Après deux semaines de séjour au Bénin du 31 août au 14 septembre dernier, l’équipe du Fonds monétaire international (FMI) conduite par Christine Dieterich, chef de mission pour le Bénin a rendu public une déclaration dans laquelle des constats ont été faits sur la performance macroéconomique du pays. Cette mission qui s’inscrit dans le cadre des consultations au titre de l’année 2015, n’a pas manqué de faire des propositions pour une amélioration de ladite performance.
«La performance macroéconomique du Bénin est restée solide depuis 2014, année à laquelle l'accord avec le FMI au titre de la Facilité élargie de crédit est arrivé à expiration. Les faibles niveaux de déficit budgétaire des années précédentes ont maintenu la dette à un niveau bas, ce qui fournit maintenant un espace budgétaire nécessaire au plan ambitieux du gouvernement d'augmentation des investissements publics dont l'objectif est de corriger les déficits d’infrastructures en termes d'énergie et de transports ». C’est la conclusion tirée par la mission du Fonds monétaire international (FMI) qui a séjourné au Bénin du 31 août au 14 septembre dernier.
Selon la déclaration rendue publique au terme de cette mission conduite par Christine Dieterich, le Bénin devrait, pour la troisième année consécutive, enregistrer une solide croissance économique, projetée à environ 5,5 % en 2015 et 2016. Ce taux indique que la déclaration de la mission est en ralentissement modéré de l’activité en comparaison avec 2014. Un ralentissement qui est dû à des effets négatifs de contagion du Nigeria, le principal partenaire commercial du pays. Mais l'inflation reste maîtrisée et devrait s’établir à environ 2 % en 2016.
Les priorités
Pour assurer une réduction du niveau élevé de pauvreté, Christine Dieterich et les membres de la mission estiment qu’une croissance plus forte et plus inclusive est nécessaire. Ils précisent dans leur déclaration que le recul durable de la pauvreté ne sera possible que si le secteur privé peut créer des emplois pour la population béninoise, jeune et en pleine croissance. Et le défi macroéconomique majeur pour les années à venir ajoutent-ils, sera la mise en œuvre efficace d’une hausse des investissements publics sans hypothéquer l'objectif de préservation de la viabilité de la dette que s'est fixé le gouvernement. Cela nécessite des réformes structurelles vigoureuses, selon des priorités.
Premièrement, pour que les dépenses d’investissement produisent des infrastructures de qualité, les envoyés du FMI indiquent que plus des réformes s’imposent au niveau de la gestion des finances publiques, comprenant la mise en place d'un cadre réglémentaire solide pour les partenariats public-privé et un meilleur suivi des sociétés d'État. Deuxièmement, ils proposent qu'une mobilisation plus importante des recettes fiscales domestiques pourrait créer un espace budgétaire supplémentaire pour des dépenses d'investissement, tout en réduisant la dépendance du Bénin à l'égard des recettes douanières.
La mission du FMI souligne troisièmement que les investissements publics dans le secteur des infrastructures ne suffiront pas à attirer l'investissement privé si le climat des affaires n’est pas amélioré davantage. A cet égard, concluent-ils, le renforcement du secteur financier doit être considéré comme une priorité afin de faciliter l'accès au financement et d'améliorer sa contribution à la croissance économique.
Pour Christine Dieterich et les membres de sa délégation, bien que la mise en place de ces réformes ait commencé, des progrès plus rapides dans leur mise en œuvre doivent être réalisés pour que l'augmentation des investissements publics se traduise par une croissance forte et durable.
Les complications de la politique budgétaire
En ce qui concerne la politique budgétaire, les membres de la mission du FMI révèlent qu’elle a fait face à des complications en 2014 et 2015. Ces complications selon la déclaration sont liées à la sous-performance des recettes provoquée par le ralentissement de l’activité observé au Nigeria, à des retards dans la privatisation de la société publique de téléphonie, et à un montant de financements extérieurs inférieur aux prévisions. Cette situation, conjuguée aux problèmes de capacité au niveau de l’exécution du budget, a retardé l'accélération prévue de l'investissement public.
Ces sous-performances aussi ont eu pour conséquence des retards de paiement du gouvernement, qui fragilisent la crédibilité du budget et qui sont préjudiciables au secteur privé.
En effet, afin de garantir une forte accélération des investissements pour le reste de 2015, le gouvernement selon les constats de l’équipe du FMI a récemment réagi face à ces sous-performances en augmentant le volume des placements sur le marché obligataire régional. « Bien que les titres d'Etat récemment placés aient en moyenne des maturités plus longues qui réduisent les risques de refinancement, le passage d’un financement extérieur concessionnel à un financement intérieur aux conditions du marché augmente sensiblement les charges d’intérêts », note la mission du FMI. De même, font remarquer les membres de la mission, l'accélération prévue du programme d'investissement est d'une telle ampleur que sa qualité risque d’en souffrir.
D’après les discussions que l’équipe du FMI a eues avec les autorités, indique la déclaration, le budget général de l’Etat exercice 2016 prévoirait des évolutions similaires. C’est pourquoi, les services du FMI souhaiteraient plaider en faveur d'une augmentation plus graduelle de l’investissement. Le processus serait en effet moins onéreux à financer, lorsque les réformes qui devraient renforcer l’impact de l’investissement sur la croissance seront bien avancées.
L'octroi de crédit bancaire limité
Quant au niveau élevé de créances improductives depuis 2009, la mission fait constater qu’il a limité l’octroi de crédit des banques commerciales au secteur privé. Conclusion, les niveaux de provisions associés ont provoqué une baisse du ratio de fonds propres dans le système bancaire. Mais ces ratios se sont récemment améliorés. Toutefois, la concentration du portefeuille de prêts des banques, révélateur des problèmes structurels de l’économie, selon la mission du FMI reste une source de préoccupation. La création prévue d'un bureau d’information sur le crédit dont la loi est en instance d’examen à l'Assemblée nationale, ainsi que les améliorations apportées au registre foncier permettraient aux banques de diversifier leurs portefeuilles et élargir l’accès aux services financiers.
Les dépôts et les crédits des institutions de micro finance (IMF) ont enregistré une forte croissance, facilitant ainsi l'accès aux services financiers. Cependant, le nombre important d'IMF non-agréées exige que soient renforcées les mesures prises par le gouvernement, y compris par des décisions de fermeture de structures non-agréées.
Enfin, bien que le cadre juridique et réglementaire de lutte contre le blanchiment d'argent dans le secteur financier soit en place, sa mise en œuvre doit être renforcée, y compris au niveau du système judiciaire.
Bruno SEWADE