Professeur ,quelle lecture faites vous de la denière de la cour sur la destitution du coordonnateur du budget Freddy Houngbédji ?Par cette décision la Cour vient d’entériner un coup de force exécuté par une majorité mécanique d’opportunité à la Céna . En cette occurrence, une fois de plus, le gouverneur juge vient de décider au nom ses attributions d’organe de régulation. Pour autant convient-il de rappeler que le constituant de 1990 a établi la Cour en une haute juridiction constitutionnelle, sauf les cas expressément définis de missions extra-juridictionnelles. Dans ces conditions, Il ya lieu de clarifier que son statut d’organe de régulation n’est pas séparable de son caractère essentiel de juridiction. De sorte que, en cette matière, elle ne peut statuer qu’en sa qualité fondamentale de juge.
Pour s’en convaincre, il suffit de se référer aux dispositions du chapitre II de la Loi Organique portant sur la Cour Constitutionnelle pour savoir qu’elle ne peut procéder que par déclaration de conformité à la Constitution, tout comme en matière du contrôle de la constitutionnalité. Dans tous les cas, aucun thuriféraire d’une Cour toute puissante ne peut soutenir que le statut d’organe de régulation de cette institution de la république fait d’elle un organe supra constitutionnel à pouvoir ou compétence discrétionnaire en cette matière. En un mot, peu importe, les importantes compétences dévolues par le constituant à la Cour, elle est et demeure un organe infra constitutionnel. Elle reste entièrement soumise aux prescriptions, normes, pratiques édictées par les dispositions de notre Loi Suprême, dénommée également notre pacte social national.
Pour en revenir à la décision proprement dite, que reprochez vous précisément aux sages de la Cour
M ; le journaliste à l’analyse de la décision, on peut faire des observations aussi bien de forme que de fond. Sur la forme, M,le journaliste, on peut affirmer que la décision de la Cour a accueilli les recours en vue de censurer la procédure de destitution du coordonnateur au budget décidée par l’assemblée générale de la CENA. Ce que contestent le mis en cause et un autre requérant. Mais, fort curieusement la Cour s est ’auto-saisie pour sanctionner l’entrave au bon fonctionnement de la Céna, dont se serait rendu fautif le coordonnateur destitué par son refus de passer service à son successeur. Il est difficile de comprendre cette auto-saisine qui n’est prévue nulle part en matière de régulation du fonctionnement des institutions et de l’activité des pouvoirs publics. Il s’agit d’un grave précédent, en ce que l’article 23 de la Loi Organique sur la Cour a organisé clairement cette fonction de la haute juridiction. Le cas échéant cela constitue une grave caution à un interventionnisme arbitraire dans le fonctionnement des institutions, dans la mesure où pour un oui ou un non, elle s’invitera dans le fonctionnement des institutions.
Davantage, cette intrusion dans la gestion des institutions et dans l’activité des pouvoirs publics est une source d’insécurité juridique et judiciaire. Du coup, aucun pouvoir étatique classique n’est à l’abri de cet interventionnisme de la Cour qui s’accomplira au nom de l’exercice d’une certaine régulation. Or, de connaissance acquise, la régulation constitutionnelle dans un Etat de droit, comme le Bénin est exceptionnelle. Elle intervient généralement dans des cas de graves crises institutionnelles et politiques en tout d’une importance sérieuse. S’agissant, du cas spécifique du Bénin cette régulation s’exerce seulement dans le cas de conflit d’attributions entre les institutions de l’Etat et la procédure a été conséquemment indiquée. (Lire l’article 23 susvisé). Sinon, la régulation est naturellement fournie à l’interne par la réglementation des institutions et les pratiques administratives générales.
Par contre, à l’externe ce sont les juridictions administratives notamment et judiciaires qui de par leurs décisions régulent normalement le bon fonctionnement des institutions et l’activité des pouvoirs publics dans un Etat de droit, de surcroit démocratique. Vous comprenez, Monsieur le journaliste que tout le reste n’est que excès et abus , dès lors que le contrôle de constitutionnalité se transforme en une fonction de régulation du juge constitutionnel, ou s’y attache systématiquement. Il y a lieu de discerner pour une bonne administration de la justice constitutionnelle au Bénin.
