Les secrétaires généraux (Sg) des centrales et confédérations syndicales ont réagi suite au vote de la loi portant statut général de la fonction publique en République du Bénin. Pour les Sg/Cosi-Bénin, Noël Chadaré et Csa-Bénin, Dieudonné Lokossou, le gouvernement ainsi que le Parlement ont écouté le cri de douleur et de désespoir de la jeunesse, même si certains aspects importants, dont la contractualisation de la fonction publique restent une autre équation à résoudre. Quant au Sga/Cstb, Kassa Mampo Nagnini, le parlement est passé à côté de l’essentiel. Il fallait donc s’attaquer au point relatif à la contractualisation de la fonction publique, une disposition qui ne garantit aucune stabilité dans l’emploi.
Noël Chadaré, Sg/Cosi-Bénin : « l’Assemblée nationale est allée dans la bonne direction… »
« Quand on a mené un combat qui se solde par une victoire, on est satisfait. Après le combat contre la prorogation de l’âge de la retraite, nous pouvons nous estimer heureux. Ce qu’on peut retenir, c’est que le bon sens a triomphé, parce que notre combat n’est dirigé contre personne. C’est le contexte qui fait qu’il serait moralement indécent de proroger la durée de travail. Ce qui a été fait est en respect du bon sens qui est la chose la mieux partagée. On est dans un contexte de chômage criant des jeunes. Il faut, bien entendu, que les gens qui ont fait trente ans aillent à la retraite et que d’autres viennent. C’est vrai, la fonction publique n’est pas pourvoyeuse d’emplois, il y a également le secteur privé. Ce que nous savons, c’est que si certains vont à la retraite, le vide qui se crée pourrait être comblé par des jeunes, au lieu que les vieux s’éternisent encore pendant des années. Pis, il y a la pénibilité du travail. Les gens vont se retrouver comme des loques humaines, ils seront usés. C’est une loi qui fait que tout le monde est gagnant, aussi bien les agents qui iront à la retraite, que les jeunes qui vont trouver du travail. C’est une très bonne chose. Une fois, l’Assemblée nationale est allée dans la bonne direction, s’est inspirée de la volonté populaire. Quand vous écoutez le Béninois lambda, il veut voir son enfant travailler. Il n’était pas d’accord lorsqu’on voulait proroger l’âge de la retraite. Puisque le parlement est l’émanation du peuple, il a pour une fois respecté la volonté du peuple. Il faut les féliciter pour cela. Si on les a critiqués, parce qu’ils n’ont pas voté la levée de l’immunité du député Kassa, il faut aussi les féliciter pour avoir fait cet effort. Autre point de satisfaction, c’est que les agents des collectivités locales ont un statut. Grâce à ce texte, ils ont été reconnus comme des agents de l’Etat, ce qui leur permet d’avoir des avantages par rapport au travail qu’ils font. Ils étaient dans un état d’hybridisme.
L’autre aspect, c’est que, avec ce texte, il y a une contractualisation de la fonction publique. Il y a donc deux types de fonctionnaires, c’est-à-dire, les Agents permanents de l’Etat (Ape) et les Agents contractuels d’Etat (Ace). Les Ace sont souvent majoritaires. Ils y entrent contractuels et en ressortent tels. C’est des contractuels à vie, pendant que les autres sont des Agents permanents de l’Etat. Il n’y a pas une passerelle entre Ace et Ape. C’est un problème qu’il faut résoudre parce que le Bit n’est pas d’accord avec les pays du monde entier de cette façon de contractualiser la fonction publique. A ce niveau, nous n’avons pas eu de satisfaction. Si le texte est voté en l’état, c’est que d’autres combats seront encore menés ».
Dieudonné Lokossou, Csa-Bénin : « On ne peut pas être dans un pays où il y a deux régimes de travail »
« D’abord, nous avons pris une part active pour que le statut général de la fonction publique soit en faveur de la jeunesse qui souffre. Les jeunes sortent des universités et n’ont pas de chance d’accéder à un emploi. La retraite n’est pas une pénitence, c’est une grâce. Malheureusement, certains qui ont déjà atteint la limite d’âge souhaitent que l’on proroge le temps de service dans l’administration au détriment de leurs enfants qui sont à leur charge. Ce qui a été fait répond à une préoccupation majeure des confédérations syndicales. Je crois que les députés ont écouté notre Sos, en premier lieu, le président de l’Assemblée nationale qui nous a reçus en audience, à qui nous avons posé le problème, et notre cri a été entendu. Nous ne pouvons que remercier les députés, toutes tendances confondues, pour avoir pris leurs responsabilités dans ce sens. Dans notre pays, il n’y a que la fonction publique et le secteur privé qui recrutent. Les concours sont souvent entachés de fraude. Le terrain ainsi balisé, il faudrait que ces concours soient organisés dans un esprit de responsabilité et de justice sociale.
