(Par Roger Gbégnonvi)
Sur la cinquantaine d’intentions de candidature pour le 28 février 2016, la Cour constitutionnelle en validera une trentaine. Sur cette trentaine, cinq environ sont crédibles avec des chances d’être du tandem final. Cette vérité est connue de l’ensemble des Béninois. A quelque nuance d’appréciation près, tout le monde est d’accord sur les noms des cinq qui devront se départager. Alors, que cherche la foultitude de candidats qui savent bien qu’ils n’aboutiront à rien, qu’ils ne négocieront rien avec des scores de 0,% ? Bof, c’est pour le jeu. Sur des chemins, très souvent ténébreux, ils ont amassé de l’argent et peuvent payer la caution exigée au départ, en étant assurés de ne pas la récupérer à l’arrivée pour n’avoir pas atteint le pourcentage de voix nécessaire. Mais c’est si glorieux, sur la carte de visite, d’avoir été candidat à la Présidence de la République. Ça vaut le coup d’y aller. Pendant la campagne électorale, on dansera et, à coups de 2.000 f par personne, on fera danser autour de soi les ‘‘supporters’’ et on se fera applaudir par eux. On a l’argent. En avant la musique !
Du reste, rien de nouveau à l’ère du Béninois change-menteur. Un exemple : à la nomination des nouveaux ministres et ministresses, nous sommes servis en cultes d’action de grâce au Dieu du ciel, eten marches de rire et de merci au dieu de la Marina. Il paraît que le Palais finançait pas mal la rigolade, ce qui permettait aux marcheurs d’empocher quelques sous pour rire encore un peu à domicile. Ces ‘‘animations’’ de rue ont été copiées chez le Timonier national d’á côté, qui les avait copiées lui-même chez le lointain Maréchal à toque de léopard, gouailleur de l’authenticité africaine. Et il est vrai qu’il suffit aux grands nègres de s’ébrouer collectifet de remuer les fesses en rythme pour prouver leur authenticité. Dans les années 1960, à l’heure des indépendances, un 33-tours à grand succès était simplement intitulé : ‘‘Toute l’Afrique Danse.’’ Car le grand Senghor a dit, et ce n’est pas nous qui allons le faire mentir : ‘‘Nous sommes les hommes de la danse, dont les pieds reprennent vigueur en frappant le sol dur.’’ Vu du Bénin en 2015, ça danse toujours. On s’amuse vraiment bien.
Et l’on joue volontiers avec les mots, car on n’a pas été ‘‘quartier latin de l’Afrique’’ pour rien. Nous prenons bien les mots en bouche et nous vous les mâchouillons jusqu’à les anéantir parfois, car il s’agit toujours de les aplatir et de les vider le plus possible pour en obtenir des baudruches musicales. Développement, démocratie, changement, refondation, et tutti quanti, plus ça retentit, et plus nous rigolons. Par exemple, nous avons été très sonores en révolution braillée pendant près de vingt ans. Une errance militarisée que nous baptisâmes socialiste, à la sauce marxiste-léniniste, pour singer le rouge vif de nos vaillants camarades en lutte à Moscou, Pékin, Pyongyang et Tirana. Et ce fut un grand moment de rigolade très jaune, ce fut un jeu formidable, étymologiquement, forme du diable. Car il nous reste des échos de notre vieille sonorité ‘‘quartier latin d’Afrique’’. Il est juste de le rappeler.
Tiens donc ! Juste ! Sapristi ! Justice est justement notrejouet chouchouté, et c’est pour mâchouiller très fortla justice que nous fîmes notre révolution d’opérette pendant plus de 17 ans. Récemment d’ailleurs, nos amis hollandais l’ont ressenti quand ils n’ont retrouvé dans aucun puits l’argent donné pour des points d’eau à l’intention des plus démunis d’entre nous. Et alors ! Quel mal y a-t-ilà jouer avec l’argent hollandais ? Et nos ‘‘honorables’’ députés, plus joueurs que nous, n’ont rien voulu savoir. Et alors ! Mais c’est ça l’honneur,quand il est joué et tambouriné sur la grosse baudruche du patriotisme parlementaire !
Et maintenant, que soitcompris ceci : lorsque Juvénal disait avec mépris aux Romains de son temps qu’il ne leur fallait que du pain et les jeux du cirque, il ignorait qu’aux Béninois de ce temps, le jeuseul suffirait pour leur aise. Et donc, ce qu’on s’amuse bien au Bénin !