Venons-en au fond, professeur !
Nous retenons à la lecture de la décision que la Cour s’est déclarée incompétente pour statuer sur les faits de malversations financières et autres fautes graves commises par un membre de la CENA. Notez bien ‘’autres fautes graves commises…’’ Or, de règle incontournable de droit, une fois l’incompétence déclarée, le juge ne peut plus apprécierle fond du litige. Mieux , cette décision le dessaisit du fond du litige. Dans l’espèce, la destitution a été motivée par les fautes graves imputées au coordonnateur au budget. Dans ce contexte, par quelle alchimie la Cour qui s’est déclarée incompétente pour apprécier lesdites fautes, en vienne à censurer, en confirmant la déchéance ? Comment a-t-elle pu juger au fond pour déclarer que la destitution ne viole ni la loi électorale, ni le règlement intérieur de la Céna?
Répondez-vous-même. Dans une hypothèse favorable, à supposer que la Cour veuille répondre aux requérants sur la régularité de la procédure de destitution, vous constaterez que la Cour n’a pas pu fonder sa décision sur le régime disciplinaire applicable en cette occurrence. Elle s’est contentée d’affirmer dans un considérant, « que cette destitution a été régulièrement soumise au vote de la plénière… qu’ainsi, il a été mis fin aux fonctions de M… en qualité de coordonnateur du budget de la CENA dans les mêmes conditions qu’il avait été élu par ses pairs… »(sic) Où sommes-nous ? Pour la Cour, la voie électorale suffit à elle seule pour justifier la régularité d’une procédure de sanction et équivaut à celle la dévolution de la fonction. Il s’agit ici d’une motivation trop légère qui ne peut convaincre personne.
Sa vacuité est d’ailleurs évidente, en ce que la question de la destitution n’a jamais été inscrite à l’ordre du jour de cette session. Du coup, la plénière n’a pu régulièrement se saisir ni délibérer valablement sur cette question. Dans tous les cas, le parallélisme de forme qu’insinue la motivation de la Cour est radicalement inopérant. En effet, la plénière élective avait eu à inscrire à l’ordre du jour le point relatif à l’élection des membres du bureau. La Cour devra nous épargner de ces contorsions flagrantes du droit. Dans cette espèce, au fond, le droit à la défense du déchu a été violé, le principe du contradictoire n’a pas été respecté par la plénière.
C’est dire que la Cour s’est encore une fois fourvoyé, professeur
Bien sûr que oui, M. le journaliste La Cour devrait aller jusqu’au bout de sa logique. Elle s’est déclarée incompétente pour connaître toute faute grave.Dès lors,sa mission d’appréciation de la requête est terminée. En effet, l’objet du recours s’est articulé en un contrôle de la régularité de la procédure de destitution. Dans ce cas, la réponse est simplement l’incompétence de la haute juridiction constitutionnelle. Surtout que visiblement, cette prétention relève du contrôle de la procédure ayant abouti à infliger une sanction. A tout point de vue , l’on se trouve dans un litige disciplinaire, même si, il peut s’analyser sous le sens d’une défiance des pairs. La Cour consciente de son errement est allée se réfugier dans une auto-saisine pour finir par enjoindre le mis en cause à passer service illico presto.
En vérité, il s’agit d’un motif spécieux pour valider la fautive destitution exécutée par la plénière de la Céna ce jour-là. Pour ce faire, le haut tribunal a versé dans des conjectures, en brandissant un supposé péril sur l’organisation de la prochaine présidentielle. Egalement, cela ne résiste pas à l’analyse. La preuve est qu’aux termes des dispositions du règlement intérieur, la Céna a continué à fonctionner normalement. La Cour n’a pas pu motiver de manière claire et nette que la non passation administrative de service a entrainé le mauvais fonctionnement de l’institution.
Professeur ,est ce qu’on ne peut pas dire que cette décision de la cour est encore ’’ une décision d’opportunité’’ ?
Monsieur le journaliste, c’est encore une décision d’opportunité du gouverneur juge. Il s’agit d’une validation d’un coup de force. C’est un très mauvais précédent pour la stabilité de la CENA et d’ailleurs pour les autres institutions, si cette décision devrait faire jurisprudence. Merci