A l’approche de la présidentielle de 2016, les regroupements politiques sont absents. Les alliances de partis s’affaiblissent un peu plus. Ils sont frappés de pleins fouets par les départs et une multiplicité de candidatures en leur sein. Rien à voir avec les deux blocs qui se sont constitués pour l’élection du président de l’Assemblée nationale, seulement en mai dernier.
Beaucoup continuent de chérir les souvenirs récents de la bataille très serrée entre deux grands blocs pour l’élection du président de l’Assemblée nationale, à l’issue de laquelle Adrien Houngbédji l’a emportée sur le fil du rasoir face à Komi Koutché, pion de Yayi Boni. Qu’on soit d’un bloc ou de l’autre, le peuple s’en souviendra des décennies durant avec nostalgie, car, il a cru enfin à la capacité des hommes politiques de s’entendre autour de l’intérêt général quand celui-ci est menacé. Il a cru que l’unité retrouvée autour de Adrien Houngbédji pour sauver la démocratie en danger, de même que la fidélité prouvée au chef de l’Etat par ses partisans pour s’aligner derrière Komi Koutché allaient triompher.
Mais à peine quatre mois après, où en sommes-nous ? Nombreux sont ceux qui se rendent à l’évidence de l’effondrement de ces regroupements et au fur et à mesure qu’on s’approche de l’échéance de 2016, les indices n’augurent rien de bon pour retrouver le même esprit de regroupement qui a prévalu en mai dernier. Les choses ont commencé par se gâter depuis les élections communales et locales à travers lesquelles, des leaders qui se sont soutenus lors des législatives, ont changé de discours en se regardant en ennemis. A Cotonou, où ce changement d’attitude a marqué les esprits dans la course au fauteuil du maire, c’est l’Union fait la nation, conduite par le député Candide Azannaï, bête noire de Yayi Boni qui a donné des ennuis à la Renaissance du Bénin, dirigée par Léhady Soglo,lequel était candidat à la succession de son père Nicéphore Soglo.
Pourtant, lors des législatives, les deux groupes ont battu campagne sur les mêmes thèmes pour empêcher Yayi Boni d’avoir la majorité à l’Assemblée nationale dont il pourrait se servir pour réviser la constitution du 11 décembre 1990. On a observé la même tendance pour le choix du président de l’Assemblée nationale alors qu’il y avait assez de candidats, tous autant capables de porter cette charge. Mais au nom du consensus, ils ont porté leur choix sur l’un d’eux. A l’instar de ce qui s’est passé à Cotonou, où finalement la Rb, aidée par les Fcbe et le Résoatao, a pris le dessus sur le camp composé du Prd et de l’Union fait la Nation, la commune de Kalalé a élu comme maire Orou Sé Guéné avec l’aide de l’Alliance pour un Bénin triomphant (Abt), alors qu’il était compté parmi les partisans de Yayi Boni.
Les communales comme terreau à l’effondrement des blocs
Un peu partout, on a assisté à des désunions pour retrouver des ententes entre les forces qui s’étaient combattues, et vice versa. En clair, les communales et les locales ont drainé du terreau à l’effondrement des blocs qui ont été mis en place lors des législatives. Au Bénin, c’est chaque élection avec ses réalités. Cependant, en dehors de quelques exceptions, la mise en place des regroupements de partis a favorisé la victoire des grands blocs quelle que soit la nature du scrutin. Dans six mois, les Béninois se rendront aux urnes pour élire un nouveau président de la République, un scrutin qui s’annonce très particulier et peut-être trop risqué. Dans la foulée, on voit des candidats s’annoncer dans les starting-blocks. Officiellement ou par dame rumeur, ils ont donné rendez-vous aux électeurs qui les verront sur les bulletins de vote le 28 février 2016, date du 1er tour de l’élection présidentielle.
En ce début de précampagne, se mettent en place des organisations sommaires avec des états-majors des candidats qui occupent le terrain, la plupart dans une position individualiste, au lieu de plaider pour le rassemblement, comme l’a indiqué Patrice Talon, lors de ses interventions sur les chaînes privées de télévision et sur Radio France internationale. Loin de lui, le débat auquel on assiste ne dégage pas de grandes causes fédératrices et mobilisatrices, qui feront tomber des désaccords et des dissensions. Et puis, force est de constater que ces maux qui constituent la source des errements et des échecs du passé sont de retour après qu’on ait cru à une unité retrouvée entre les grands ensembles. Faute de cohésion et d’entente en leur sein, parce qu’au cœur d’une multitude d’ambitions et de sensibilités, ou encore parce que poussés à l’éclatement par des bras invisibles, ils sont plus que jamais fragilisés.
Où est passée l’unité retrouvée ?
