la zone euro. Mais 75 % de la population de la zone CFA est rurale et a besoin d’une monnaie compétitive. Le franc CFA est la monnaie des élites. »