L’autre combat que nous allons engager, c’est la contractualisation de la fonction publique. On ne peut pas être dans un pays où il y a deux régimes de travail, c’est les Ape et les Ace. C’est une discrimination et la Constitution n’a jamais dit cela. Il faut fournir du travail décent à tout le monde. Aujourd’hui, on parle du travail décent, alors qu’il est devenu une denrée très rare et les travailleurs ne sont pas respectés dans leurs droits. Il y a un viol de conscience, un viol de la Constitution et le non respect des conventions que le Gouvernement a signées avec le Bit. Donc, la contractualisation, c’est une autre forme d’esclavage ou d’exploitation des travailleurs, même si les autorités disent que les Ace ont les mêmes droits que les Ape. Il faut qu’on bannisse de notre vocabulaire la contractualisation, car, à certains endroits, les Ace n’ont pas droit aux mouvements de grève. Et nous n’allons pas accepter cela. C’est bien qu’on ait voté la loi, mais ces dispositions dans le statut ne sont pas de nature à respecter les droits de l’homme ».
Kassa Mampo Nagini, Sga-Cstb : « La Cstb est déçue du comportement des députés »
« La Cstb est déçue du comportement des députés puisqu’ils ont laissé l’essentiel pour distraire le peuple avec le critère d’âge. A l’introduction de la loi, les confédérations syndicales avaient en son temps demandé qu’elle soit étudiée au niveau du comité paritaire qui regroupe le gouvernement et les confédérations syndicales pour discuter du contenu. Ce que le gouvernement a refusé alors que cette loi est la mère de tous les décrets qui sont étudiés en comité paritaire. Il a amené la loi à l’Assemblée nationale, l’a soutenue pour qu’elle soit votée. Ce qui a été fait. Cette loi tue l’emploi de la jeunesse, contrairement à ce que certains disent, que la jeunesse sera sauvée par l’adoption de cette loi. Cette loi se réfère essentiellement au décret portant régime juridique des agents contractuels de l’Etat qui a été révisé le 24 juin dernier. Ce décret en son article 6 stipule que les agents de l’Etat ne peuvent se prévaloir pendant la durée de leur contrat de la qualité d’agents permanents de l’Etat quelle que soit la nature de la fonction occupée. L’occupation par un agent contractuel permanent ne lui confère aucun droit à être titularisé à un grade hiérarchique auquel il appartient. Ce texte rend l’emploi des jeunes précaire, ils sont recrutés pour un contrat à durée indéterminée ou déterminée, ils ne peuvent pas espérer à être titularisés dans leur corps quels que soit le poste occupé. On veut amener les jeunes à être demandeurs. Si vous parcourez ce décret, à tout moment, le jeune peut être remercié. Mais les gens insistent sur les 30 ans de service pour 55 ans d’âge pour les catégories C, D et E, 58 d’âge pour la catégorie B et 60 ans d’âge pour la catégorie A. Là, je crois qu’ils ont tenu compte de ce qui se passe dans la sous région et même dans le pays puisque, ceux qui émargent à la caisse nationale de sécurité sociale iront à la retraite à 60 ans d’âge. La Cstb ne s’est jamais battue pour augmenter l’âge d’admission à la retraite, mais qu’il faut améliorer les conditions de vie et de travail des fonctionnaires pour leur permettre de vivre longtemps dans leur retraite. Actuellement, il y a 13.000 postes vacants au cours primaire et, il y a plus de 10 mille instituteurs qui ont fait l’école normale supérieure et qui sont en Chômage. 11 milles postes vacants au secondaire avec plus de 80% d’enseignants vacataires. Ils ne sont ni recrutés dans la fonction publique ni reversés pour occuper les 11 mille postes vacants. A l’université, il y a plus de 1500 postes vacants alors qu’on a des jeunes docteurs. On veut opposer les jeunes aux vieux, c’est de la démagogie ».
8-09-2015, Patrice SOKEGBE