Agitée depuis 2014, la candidature de Sébastien Ajavon à l’élection présidentielle du 28 février 2016 est désormais évidente. Si l’homme d’affaires réfléchit beaucoup à l’invitation de milliers de courtisans, il ne fait l’ombre d’un doute qu’il devrait se présenter aux élections présidentielles.
Dans le flot des annonces des candidatures pour l’élection présidentielle de février 2016, il y en a une qui va retenir tout spécialement l’attention des Béninois. Atypique, réjouissante et audacieuse, elle devrait transcender les clivages politiques et gommer les effluves de rancœur et de vengeance qui polluent le pays. Elle devrait porter les ambitions de toute une jeunesse et l’espoir de ce pays. Ainsi, sauf catastrophe, Sébastien Ajavon devrait officialiser sa candidature. Une candidature « irréversible », souffle son entourage car il aurait enfin accepté de s’engager après une longue période de réflexion, d’atermoiements et même de refus. Mais à la vérité, plus qu’une décision personnelle, la candidature de Sébastien Ajavon, l’autre homme d’affaires béninois, est nécessaire, opportune et justifiée dans le contexte politico-économique actuel, imprévisible et obscur.
Courage et transparence
Voir des hommes d’affaires entrer dans l’arène politique crée toujours une petite gêne comme si une séparation étanche ou un fossé virtuel existait entre l’arène politique et le monde économique alors qu’ils sont faits tous deux de gouvernance, de coups bas, de prospective et d’intelligence. Seule, en vérité la finalité les distingue : l’un doit tendre à la satisfaction du bien commun ou de l’intérêt général, l’autre tend à la satisfaction des intérêts particuliers. En ce sens, l’invitation que Monseigneur Antoine Ganyé, évêque de Cotonou, a adressée la semaine dernière à Sébastien Ajavon, ne peut avoir été qu’un nouveau prétexte pour lui de ne pas quitter la limite qu’il a toujours défendue et imposée : que les hommes d’affaires restent dans les affaires et que les politiques fassent la politique. Comme on dit, « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».
Mais un tel raisonnement semble facile et quelque peu ingénu. L’interaction entre le monde des affaires et le monde politique a été démontrée par l’histoire récente de ce pays et d’un homme d’affaires, par ailleurs candidat aujourd’hui, qui a réussi à se faire l’interface de l’homme politique en apportant une contribution substantielle à ses entreprises électorales au point d’en tirer un motif d’exigences et les capacités de nuire par les actions du gouvernant à ses autres compères dans les affaires. C’est en effet cela la réalité. Réalité économique, réalité des affaires. Réalité politique aussi. Quand en tenant le gouvernant, on peut biaiser les règles et se faire attribuer des marchés, des contrats ou des fonds ou garanties publiques auxquels on n’aurait pas eu droit si le jeu était transparent et juste, l’argument tiré du mélange des genres et la gêne à voir entrer un homme d’affaires ouvertement dans l’arène politique méritent qu’on les taise. Et pour ceux qui le connaissent, Sébastien Ajavon n’envisage certainement pas cette entrée dans l’arène politique comme une ambition personnelle. Une telle entreprise est plutôt honnête et transparente. En effet, si les règles du jeu ne sont plus respectées par tout le monde, si les hommes politiques n’œuvrent plus à l’intérêt général mais à des entreprises inavouées de quelques hommes d’affaires, se démarquer, sauter le pas, entrer dans l’arène a quelque chose de courageux et de clair. Le clergé béninois, me semble-t-il, ne devrait qu’abonder dans le sens de l’honnêteté et de la clarté de cette démarche qui manifeste les valeurs qu’il enseigne, défend et recherche plutôt que de laisser continuer une confusion, les manipulations ou les subterfuges qui ont conduit la cité au bord de l’implosion comme c’est le cas actuellement. Qu’il s’agisse d’intimidations fiscales, de complications administratives et douanières ou de poursuites judiciaires pour complots montés de toutes pièces, les affaires Gazprom en Russie, Tapie en France pour n’en citer aucune du Bénin, montrent tout l’intérêt de n’exclure psychologiquement ou légalement aucun citoyen du droit d’incarner l’ambition d’un pays, d’une génération lorsque certains acteurs politiques ont perdu le sens de cette nécessité. Il doit être admis que tout citoyen a le devoir de se faire entendre, de proposer à la cité une autre gouvernance lorsque la classe politique perd le sens des réalités, les capacités de porter l’espoir d’un renouveau ou lorsque des hommes d’affaires qui ont conduit des autorités publiques à effectuer des décaissements sous couvert d’obscures autorisations en conseil des ministres se présentent aux portes de la cité en sauveurs. Pour la suite, il faut exiger rigoureusement que les règles de conflit d’intérêt que la loi a posées soient respectées et permettent d’éviter toute attribution préférentielle frauduleuse de marché, toute confusion de patrimoine, tout mélange des arènes, toute collusion d’intérêts publics en faveur des ambitions personnelles.