Aucun des deux ensembles n’est à l’abri de cette tempête qui sévit et laisse trace de son passage. Au sein de l’Union fait la Nation, il y a plusieurs sensibilités politiques de même que des personnalités qui laissaient croire que le fait qu’elles viennent d’horizons divers, n’est pas un frein à la recherche du consensus autour de l’essentiel pour le bien commun. Aujourd’hui, elles ne peuvent pas en donner la preuve. Inutile de rappeler les raisons de leurs profonds désaccords, mais il est important de souligner que la question de la présidentielle n’a fait qu’enfoncer l’Un dans la crise qu’on voyait venir. Devenue, la deuxième force politique après les Fcbe, l’Un est en train de perdre son statut, ce qui risque d’être lourd de conséquence pour l’opposition qui envisage de renverser le régime Fcbe en 2016.
On pourrait penser que c’est l’expression de la démocratie, mais très peu d’arguments plaident en sa faveur. La situation est similaire à l’Alliance Soleil, où très tôt, des problèmes majeurs sont apparus entre les leaders, donnant l’occasion à chaque composante d’envisager le futur autrement qu’il était conçu. On a commencé par entendre des fébrilités dans les autres alliances qui ont porté Adrien Houngbédji au perchoir. L’And de Valentin Aditi Houdé, le Fdu de Mathurin Nago, l’Abt de Bio Tchané ne sont pas invulnérables et pourraient faire les frais de la fièvre présidentielle à l’image de l’alliance Renaissance du Bénin-Réveil patriotique (Rb-Rp). Les deux leaders Léhady Soglo et Janvier Yahouédéou ne regardent pas dans la même direction pour la prochaine présidentielle. Et, d’ailleurs, une mauvaise nouvelle pour Léhady Soglo, c’est la démission du député Nazaire Sado de la Rb. Le président du parti y voit l’œuvre des présidentiables.
Quant au Madep de Séfou Fagbohoun, les indicateurs ne sont pas aussi alarmants. Où se trouve le Prd dans tout cela ? Le parti a toujours le vent en poupe après la résurrection de son leader, Me Adrien Houngbédji. L’université de vacance du parti prévue ce week-end selon Charlemagne Honfo, porte-parole des « Tchoco-Tchoco » devra apporter la confirmation. Ainsi, verra-t-on probablement, le Prd aborder le sujet, sans doute avec prudence. Ce sera un rendez-vous très attendu, dont les échos animeront l’actualité dominée par les préparatifs de l’échéance de 2016. Même si l’on ne sait pas de quelle nature sera la teneur du communiqué final de l’Université de vacance, on peut deviner que le parti réaffirmera sa détermination à œuvrer pour l’alternance en 2016 et à continuer les consultations pour opérer un choix judicieux. Cela passera par le rassemblement dont parlait Patrice Talon et sans lequel, l’espoir de chasser à travers les urnes, le régime Fcbe, n’est que de l’illusion. Pourvu que son message soit entendu et qu’il soit compris de tous.
Les Fcbe en rang dispersé
Quand on a évoqué les candidatures de Karimou Chabi Sika et de Soumanou Toléba, cela n’a pas retenti comme c’est le cas avec Aké Natondé, toujours en activité aux côtés du chef de l’Etat, contrairement aux deux premiers. Tout simplement parce que, lors des dernières élections législatives, l’ancien ministre de Yayi Boni, promoteur d’université privée et député à l’Assemblée nationale, a été le porte-étendard des Fcbe dans la 24ème circonscription électorale. A l’occasion de l’élection du bureau de l’Assemblée nationale, sa candidature au poste de 1er vice-président a été cooptée par le président de la République et soutenue par les Fcbe et leurs alliés. Pendant que le chef de l’Etat parcourt monts et vallées pour battre le rappel de sa troupe en vue de susciter une candidature unique, Bonaventure Aké Natondé a décidé de faire son chemin. Il sera également sur la ligne de départ pour la course.
Une mauvaise nouvelle pour les Fcbe qui avaient fait bloc derrière Komi Koutché à l’occasion de l’élection au perchoir. Ce dernier risque d’être le joker du président de la République, mais ne pourra pas bénéficier des mêmes soutiens qu’en mai dernier. Car, en plus de Aké Natondé, d’autres noms de personnalités de la mouvance sont agités, en l’occurrence ceux du ministre d’Etat, François Abiola, des députés Barthélémy Kassa, Issa Azizou, Nassirou Arifari Bako et le premier ministre Lionel Zinsou, un invité de marque dont on ignore encore l’envergure politique. La liste n’est pas exhaustive. En dépit de toutes sortes de manœuvres pour empêcher les Fcbe de voler en éclats, le chef de l’Etat n’arrive pas à atteindre son but. Pour le moment, ses lieutenants font le jeu pour avoir leur dernière part du gâteau, mais ils finiront par lui tourner dos pour monter à bord d’un autre navire qui leur assurera leur survie politique. Que restera- t-il des Fcbe et de leurs alliés ?
Fidèle Nanga