Non nici parendo vincitur
Craindre avec cette entrée dans l’arène politique que le débat d’idée ne vire à une confrontation de puissances financières n’apparaît pas non plus de nature à nourrir de réticences justifiées. Cette confrontation existe d’ores et déjà, dans tous les cas, dans le secret des alcôves de campagne. Aucune campagne ne se fait plus sans argent ou moyens financiers. La misère organisée des populations et la faiblesse du contrôle légal ou judiciaire des campagnes électorales ont annihilé militantisme, intégrité et bonnes pratiques. Que l’on se constitue ces moyens au pouvoir au détriment du trésor public ou que l’on se fasse aider par des acteurs économiques qui ont tôt fait d’exiger leur rétribution, la nécessité de moyens financiers importants dans une campagne électorale est une réalité qu’il ne faut plus se cacher. C’est à défaut de ces moyens qu’un acteur économique a investi dans la réélection d’un chef d’Etat et a pu exiger d’avoir un bureau à la Présidence de la République. Continuer d’obliger les acteurs politiques à ce chantage n’augure donc rien de bon pour la bonne gouvernance qu’on attend d’eux. Et si pour une fois, l’opportunité se présente de laisser compétir des personnes qui sont en mesure de se craindre financièrement peut être peut – on espérer que la puissance financière n’annihilera pas tout le débat politique et le débat d’idées. Peut-être peut – on espérer des acteurs économiques et politiques une conscience de leurs responsabilités et une crainte de leurs périls. Mais il est une certitude : on ne parviendra pas à restaurer les bonnes pratiques sans faire triompher la parole donnée, la parole respectée et le choix non corrompu des populations. On ne parviendra pas à responsabiliser les acteurs politiques sans discipliner les acteurs économiques, restaurer l’altruisme et une certaine conscience de l’intérêt général. Il n’y a aucun développement économique ou social à espérer si on ne replace pas la sécurité des investissements, la saine concurrence, la neutralité de l’administration, le respect de la loi, la justice sociale, le travail véritable, la créativité, l’entreprise, plutôt que le régionalisme et la politique, au cœur des préoccupations. On ne sortira pas de l’ornière si les acteurs politiques font le lit à celui qui fait chanter et en récolte le fruit en demandant à celui qui a subi les intimidations de ne pas s’engager.
Conscience des responsabilités, des valeurs et de l’engagement social
Sébastien Ajavon n’est pas expansif. Il est plutôt respectueux des codes et du politiquement correct.
Quand on interroge sa saga personnelle, on retrouve l’histoire du Comptoir AJAVON et Fils (CAJAF) dont la création remonte aux années 1992. « … A l’époque, Sébastien Ajavon décide de faire de la commercialisation des produits alimentaires (volaille en l’occurrence, mais aussi des produits de la mer) sa principale activité.. » pour avoir compris ce besoin humain élémentaire et l’absence d’offre sur le marché. Il tire rapidement de cette activité conduite de manière rigoureuse et structurée des revenus substantiels pour étendre ses activités à d’autres domaines qui s’adaptent à la situation de pays de transit que constitue le Bénin. L’avènement en 1998 du Comptoir Mondial de Négoce (COMON) répond au souci de Sébastien Ajavon d’assurer une meilleure distribution des produits importés par CAJAF.
Depuis lors, ce self-made-man a vu sa côte de popularité s’accroître parallèlement à la réussite de ses affaires. L’homme d’affaires s’est taillé une forte image de philanthrope très généreux en injectant une bonne partie des bénéfices tirés de ses affaires dans les œuvres sociales. Il a ainsi investi dans le football, le sport roi, en créant une école de football de référence qui est le Centre International de Football Ajavon Sébastien (CIFAS) et en investissant dans la professionnalisation du championnat national de football. De la construction de modules de salles de classe électrifiées et équipées en mobiliers et latrines, au mécénat culturel : artistes, sportifs, Ong, promoteurs culturels, jeunes désœuvrés, beaucoup de compatriotes ont bénéficié de son engagement social. Il ne faut pas oublier également la création d’un Institut Universitaire des Sciences et Techniques (ISST) qui forme les jeunes bacheliers à des métiers d’avenir dans des domaines très variés qui vont de la maintenance des engins des travaux publics au tourisme.
Sur le site de la fondation qui porte son nom, on peut lire cette réflexion très révélatrice de la conscience qu’il a de ses responsabilités et de sa volonté de se mettre au service des autres :
« L’environnement socioculturel et économique en Afrique et surtout au Bénin est encore confronté à de nombreuses difficultés de tous ordres. Les effets de contrecoups imprévisibles, que ce soit au niveau micro-économique ou macro-économique, demeurent perceptibles et persistants malgré les actions et essais de résolution.
Le niveau de vie actuel des populations béninoises tant en milieu rural qu’en milieu urbain demeure précaire. Les difficultés quotidiennes liées notamment aux problèmes d’éducation et de santé, aux risques environnementaux, aux aléas climatiques, à l’insuffisance et à l’hygiène alimentaires, au chômage, à l’insertion des jeunes… sont autant de maux auxquels il convient d’apporter des solutions sinon pérennes du moins profondes et durables.
Seul, l’Etat ne peut résoudre ces problèmes. Il convient alors que des entreprises, des personnes physiques et morales aient à cœur le développement de la nation, et fassent passer en priorité l’intérêt du plus grand nombre qui malheureusement, vit dans des conditions peu favorables… »
La création de la Fondation ASG est une autre réponse, une prise de conscience de sa responsabilité sociale et de la nécessité d’apporter des solutions aux problèmes du plus grand nombre.
Son entourage souffle qu’il ne comprend pas les atermoiements de la classe politique face à la misère des populations ni son manque d’ambition face aux défis du développement. Il faut espérer qu’il a constaté le mépris de certains acteurs politiques pour les causes populaires. Sa candidature serait ainsi une réponse au désespoir des populations orphelines de la classe politique.
Un engagement politique discret mais déterminé
L’engagement politique de Sébastien Ajavon est né certainement de son vécu avec le gouvernement béninois ces dernières années, lorsque dans une volonté destructrice quelques-uns ont décidé de ruiner les investisseurs locaux qui ne voulaient pas rentrer dans les rangs. On ne l’a peut-être pas remarqué mais sous les slogans de refondation et autres, c’est bien au-delà des mots, une politique liberticide, une confiscation des richesses et de l’expression qui était envisagée et tentée. Au cœur de la tempête, le mérite de l’homme a été non pas de se défendre mais de se battre et de soutenir tous les fronts de défense de l’intérêt général sans envisager de remettre en cause l’ordre public établi mais simplement en galvanisant les hommes et femmes dont l’intégrité et la décision pouvaient sauvegarder le pays.
Son engagement politique est né simultanément de son expérience au patronat lorsqu’il se rend compte que le secteur privé contribue à un régime de sécurité sociale collective que quelques personnes mettent en péril. Son combat n’aura pas été vain même si la tentation à mal faire a conduit l’autorité de décision à ignorer l’invitation aux bonnes pratiques de toute l’équipe qu’il dirige. Il aura certainement constaté dans ce combat et les promesses non tenues de la conférence économique que les hommes d’affaires béninois et le secteur privé en général ont des solutions pour le développement de ce pays dont la mise en œuvre pratique, efficace et opportune échouait systématiquement devant les réticences, égo et cupidités de certains fonctionnaires. Il a en tous les cas subi ; les jeux politiques et les efforts mis en œuvre pour diviser les acteurs économiques, les opposer au détriment de l’unité, de la force et du développement qu’ils peuvent promouvoir. Car le développement n’est pas une dictature mais une émulation concertée.
Son engagement politique a certainement muri au contact des acteurs politiques. L’incapacité de la classe politique béninoise à s’unir autour d’un idéal est forcément un élément qui comptera dans sa candidature. Des mois durant parallèlement à d’autres qui ont suscité les initiatives désordonnées et alimenté précocement les ambitions personnelles, il a travaillé vainement pour réunir les hommes politiques et pour limiter la balkanisation politique qui ne favorise ni l’émergence de candidats crédibles et charismatiques ni la promotion d’un projet politique sérieux et durable.
Il a certainement tiré de ces déboires, des idées claires, des solutions adaptées, une connaissance approfondie des hommes, des instances et des organismes et une conscience des valeurs nécessaire pour nourrir la volonté d’œuvrer à un changement qualitatif pour le développement commun. Nous ne disons pas que Sébastien Ajavon a un projet politique prêt et sans faille, nous n’en savons rien. Nous affirmons seulement notre certitude qu’il n’a pu éviter de prendre des leçons, des contacts et des assurances suffisantes pour servir davantage les autres.
Pour la paix et l’espoir
Si on s’interroge encore sur ce que cet homme d’affaires peut chercher dans l’arène politique, on trouvera certainement un désir naïf d’unir ce pays et d’empêcher les velléités de vengeance et de règlement de compte portées, même si elles sont déniées par une certaine candidature. Le silence qu’il s’est imposé et son retrait stratégique de la scène ces derniers mois ne sont que la preuve d’une sage résolution à œuvrer autrement au développement de ce pays. Il est maintenant temps qu’il sorte de cette discrétion pudique. Il est l’heure d’affirmer sa détermination dont les fondements sont incontestablement plus vertueux.
Wandji A.